On avait l’habitude de dire que le prêtre « faisait » l’eau bénite ; pas seulement qu’il la bénissait. Le rite est toujours présent dans le rituel romain. Le prêtre « fait » de l’eau bénite en ajoutant du sel exorcisé à de l’eau exorcisée.
Il ajoute du sel à l’instar du prophète Elisée, qui a purifié de cette façon les eaux de Jéricho (2 Livre des rois II, 19 – 21) : « Ainsi parle l’Eternel : J’assainis ces eaux ; il n’en proviendra plus ni mort ni stérilité. »
L’eau bénite, dans ce rite, est considérée comme une créature pure, qui confère directement le pouvoir de Dieu. Ainsi, le sel et l’eau doivent tous deux être exorcisés, selon l’idée que la chute s’est propagée à toute la création matérielle, donnant à Satan une domination, même sur les éléments inertes.
Les exorcismes sont tonifiants. Par exemple, à propos du sel : « Notre secours est dans le nom du Seigneur. Qui a fait le ciel et la terre. Je t’exorcise, toi créature sel, par le Dieu vivant, par le vrai Dieu, par le Dieu saint…pour que tu deviennes santé de l’âme et du corps pour tous ceux qui te prennent ; que toute illusion et méchanceté, et tout piège diaboliquement rusé, et tout esprit malsain s’éloigne du lieu où tu seras répandu, exhorté par Celui qui viendra juger les vivants, les morts et le monde par le feu. Amen ».
Un exorcisme n’est pas une simple prière, mais, comme le dirait le philosophe J.L. Austin, « quelque chose qui se fait avec des mots ». Cela transforme le sel et l’eau, les changeant d’une manière spéciale, en instruments contre le Mauvais. Ainsi, la prière finale du prêtre sur ce mélange, supplie Dieu de le sanctifier pour que, « où qu’il soit répandu, par l’invocation de ton Nom très saint, tous les troubles causés par des esprits mauvais soient bannis, et que soit chassée très loin la crainte du serviteur venimeux. »
Je crois que dans les églises d’aujourd’hui, l’eau bénite est habituellement bénie, et non pas « faite », le prêtre se contentant de dire une prière de bénédiction et de faire au-dessus un signe de croix, souvent au cours d’une messe.
Loin de moi qui ne suis pas un liturgiste, la volonté de proclamer que même l’eau bénite a été diluée. Oui, bien sûr, moi aussi, j’ai pensé : « si nous pouvons suivre l’exemple d’un grand prophète, si nous pouvons utiliser des produits exorcisés – pourquoi au monde ne nous servons-nous pas de ces aides supplémentaires ? »
Sûrement pas sur la base minimaliste que la grâce du Christ est suffisante, parce que dans ce cas, l’argument qui impliquerait qu’on ait même simplement de l’eau bénite ne tiendrait pas. De plus, le Christ est un médiateur, après tout, qui, dans sa vie sur terre, a montré qu’il appréciait beaucoup de travailler grâce à des moyens matériels, tels que des crachats et de la poussière.
En tout état de cause, par expérience, je sais que l’eau bénite marche vraiment bien contre le démon.
D’abord, j’emploie le mot « expérience » dans le sens large et exact, de ce qui a été expérimenté par ceux en qui nous avons confiance – et non pas le sens cartésien atténué de ce à quoi mes propres sens ont été soumis en particulier. Dans ce sens, l’expérience de Sainte Thérèse d’Avila est aussi la mienne : « J’ai appris qu’il n’y a rien de pareil à l’eau bénite pour faire fuir les démons, et prévenir leur retour ».
Beaucoup de mes amis m’ont dit la même chose. Par exemple, la nuit ils étaient troublés par des rêves tordus, – et après qu’ils aient aspergé le lit d’eau bénite chaque soir, et récité deux ou trois je vous salue Marie, le problème avait disparu et n’était jamais revenu. Il y a quelque chose du même ordre que j’ai expérimenté dans ma propre vie.
Beaucoup des amis dont j’ai parlé, et c’est tout naturel, n’oublient pas l’eau bénite quand ils vont border leurs enfants. Mais ceci conduit à une autre raison d’en faire l’éloge, au-delà de son utilité, à savoir, comme c’est attrayant pour les enfants et les adultes qui ont un esprit d’enfance.
Comme enfants, nous nous émerveillons devant les cloches, la fumée, le feu. L’Eglise a raison de faire appel à nos sens de cette façon. Mais considérons que l’eau, comme le feu, n’est pas « supposée » être à l’intérieur des bâtiments. Aussi, même une petite bougie votive – ce petit point de feu brillant, protégé par la cire, mais dangereux s’il s’échappait – peut signifier quelque chose de transcendant, la prière qui monte vers Dieu, et la lumière qui en descend.
Pour des raisons similaires, nous nous penchons en avant pour être aspergés d’eau bénite le dimanche de Pâques, et nous aimons tremper nos doigts dans le bénitier. Comme l’eau n’est pas là où elle est « supposée » être, cela signifie facilement que la grâce de Dieu afflue, tandis que cela devrait nous amener à prendre en considération notre propre baptême et l’efficacité purifiante d’une confession sacramentelle.
La famille est une église domestique, non pas toute seule, mais en participant à la vie de l’Eglise. Cette petite bouteille d’eau bénite à la maison, témoigne alors de la réalité des saints ordres, et le pouvoir de l’Eglise dans les sacrements.
Comme l’eau bénite est considérée comme précieuse, et qu’elle ne vient que du prêtre, cela honore la prêtrise. Comme on peut se procurer librement de l’eau bénite,-on a juste besoin d’apporter une bouteille à l’église et de la remplir,- cela nous enseigne que les choses les plus précieuses dans la vie n’ont pas de prix. Elles sont données gratuitement par Dieu, du moment que nous allons simplement les chercher au bon endroit.
Finalement, comme l’eau est un élément, et l’eau bénite un élément béni, cela rend témoignage à la bonté de la création, à la façon dont la grâce complète la nature, et à la logique de l’Incarnation.
Il y a tout un catéchisme contenu dans l’eau bénite. D’un côté nous pouvons dire bien sûr que la véritable Eglise l’aurait inventé. Et d’un autre, comme la vérité est déterminée par l’évidence, nous pouvons aussi dire que l’existence et l’usage de l’eau bénite, de même que quarante autres choses, est, presque à elle toute seule une raison de devenir catholique.
A la suite de saint François, je veux dire « Loué sois-tu mon Seigneur, pour ma sœur l’eau bénite, qui est très utile et humble et précieuse et chaste. »
6 mars 2018
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/03/06/in-praise-of-holy-water/