J’ai longtemps hésité à aborder ce sujet à cette tribune. Je risquais – pardonnez-moi – de m’y casser la figure. Par expérience physique, je sais que ça peut vous faire très mal et que l’expression métaphorique, ici, n’est pas un moyen de fuir la réalité mais de s’y heurter avec fracas. En l’espèce, je me pose une question terrible : est-il possible, aujourd’hui, dans les circonstances éprouvantes que nous savons, d’affirmer une fierté chrétienne ? J’aurais la possibilité d’argumenter longuement là-dessus, en me fondant sur la Sainte Écriture, le Nouveau Testament, saint Paul… Il y a bien des années déjà, ce savant éminent qu’était l’abbé René Laurentin avait attiré mon attention sur la notion de parrhésia, en une période où l’Église était déjà chahutée, mais pas avec la violence que nous connaissons aujourd’hui.
Tout de même, nos prêtres sont parfois insultés dans la rue. Il paraît même que ça arrive à des évêques. Il y a quelques mois, le primat des Gaules était odieusement caricaturé à la une de Charlie Hebdo. C’était fait, évidemment, pour l’humilier. Il se trouve que je vis dans un département de la région parisienne où il a longuement exercé son ministère et où nombreux sont les anciens lycéens et lycéennes qui en ont bénéficié, avec une formation spirituelle qui les nourrit encore vingt ans ou trente ans après. Eux aussi sont forcément humiliés et ont l’impression que tous les coups sont permis. Il leur est interdit de défendre leur père spirituel, lapidé parfois par des complices ralliés eux aussi à la contagion mimétique, décrite par René Girard, qui se résout dans le lynchage du bouc émissaire.
Les caricaturistes, les professionnels de l’humour se joignent au processus, parfois de façon odieuse. Aussi, je reconnais avec un talent qui les sépare de l’ignominie. J’ai ainsi sur mon bureau un dessin où un Christ en croix s’adresse à un évêque pour vilipender son inconduite. Pourquoi pas, dira-t-on ? On pourrait trouver dans l’art médiéval des satires assez féroces des têtes mitrées. Mais nous ne sommes pas au Moyen Âge où la fierté de la foi se dressait partout, dans la fidélité à la parrhésia biblique. Il nous faut donc, aujourd’hui, puiser avec un courage supérieur dans nos énergies intérieures, pour témoigner du mystère qui brille dans les âmes et dans les cœurs à l’encontre du poids d’iniquité qui nous accable.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 novembre 2018.