Thomas savait quoi chercher. C’est sûr, il n’aurait pas dû douter. Il aurait dû croire les autres Apôtres. Mais avec tout son scepticisme, il savait quoi chercher. Il savait que le Seigneur Ressuscité du Dimanche de Pâques devait avoir les blessures du Vendredi Saint. Sans cela, ç’aurait été une miséricorde contrefaite.
« A moins que je ne voie la marque des clous dans ses mains et que je ne mette mon doigt dans la marque des clous, et que je mette la main dans son côté, je ne croirai pas » (Jean 20:25). Cette quasi obsession pour les blessures de Notre Seigneur indique leur importance pour la Fête de la Divine Miséricorde. Ces blessures conservent et expriment la vérité sur la miséricorde. Tout spécialement dans une culture si encline aux miséricordes contrefaites et à la fausse compassion, nous avons besoin de nous centrer avec Thomas sur les blessures du Christ.
Les blessures défendent l’intégrité de la miséricorde en proclamant la réalité du péché. Pour que la miséricorde soit authentique, pour qu’elle ait quelque puissance ou signification, il faut qu’elle prenne le péché au sérieux. « Il a été percé pour nos fautes, broyé pour nos iniquités… le Seigneur a fait reposer sur lui notre culpabilité à tous » (Isaïe 53:5-6). Les blessures de Notre Seigneur montrent qu’Il connaît très bien nos péchés, mieux même que nous ne les connaissons nous-mêmes. Il en a souffert tous les effets.
Ce n’est pas une miséricorde qui fait peu de cas de la culpabilité ou qui banalise le péché. L’homme a toujours eu tendance à faire ainsi (par exemple : « La femme m’a donné le fruit de l’arbre, alors je l’ai mangé…Suis-je le gardien de mon frère ? »). Mais de nos jours, nous avons tout un système philosophique qui cherche à justifier cette tendance. Le relativisme moral attire les gens précisément parce qu’il promet d’ôter l’aiguillon de la culpabilité en bannissant tout jugement. Alors qu’il se présente lui-même comme une miséricorde, le relativisme moral est, en fait, la plus grande cruauté : il vole à l’homme l’aptitude à se repentir.
La miséricorde dépend de la vérité sur l’homme et sur ses choix moraux. C’est seulement quand nous savons qu’il y a un mal à rejeter et un bien à choisir que nous pouvons nous détourner de l’un pour l’autre – ce qui est la véritable signification de la repentance. Et c’est seulement en nous détournant du mal pour nous tourner vers le bien que nous pouvons recevoir la miséricorde qui nous est constamment tendue. Le relativisme moral proscrit toute norme objective par laquelle nous pourrions savoir que nous avons failli et que nous avons besoin de nous repentir. Là où il n’y a pas de normes morales, il ne peut y avoir ni repentir ni miséricorde.
Naturellement, le sens moral n’est pas éradiqué si facilement de la société. L’homme exprimera ce sens si profondément ancré en lui. Cependant, en l’absence de référence objective, la morale est déterminée par les puissants. Alors nous devenons esclaves des changements d’humeur tyranniques de la majorité, qui commande de se repentir de ceci un jour, et de cela le lendemain. Nous nous sentirons toujours coupables, mais sans moyen de s’en sortir autre que plaire à une foule capricieuse.
Les blessures du Christ réprimandent le relativisme moral et confirment la dignité de l’homme comme agent moral. Elles révèlent de façon extrême qu’il y a un bien – un bien ultime – que l’homme a le pouvoir de choisir ou de rejeter par sa volonté libre. Heureusement, par cette même volonté, l’homme peut trouver la miséricorde en se détournant du mal pour se tourner vers le bien.
Alors même qu’elles révèlent la réalité du péché, les blessures du Christ proclament également le bien éternel à la disposition de l’homme. « Jésus vint et se tint au milieu d’eux. Il leur dit : ‘la paix soit avec vous’. Leur ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. »(Jean 20:19-20). Il prolonge la paix en plus qu’un souhait mais comme un raccourci de tous les biens que la réconciliation avec Dieu apporte à l’âme. Ses blessures sont un sacrement, le signe extérieur de « la paix de Dieu qui surpasse toute compréhension humaine » (Philippiens 4:7).
Enfin, Ses blessures nous rappellent que vouloir être miséricordieux nécessite l’acceptation d’être blessé. Pardonner, c’est remettre une dette. La requête qui s’y rapporte dans la prière du Seigneur est parfois traduite : « remets-nous nos dettes comme nous remettons celles de nos débiteurs ». Tout comme effacer une dette financière signifie souffrir une perte monétaire, ainsi, dans l’ordre moral, pardonner des péchés implique un certain degré de souffrance. De nouveau, la miséricorde contrefaite de notre culture est si séduisante. Elle ne nous coûte rien. Mais si nous voulons vraiment pardonner, nous devons vouloir souffrir une once de tristesse et de chagrin.
« Recevez l’Esprit Saint. Les péchés seront pardonnés à ceux à qui vous les pardonnerez. Ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » (Jean 20:22-23) Ces mots font particulièrement référence au pouvoir sacré du prêtre d’absoudre dans la confession. Mais le principe qu’ils expriment s’applique à tous : nous avons besoin de la grâce de l’Esprit Saint pour pardonner.
C’est précisément pour accorder cet Esprit de pardon que Jésus-Christ a souffert les blessures de la Croix et a ressuscité avec elles, triomphant.
Le père Paul Scalia est un prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie) où il sert comme vicaire épiscopal pour le clergé.
Illustration : « Icône de la Divine Miséricorde » par Oleh Skoropadsky, 2008 [paroisse catholique de la Divine Miséricorde, comté de Paulding, Ohio]Oleh Skoropadsky, peintre ukrainien, a représenté la vision du Christ par Sainte Faustine, avec en arrière-plan des scènes de l’Ohio, dont les trois églises de la paroisse et la rivière Maumee. L’inscription dit : Jésus, j’ai confiance en Toi.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/04/28/no-counterfeit-mercy/