Emmanuel Macron veut absolument mettre en œuvre ses promesses de la campagne présidentielle. Il faut enfin réformer la France, sortir d’un immobilisme qui ne nous a que trop entravés ces dernières décennies. Et cela va bien au-delà de l’économie, du social et des institutions. Le Président n’a pas hésité à déclarer au Journal du dimanche : « Nous travaillons à la structuration de l’islam de France et aussi à la manière de l’expliquer, ce qui est extrêmement important. » On pourrait objecter à Emmanuel Macron que son ambition, sur ce terrain particulièrement délicat, n’est pas neuve. Il a eu des prédécesseurs, tel Nicolas Sarkozy, qui ont manifesté la même volonté et qui avaient, eux aussi, largement consulté pour cela. J’ai souvenir, à ce propos, d’une discussion entre Sarkozy, qui était alors ministre de l’Intérieur (donc des cultes), et le cardinal Lustiger.
J’avais eu un écho direct de cette conversation de la part de l’ancien archevêque de Paris, qui avait de sérieuses réticences à l’idée que l’État ait pour mission de procéder à l’organisation d’une religion. Sa mission, me disait-il, est de susciter des citoyens, d’aider nos compatriotes musulmans à être de bons Français comme les autres. Mais dans la tête de nos politiques, il y a le précédent de Napoléon et du judaïsme. Il s’agissait pour l’empereur d’insérer le judaïsme français dans le régime des cultes reconnus, comme le catholicisme. Mais en créant le Consistoire, Napoléon n’avait pas fait que des heureux. On lui reprochait une prise de contrôle d’une religion par l’État et l’assimilation de ses fidèles par contrainte.
Le projet d’organisation de l’islam en France participe d’une attention analogue : faciliter les relations de cette religion avec l’État, en la dotant d’une représentation officielle. Mais le problème est encore plus épineux, dès lors qu’il est beaucoup plus problématique de susciter des instances représentatives et de trouver les moyens notamment financiers, de rendre autonome un islam de France, libéré de ses liens avec des puissances étrangères. Le Président se sent capable de réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Il est d’autant plus résolu que sa conception personnelle de la laïcité est à l’opposé du laïcisme : « Mon objectif, dit-il, est de retrouver ce qui est le cœur de la laïcité, la possibilité de pouvoir croire comme de ne pouvoir pas croire. Afin de préserver la cohésion nationale et la possibilité d’avoir des consciences libres. » Bel objectif, mais dont la difficulté n’en est pas moins redoutable.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 février 2018.
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