L’écrivain Jean Bastaire est mort assez soudainement, à 86 ans, le samedi 24 août dans sa maison de Maylan, près de Grenoble. Veillé par quelques amis dont Michel Péguy. Il a rejoint dans l’éternité sa femme Hélène, morte en 1992, dont il était resté très proche.
Un hommage fervent lui sera rendu ce lundi 14 octobre à 18 h 30 dans la chapelle du Calvaire au 24, rue Saint-Roch (Paris Ier), à l’initiative du P. Thierry de l’Epine, président de l’association internationale Saint-Roch et en partenariat avec Claire Daudin, présidente de l’Amitié Charles Péguy.
La réunion sera suivie à 20 h d’une messe concélébrée dans l’église même, chapelle de la Vierge.
Pour présenter Jean Bastaire, il n’y a rien de mieux que de citer le cardinal Philippe Barbarin dans les « Cahiers de Saint-Lambert », n°1 – hiver 2008.
Je ne sais pas si vous connaissez Jean Bastaire, un vieux monsieur enthousiaste, admirateur de saint François d’Assise et passionné d’écologie, un cœur pur. Je crois que, par des publications, il aide la conscience chrétienne à se réveiller sur la question de la création. Aujourd’hui, il va plus loin encore et travaille le lien entre écologie et Rédemption… Il s’y aventure humblement en chrétien, en théologien et en poète. Il réfléchit, travaille beaucoup et n’hésite pas à demander conseil… Il ouvre les pistes.
Au fil d’une longue carrière littéraire et de ses engagements, Jean Bastaire s’est acquis de nombreuses amitiés et non des moindres. Il promeut avec obstination l’écologie, notamment dans ses derniers livres (Pour une écologie chrétienne, Cerf, 2004 – et Pour un Christ vert, Salvator, 2009 ou La Création pour quoi faire ?, Salvator, 2010).
Il entend distancier l’idée de nature inspirée de Platon et Aristote au bénéfice de l’idée de création directement venue de la Bible. Il rétablit l’homme dans sa mission de gardien de la Création et non plus de dominateur de la nature d’après une fausse lecture de la Genèse. Nature ou création, il ne faut pas sacraliser, mais la sanctifier. Il faut éviter le panthéisme pour qui la nature est Dieu pour suivre Maxime le confesseur et son panenthéisme qui vient dire que tout est Dieu.
Admirateur de François d’Assise, Jean Bastaire évoque dans ses ouvrages la fraternité cosmique et christique. Il privilégie sa propre traduction du Cantique des Créatures en remplaçant le pour par le par « Loué sois-tu par Sœur Eau et non pas pour Sœur Eau… » Il n’hésite pas à incriminer l’ordre franciscain pour sa tiédeur en écologie. (« A quoi bon se bercer du Cantique des Créatures si c’est pour laisser notre Sœur Eau devenir crachat… »)
Jean Bastaire nous rappelle que l’écologie de Jean-Paul II se nourrit des épîtres de Paul et notamment de l’épître aux romains : « La Création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement. Elle a gardé l’espérance… »
Bastaire considère Péguy, sur lequel il a beaucoup écrit, comme un théologien de l’Incarnation : l’Incarnation du Christ venu sur terre pour la sauver. Avec Péguy, il dénonce la toute puissance de l’argent qui engendre une société de consumérisme et de prédation. Il préconise une société de sobriété qui permette à la paix et à la louange de s’épanouir. « Il faut donner audience à la Création humiliée ». Pour le « Christ vert », salut de l’âme et sauvegarde de la création vont de pair.
Mais plus encore que Péguy, c’est Claudel qui l’a impressionné. « Claudel, le grand mystique du salut de la terre et le prophète somptueux de la Pâque de l’Univers… » Ainsi, dans l’attente de la Parousie et de l’union dans le Christ à la fin des temps, Bastaire a développé sa théologie, consillé par le jésuite François Euvé, teilhadien, qui s’est lui-même attaché à « découvrir la dimension cosmique du Christ ». La Messe sur le monde à « découvrir la dimension cosmique du Christ ». La Messe sur le monde atteint la grandeur du Cantique des Créatures. Bastaire cite volontiers le pasteur protestant Jürgen Moltrmann pour sa véritable théologie de l’écologie dans Le rire de l’univers. Comment de la Genèse à la Parousie, l’histoire de la création a pour centre le Verbe créateur. Il conclut : « Le rire de l’univers est le ravissement de Dieu ».
Il ne resterait qu’à citer Georges Bernanos, si attaché au doux royaume de la terre, Bernanos pour lequel Jean Bastaire avait écrit une préface pour Jeanne, relapse et sainte.
Olivier Moulin-Roussel