Généralement, je m’abstiens plutôt d’analyser ici les phénomènes politiques. Non que je m’en désintéresse le moins du monde. Mais j’ai scrupule à intervenir dans le cadre de cet éditorial sur ce qui relève de la liberté civique. Je déteste, en tant que journaliste, conseiller à ceux qui m’écoutent régulièrement le choix d’un bulletin de vote particulier. Dans la grande famille des ondes qui est la nôtre, il y a différentes sensibilités politiques, des options parfois assez opposées en matière de stratégie économique. Il y a des libéraux et des anti-libéraux. Il y a des gens naturellement de droite, du centre et de gauche, et je ne prétends nullement les faire changer de position. En revanche, il m’arrive de traiter plus facilement des questions de philosophie politique, voire de morale fondamentale, où je sollicite une réflexion commune, qui n’est pas étrangère aux choix électoraux mais qui exige une certaine distance par rapport à des enjeux immédiats.
Tout cela pour dire que je n’aborderai pas la question du Front national, à la suite de l’élection de Brignoles, pour signifier accords ou désaccords, encore que cela pourrait m’arriver sur des sujets de fond. Non je n’insisterai que sur l’évident trouble social, économique, culturel, et même spirituel qui explique une recomposition de notre paysage politique. Il est évident que toutes nos formations classiques sont ébranlées par une crise dont on n’aperçoit pas le terme et qui inquiète profondément les Français. Ce n’est pas pour rien qu’un Alain Finkielkraut peut s’expliquer longuement dans son dernier essai sur ce qu’il appelle L’identité malheureuse (Stock). Les défis que nous avons à relever, ne serait-ce que celui de l’immigration, celui de la transmission des savoirs, celui de la transformation de nos structures économiques sont gigantesques. Visiblement, il y a incertitude grave, perte de confiance dans les anciens repères. Il serait certes dangereux de renforcer un sentiment de type anxiogène. Il n’en est que plus urgent d’éclairer le débat public en s’expliquant, en essayant de convaincre sans jamais éluder aucune interrogation légitime.