Le rassemblement interreligieux qui a eu lieu à Assise, mardi, n’a pas eu l’écho qu’avait eu, il y a trente ans, la spectaculaire initiative de Jean-Paul II. Moi-même, n’aurais-je pas dû réagir à l’événement dans mon édito d’hier matin ? Qu’importe, pourvu qu’on puisse bien prendre la mesure d’une sorte de colloque qui rassemble les responsables des principales religions du monde, dans le moment qui est le nôtre. À l’heure où beaucoup considèrent que le facteur religieux joue contre la paix du monde et la pacification des esprits et des cœurs, il était important que le Pape rappelle que notre avenir est de vivre ensemble, en nous libérant « des lourds fardeaux de la méfiance, des fondamentalismes et de la haine ». Telle était l’intuition centrale de Jean-Paul II pour la première rencontre d’Assise en 1986.
Dieu sait qu’elle avait suscité des incompréhensions. Dans son dernier livre d’entretiens avec Peter Seewald, le pape émérite Benoît XVI admet qu’il avait alors exprimé des réticences sur la forme de la rencontre. Et il ne s’y était d’ailleurs pas rendu. Lors de la seconde rencontre dans la patrie de saint François, toujours sous Jean-Paul II, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi avait répondu à l’invitation très directe du Pape. Elle était, dit-il, mieux structurée que la première. « On avait tenu compte de mes objections, et elle avait pris une forme à laquelle je pouvais parfaitement adhérer. »
Il faut parfois essuyer les plâtres, lorsqu’on va à l’encontre des habitudes et des préjugés les mieux établis. L’intuition de Jean-Paul II était juste, reconnaît Benoît XVI. Pour en avoir parlé avec le cher cardinal Etchegaray, grand organisateur d’Assise I, je puis témoigner de l’ébranlement considérable que constituait la réunion d’un tel aréopage. Les erreurs de conception ont pu être réparées et l’esprit d’Assise a conduit la communauté Sant’Egidio à une action internationale, d’une conception elle-même inédite. Le religieux, désormais, peut intervenir directement sur la scène internationale, éventuellement pour éteindre un conflit. Il n’y a là-dedans, comme l’a répété François mardi, nul syncrétisme et nul relativisme. Simplement une prise de conscience que c’est la concorde par approfondissement des relations qui doit guider les hommes et les femmes, soucieux de puiser dans leurs traditions de quoi servir la grande cause de la paix.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 22 septembre 2016.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- MESSAGE POUR LA JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010