Souffrance foetale et stratégie pro-vie - France Catholique
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Souffrance foetale et stratégie pro-vie

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Dans les derniers jours de juillet, le tribunal fédéral de district d’Arizona a ouvert un nouveau boulevard au mouvement pro-vie quand il a refusé d’invalider la loi HB 2036 promulguée en avril par le gouverneur Janice Brewer. Ce qui a mené si rapidement cette loi devant le tribunal était la disposition visant à interdire l’avortement après 20 semaines en raison de la souffrance infligée à l’enfant à naître. Dans le préambule de la loi, le législateur a noté la solide « preuve médicale que le foetus d’au moins 20 semaines est capable de ressentir la souffrance durant un avortement. » La loi voudrait donc interdire l’avortement après 20 semaines « sauf en cas d’urgence médicale. »

La Cour Suprême avait déjà indiqué qu’elle désirerait apporter des restrictions à l’avortement d’un enfant « viable », c’est-à-dire de 23 ou 24 semaines selon les normes actuelles.

Pour les partisans de l’avortement, c’était un rude coup que le tribunal soit allé si loin. Mais le projet de loi a été adopté en Arizona (tout comme des projets similaires dans plusieurs autres États) menaçant d’abolir ce jalon et di’nterdire les avortements avant même le seuil de viabilité.

D’où le passage au tribunal fédéral. Dans le cas Gonzales, en 2007, la Cour Suprême a refusé d’annuler le projet de loi visant à interdire l’avortement « par naissance partielle ». La Cour voudrait encadrer la pression procédurière du lobby pro-avortement en rendant plus difficile de recourir immédiatement à un jugement au lieu d’attendre un cas réel de femme à qui l’avortement est refusé en raison de la loi.

Dans ce cas précis, les avocats de l’avortement arguent qu’une interdiction de l’avortement à 20 semaines va bien plus loin que ce qui est autorisé par la cour Suprême et est de ce fait anticonstitutionelle.

Mais le juge James Teilborg, désigné par Clinton, a rejeté cet argument. Il a fait remarquer que, même avec l’interdiction d’avortement après 20 semaines, « la décision de mettre fin à sa grossesse » appartient toujours à la femme et que cette disposition ne nécessite pas d’aller à l’encontre du cadre arrêté par la Cour Suprême.

Le chiffre de 20 semaines a été avancé pour les projets de loi au Congrès et dans les États, et pourtant il fait erreur dans sa prétention au principe de précaution.

Vincent Collins, professeur d’anesthésiologie, a résumé les découvertes du milieu des années 80 dans ce domaine : « les structures neurologiques fonctionnelles nécessaires au ressenti de la souffrance sont opérationnelles au plus tôt à 8 semaines, et de façon certaine vers 13 semaines et demie. »

Le professeur (et ultérieurement juge) John Noonan a soutenu dans un essai datant de 1981 que « le circuit de la douleur est présent chez le foetus – peut-être dès le 56e jour. » Le Président Reagan semblait s’inspirer de Noonan quand il a fait cette remarque sur le sujet lors du discours sur l’état de l’Union en 1984, disant que les médecins « confirment que lorsque les enfants non-nés sont sacrifiés, ils souffrent souvent longuement et atrocement. »

Bien sûr, le simple fait que M. Reagan mentionne ce sujet était suffisant pour qu’un débat s’instaure à la télévision parmi les experts, cherchant à démontrer que le Gipper (NDT : surnom du président Reagan, en référence à un de ses rôles cinématographiques) parlait un quasi charabia. En retour, cela a déclenché des audiences sur la souffrance fœtale à la commission judiciaire du Sénat en 1985.

Durant ces audiences, Daniel Robinson amena un médecin de l’école médicale de Yale à renoncer à prétendre que les fœtus ne pouvaient ressentir la douleur avant 12 semaines de gestation. comme le notait Robinson, « la souffrance est certainement une des plus primitives sensations du royaume animal » et ne dépend pas du « cortex cérébral. » « Les circuits spécifiques à la transmission de la douleur sont tous sous-corticaux », a-t-il déclaré.

Et maintenant, nous trouvons de sérieux désaccords parmi nos amis sur l’opportunité de poursuivre le type de législation passé en Arizona. Un juriste expérimenté s’inquiète de ce que l’interdiction actuelle de l’avortement avant le seuil de viabilité aille bien plus loin que ce que le juge Kennedy, dont le vote fera basculer le scrutin dans un sens ou dans l’autre, peut tolérer.
La conséquence, selon la crainte de ce juriste, serait la suppression de cette loi et le renforcement de Roe v. Wade. Mais nous avons une curieuse tendance, nous autres conservateurs, à ne pas obliger les gens à être plus clairs sur les prémisses qui guident leurs actions et légitiment leurs déclarations.

Le juge Kennedy a reculé devant la terrible procédure de l’avortement par naissance partielle. Rejeter le projet de loi en Arizona nécessiterait qu’il proclame sa parfaite indifférence à une souffrance qui ne peut être niée, celle d’un enfant démembré ou empoisonné dans l’utérus maternel.

Il pourrait se tirer d’affaire en suggérant qu’on conserve la loi en vigueur précédemment en ajoutant l’administration d’un anesthésique à l’enfant. Mais il est frappant — et révélateur — que les défenseurs de l’avortement n’ont jamais cherché à esquiver le problème par ce biais évident, et la raison en est manifeste : ils feront tout sauf reconnaître qu’il y a un véritable enfant, souffrant, victime de ces « procédures ».

Le juge Kennedy va être forcé d’affronter cet écueil moral. Il pourrait même être réticent à dire qu’il lui importe peu que des êtres humains soient tués pourvu qu’ils soient anesthésiés. Et pour ce que nous en savons, ce pourrait être, pour Kennedy, la démarche de trop.

Ce pourrait être le moment qui le pousse à franchir la barrière où il s’est cantonné depuis tant d’années.

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Hadley Arkes est professeur de jurisprudence à Amherst College et directeur du centre Claremont pour la jurisprudence des droits naturels à Washington. Son livre le plus récent est : Illusions constitutionnelles et vérité d’ancrage : la pierre de touche de la loi naturelle.

Illustration : le juge Kennedy

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http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/fetal-pain-and-the-pro-life-strategy.html