A propos de la haine - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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A propos de la haine

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Les deux Testaments de l’Écriture comportent des passages dans lesquels nous sommes exhortés à haïr quelque chose, comme le mal, mais pas à haïr notre frère. Nous sommes habitués, peut-être trop, à l’adage : « Haïr le péché mais aimer le pécheur ». Cet aphorisme peut aisément laisser l’impression que mon péché flotte quelque part, complètement indépendant de moi qui, dans le même temps, demeure aussi pur que la neige. Il n’existe pas de péché qui soit déconnecté d’un pécheur. Plus encore, nous sommes clairement avertis d’éviter certains pécheurs ou, au moins, de traiter avec eux avec un maximum de précautions.

Lorsqu’Aristote parle de la colère, une bonne chose en elle-même, il parle de notre manière de contrôler ou non notre réaction passionnelle à ce qui est dangereux ou mauvais. Habituellement, nous l’exagérons. Mais ne pas être en colère vis-à-vis des choses mauvaises est un vice. Il y a des choses qui devraient nous mettre en colère.

La haine est notre réponse émotionnelle lorsque nous reconnaissons que quelque chose en particulier est mauvais dans le monde. Dites-moi ce que vous haïssez et je vous dirai qui vous êtes. Et si vous me dites que vous ne détestez rien parce que rien n’est mauvais dans le monde, je vois encore plus clairement ce que vous êtes, c’est-à-dire désespérément naïf.
Ce qui m’intéresse ici est le phénomène relativement récent connu sous le nom de « langage de haine ». Il y a peu de choses qui soient plus pernicieuses, surtout lorsque les gouvernements et les institutions se mêlent de le définir. Il y a clairement un conflit entre le « langage de haine » et la liberté d’expression. Les personnes qui furent occupées à repousser les limites de la liberté d’expression, de telle sorte que presque tout puisse être dit en toute impunité, sont maintenant les mêmes qui, pour contrôler la culture, veulent supprimer tout propos qui ne leur plaît pas.

D’où provient cette affaire de « langage de haine » ? Son origine est l’entreprise réussie de renversement de la structure morale de la société civile. Plus généralement, cette transformation s’est accomplie par l’usage habile du « discours sur les droits ». Sur les territoires nationaux, ce qui était auparavant appelé un désordre ou un vice a d’abord été toléré puis est finalement devenu un « droit ». Une fois devenu un « droit », si quelqu’un l’appelle un péché ou un désordre, cela devient une calomnie, une attaque de la dignité et de la fierté humaines transformées.

Le langage humain a un but. Il est destiné à définir, puis à nommer, ce qu’il désigne en réalité. Si l’on en vient à utiliser le même mot pour deux réalités différentes, c’est l’usage qui va nous permettre de déduire à quelle réalité l’on se réfère. Si le mariage signifie à la fois la relation homme/femme et la relation homme/homme, la réalité que recouvre le mot mariage ne change pas. L’une n’est pas l’autre.

C’est à ce carrefour que le “langage de haine” entre en scène. Puisque la loi déclare à présent que les deux unions maritales sont « les mêmes », nous ne sommes plus libres désormais d’affirmer qu’elles ne sont pas la même chose. Entendre que ce qu’ils vivent est ou n’est pas un mariage est une cause de souffrance pour les gens. Le fait lui-même qu’il ne s’agit pas de la même chose est considéré comme un désordre civique qui doit être interdit, au nom de la prévention des troubles. Nous pouvons nous trouver ostracisés ou mis en prison pour déclarer ce qui est vrai et l’argumenter. La liberté d’expression, qui était destinée à déclarer la vérité des choses n’est plus autorisée. La vérité est désormais ce qui met la société en danger.

Lorsque cette situation devient universelle, nous découvrons qu’il nous faut établir des lieux où les gens sont protégés contre les discours qui remettraient en question soit la véracité de leurs propres choix, soit la loi civile qui se proclame désormais compétente pour juger de tous nos propos. Une des caractéristiques les plus odieuses des sociétés totalitaires est de placer des dispositifs d’écoute ou de faire dire aux enfants ce que leurs propres parents disent en privé. Ce phénomène est arrivé chez nous. Il est à présent revêtu de l’image de la protection des victimes de la haine de ceux qui refusent d’accepter le régime des nouveaux « droits », qui considère que sa loi est la plus haute et la seule dans le pays.

Dans son étude de la loi, Thomas d’Aquin posait la question : « Devons-nous avoir une loi qui interdise tous les vices ? » À première vue, cela semble une bonne idée. En réalité, c’est une idée terrible. Thomas d’Aquin a compris que donner un tel pouvoir à l’État impliquerait une connaissance divine. De plus, cela supprimerait la liberté de commettre une erreur et de se tromper qui nous permet de tracer notre propre destinée.

Thomas d’Aquin savait qu’il faut faire avec certains vices, sous peine d’être en état de guerre avec tout le monde. Mais habiliter l’État à nous débarrasser de tous les vices reviendrait à lui donner le pouvoir absolu, ce qui est une chose que trop de politiciens convoitent. Les citoyens perdraient cet espace de liberté et d’intelligence dans lequel ils ont à prendre leurs propres décisions. « Les lois de la haine » mènent à son terme l’effort d’un état démocratique à changer la nature humaine.

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Photo : Révolutionnaires culturelles.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/10/09/on-hatred/

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James V. Schall, S.J., qui a servi comme professeur à l’Université de Georgetown pendant trente-cinq ans, est un des écrivains catholiques les plus prolifiques d’Amérique. Parmi ses récents ouvrages figurent The Mind That Is Catholic (« L’esprit qui est catholique »), The Modern Age (« l’Âge moderne »), Political Philosophy and Revelation: A Catholic Reading (Philosophie politique et révélation : une lecture catholique »), Reasonable Pleasures (« Plaisirs raisonnables »), Docilitas: On Teaching and Being Taught (« Docilité : sur le fait d’enseigner et d’être enseigné ») et Catholicism and Intelligence « Catholicisme et Intelligence).