Non, tous les moyens ne sont pas permis contre l’adversaire politique ou idéologique. Il n’est pas légitime de diffamer, d’insulter ou de propager la haine à l’égard d’une personne dont on conteste les opinions, le programme ou la conduite. Cela ne veut pas dire qu’il convient de mener mollement la bataille des idées. Cela veut dire qu’il faut combattre avec des armes loyales et que c’est déshonorer ses propres convictions que se laisser aller à des campagnes de diffamation, à la propagation de rumeurs ou pire encore à des montages mensongers. Ces jours derniers, des collègues ont pris la défense de Mme Vallaud-Belkacem, qui est la nouvelle cible privilégiée des opérations d’intox. Je suis contraint de donner raison à la protestation quand, d’évidence, on s’est servi de faux grossiers, comme de la fabrication pure et simple d’une circulaire ministérielle préconisant l’apprentissage de l’arabe.
Force m’est cependant de constater en même temps que l’indignation justifiée est souvent une arme pour empêcher le débat de fond. Ceux qui protègent, avec des arguments recevables, la ministre de l’Éducation nationale, font en même temps barrage à une discussion sur les convictions bien établies de Mme Vallaud-Belkacem, militante pro-mariage gay et qui plus d’une fois a plaidé en faveur de l’indistinction sexuelle. Je me souviens d’une émission de télévision où elle prétendait qu’un homme peut aisément se substituer à la maman auprès des enfants. Et puis il y a une singulière mauvaise foi à asséner qu’on s’en prend à « une prétendue théorie du genre ». Les médias qui, jour après jour, reprennent la rengaine sont les mêmes qui ont placé au pinacle depuis très longtemps une Judith Butler, parce que, précisément, elle voulait provoquer « du trouble dans le genre », en développant une théorie constructiviste dans le but de faire sauter les tabous sociaux.
Il est catastrophique de se lancer dans des campagnes de démolition des personnes car elles transforment ces personnes en victimes et empêchent d’engager sérieusement le débat intellectuel qui conviendrait. Hier, Christiane Taubira a bénéficié de l’aubaine. Il est irresponsable de reprendre les mêmes procédés à l’égard de Najat Vallaud-Belkacem, à qui nous devons l’hommage d’un combat à la loyale.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 10 septembre 2014.