Il y a quelques années, mon Pasteur me parlait de l’enseignement de la « morale catholique » en classe de première. Je ne peux dire que je repense à ces trois années avec, heu, plaisir. Ni satisfaction. Certains de mes étudiants sont toujours catholiques ; d’autres plus. L’ensemble de l’expérience m’a laissé une profonde appréciation pour quiconque sait comment travailler avec les jeunes et vraiment les atteindre avec la Bonne Nouvelle dans une culture moribonde comme celle de notre Occident post-vérité.
Je suis donc plutôt indulgent avec celui qui essaie d’évangéliser les jeunes, surtout depuis que la redoutée génération Y a fait son apparition. Il est facile de critiquer les échecs, difficile de savoir quoi faire – ou parfois même où commencer. Si vous pensez avoir une réponse, essayez-la quelque part, voyez ce qui se passe. J’ai écrit ici sur quelques éléments qui peuvent encore nous sauver. La récolte pourrait être bonne, mais il n’y a pas assez d’ouvriers (ou de bonnes idées) dans la vigne.
J’ai aussi écrit presque chaque jour à propos du Synode sur la Jeunesse en octobre dernier, avec un mélange d’espoir sur les buts et de doutes sur l’approche. Et j’ai lu l’exhortation post-synodale du pape François qui a suivi, Christus vivit ! (Le Christ est vivant !), publiée mardi, avec les mêmes attentes.
Il y a des pages assez émouvantes dans ce long document, encourageant les jeunes à aspirer à de grandes choses, à devenir eux-mêmes acteurs de leurs propres histoires, à parler à l’Église, même lorsqu’ils ont des doutes, et à être ouverts aux réponses qu’ils peuvent recevoir de proches plus âgés et de figures d’autorité de confiance de l’Église. Et par-dessus tout, à être ouverts à la réalité de Jésus-Christ.
L’exhortation affirme que les jeunes devraient aider à enseigner la manière de s’adresser aux jeunes aujourd’hui à ceux qui, dans l’Église, sont mariés à des modèles obsolètes de sensibilisation. Au lieu de conférences sur la foi et la morale, les jeunes eux-mêmes devraient encourager la constitution de communautés, au travers de groupes et d’activités variés : s’occuper des pauvres et des marginalisés, travailler pour la justice sociale, développer de nouveaux chants religieux, des célébrations liturgiques, et autres activités sociales.
Il y a aussi l’encouragement à voir le travail – tout travail – comme une vocation, en plus des formes traditionnelles de vocations religieuses.
C’est fort bien, en particulier, je crois, d’encourager les jeunes qui sont enthousiastes à propos de la foi à tendre la main à d’autres jeunes.
Et à se marier et à former des familles, un besoin qui, comme je l’ai suggéré à plusieurs évêques pendant le synode, a été négligé.
À mon avis, il n’y a cependant toujours pas assez d’importance donnée, non seulement à tomber amoureux et à se marier pour la vie, mais aussi à avoir des enfants. Il y a beaucoup de propos vagues sur le profond amour qui engendre la vie. Et surtout dans le monde développé, où les populations diminuent, dire explicitement que pour la plupart des gens, leur vocation est un emploi, le mariage, et d’avoir des enfants, aurait rendu le document beaucoup plus incisif.
Une des ironies de l’exhortation est qu’elle décrit beaucoup plus ce que les écoles catholiques et les ministères des jeunes ont fait pendant des décennies – au moins aux États-Unis – comme s’il s’agissait de quelque chose de nouveau. Et présente comme potentiellement efficace ce qui a été, en grande partie, sans effet. Ici, l’Église continue de vivre une hémorragie des jeunes.
En fait, y a-t-il un pays dans le monde moderne où le doctrinal a été excessivement et rigidement souligné par rapport au pastoral ? Où les adultes chassent les gens avec la répétition usée de la morale et des doctrines, et ne font guère plus d’effort pour la socialisation et « l’accueil » que pour l’enseignement et la formation ?
Le pape le suggère souvent. Mais mon avis est : probablement rarement depuis Vatican II. En fait, à en juger par l’évidence que nous avons des programmes qui semblent attirer le plus les étudiants et conduisent vraiment à ce qu’ils vivent d’authentiques vies de chrétiens, il s’agit de ceux qui combinent la sensibilisation pastorale avec une dose substantielle de vérité catholique.
L’évêque Robert Barron souligne depuis des années que l’unique facteur que le plus de jeunes citent pour s’éloigner de la foi est qu’ils pensent que la science a rendu la croyance incroyable.
Il se peut tout à fait, comme l’affirme le pape François, que commencer par des arguments contraires peut rebuter beaucoup de gens. C’est seulement pour dire que nous rencontrons les gens là où ils sont. Mais je vois la popularité chez les jeunes de figures comme Jordan Peterson, et l’évêque Barron lui-même. Et cela me conduit à croire que beaucoup cherchent quelque chose de plus charnel que la millionième répétition d‘affirmations (par ailleurs vraies) que Dieu nous aime.
Il est beaucoup fait mention du Christ dans l’exhortation ; le père Antonio Spadaro, s.j., qui a probablement joué un rôle dans sa rédaction, a écrit un article brillant qui fait ressortir que non seulement le Christ « vit » dans le titre, mais que « « Vie », « vivre », « vivant » sont des termes répétés dans le texte quelques 280 fois, autant de fois que le mot « jeune », ce qui est la clé de l’exhortation. »
C’est tout à fait exact, mais peut-être que cette quasi-obsession – une demi-douzaine de fois par page selon mon décompte – reflète aussi une certaine limitation. Parce qu’il est également vrai que l’on peut lire ce long texte et n’y voir jamais les mots « ciel » (sauf dans une citation), « mort », « au-delà », « éternité » (excepté en tant que Dieu nous a voulus de toute éternité, pas comme un état futur), etc.
Cela m’a tant surpris que j’ai réellement fait des recherches de mots, pensant que j’avais peut-être oublié quelque chose dans une première lecture rapide. Mais non. Toute la question de ce qui se passe lorsque nous mourons est absente, ainsi que si la « sensibilisation » des jeunes est simplement une façon de leur donner une expérience humaine plus riche – un but sociologique et psychologique -, ou si elle importe éternellement dans un sens transcendant.
Et cela signifie qu’outre un sens accru du pardon et l’accompagnement par le Christ de tous Ses enfants, il y a là beaucoup ici que le meilleur du monde séculier peut déjà offrir aux jeunes. Et qu’il le fait, avec des indulgences pour la fornication, l’homosexualité et l’avortement.
Vous pouvez argumenter sur les nombreuses et diverses façons dont l’exhortation essaie d’éliminer les obstacles pour atteindre les grandes bandes de jeunes maintenant éloignés et profondément désintéressés de la religion, en particulier du catholicisme. Mais la réticence à aborder certaines des questions les plus importantes de la foi peut-être l’une des choses même qui n’a pas réussi à attirer des jeunes qui cherchent désespérément des réponses plus profondes.
4 avril 2019
https://www.thecatholicthing.org/2019/04/04/in-search-of-young-people/
Dr. Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing, et président de l’Institut Foi & Raison de Washington, D.C. Son livre le plus récent est A Deeper Vision: The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century (Une vision plus profonde : la tradition intellectuelle catholique au vingtième siècle), publié par Ignatius Press. The God That Did Not Fail: How Religion Built and Sustains the West (Le Dieu qui n’a pas échoué : comment la religion a construit et soutient l’Occident), est à présent disponible en édition de poche chez Encounter Books.
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- Jean-Paul Hyvernat