Snobisme pro-avortement - France Catholique
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Snobisme pro-avortement

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Cet article parle de l’avortement, mais cela prendra du temps pour entrer dans le vif du sujet. Prenez patience.

S’il est un exemple évident de raisonnement fallacieux, c’est bien celui-ci : « Je suis riche, vous ne l’êtes pas ; donc j’ai raison et vous avez tort ».

Qu’est-ce qui pourrait être plus stupide qu’un argument de ce style ? Et pourtant c’est précisément le raisonnement qui a été utilisé, siècle après siècle, par ceux des classes supérieures pour dénigrer les doléances des personnes des classes inférieures. C’est ce raisonnement qui a permis aux seigneurs des châteaux de rejeter les doléances des serfs, aux esclavagistes de rejeter les doléances des esclaves, aux propriétaires de moulins de rejeter les doléances de leur main d’œuvre, etc.

Dans une société qui accorde une grande valeur à la richesse (et quelle société n’accorde pas une grande valeur à la richesse?) les riches ne peuvent s’empêcher de se ressentir comme des gens supérieurs : pas simplement supérieurs en richesse, mais supérieurs de quasiment toutes les manières. Et si vous êtes supérieurs de quasiment toutes les manières, alors vous devez être supérieurs en jugement.

Donc, s’il arrive qu’une personne d’une classe inférieure soit en désaccord avec vous, il devient évident, n’est-ce pas, que vous devez avoir raison et que l’autre doit avoir tort.

Votre rectitude et son erreur sont si évidentes, en fait, qu’il n’y a vraiment aucune nécessité pour que vous examiniez l’argumentation de l’autre type. Epargnez votre temps et votre peine en l’éliminant dès l’origine comme indigne de considération.

Et ne perdez pas votre temps à essayer d’expliquer à l’autre type pourquoi il a tort. Venant d’une certaine forme de courtoisie – noblesse oblige – vous pourriez lui offrir une brève explication ; mais quand vous voyez qu’il n’y croit pas, passez à autre chose.

Nous arrivons à l’avortement. Considéré au plan purement intellectuel, l’argumentaire des anti-avortement est largement supérieur à celui des pro-avortement. Le camp anti-avortement, ou pro-vie, argumente que l’entité qui est tuée lors d’un avortement est un être humain, un minuscule être humain qui grandit peu à peu chaque jour.

Et que pourrait-il être d’autre s’il n’est pas un être humain ? Ce n’est ni un chien, ni un singe, ni un poisson, ni un orme. Le camp pro-avortement n’a aucun contre-argument qui puisse réfuter un tant soit peu la position anti-avortement. Le mieux que le camp pro-avortement puisse présenter, ce sont des slogans stupides tels « une femme a le droit de choisir » ou « le corps d’une femme lui appartient » ou « si vous n’aimez pas l’avortement, ne vous faites pas avorter ».

Ce dernier slogan est mon favori dans la stupidité d’argumentation. Il est exactement similaire à « si vous n’aimez pas l’esclavage, ne possédez pas d’esclave ».

Et pourtant, en dépit de l’évidente supériorité de l’argumentaire anti-avortement, il est bien rare qu’une personne pro-avortement soit convaincue. Pourquoi cela ?

La réponse, il me semble, peut être trouvée dans la différence de classe sociale entre les pro-vie et les pro-avortement. Le cœur du mouvement pro-avortement se trouve chez les hommes et les femmes des classes moyennes supérieures : des gens qui ont (ou qui auront bientôt, quand ils auront fini leurs études et seront plus âgés de quelques années) une bonne instruction, un bon boulot, une belle voiture, une belle maison, de la bonne nourriture, du bon vin, de gros revenus, un patrimoine de plusieurs millions, d’importantes relations sociales et politiques, un point de vue cosmopolite, etc.

Selon les standards américains contemporains, ce sont des gens supérieurs. Ils peuvent bien ne pas être supérieurs selon les standards qui avaient cours à l’Académie de Platon, dans l’ancienne Sparte, dans les monastères de saint Benoît ou dans les communautés shakers. Ils sont sans conteste supérieurs selon les standards américains actuels.

Au contraire, le cœur du mouvement pro-vie se trouve parmi les femmes des classes moyennes inférieures : des personnes avec une instruction et des revenus à peine suffisants dans la société hors de prix actuelle ; des personnes à qui manquent les millions, une haute culture, les bonnes relations, etc.

Ces femmes ont tendance à être pieuses ; à avoir plus d’enfants que la femme américaine moyenne (et certainement plus que n’en a l’activiste pro-avortement type) ; elles tendent à ne pas être sexuellement libérées, à tel point que beaucoup d’entre elles (et c’est vraiment choquant d’un point de vue contemporain) n’ont eu de relation sexuelles qu’avec un seul homme, leur époux. Selon les standards actuels, ces femmes sont définitivement inférieures.

On me fera remarquer que mes idées sur les personnes typiquement pro-vie ou typiquement pro-avortement sont des stéréotypes. Evidemment. Mais les stéréotypes sont, bien souvent, relativement exacts.

En tout cas, l’activiste pro-avortement type, au lieu de prendre au sérieux les arguments présentés pas le mouvement pro-vie, se dit : « je suis riche et instruit ; je possède une jolie maison (ou copropriété) et une super voiture, je suis mince et sportif et je bénéficie d’un goût excellent en ce qui concerne le café, le vin, la nourriture, l’ameublement, la musique, les films, les œuvres d’art, etc. En bref, je suis un être supérieur. Le monde a de la chance de m’avoir ».

« Et donc, cette femme anti-choix qui se tient là – avec son instruction limitée, ses revenus modestes, sa petite maison peu attrayante dans un mauvais quartier, avec son corps inharmonieux tendant à l’obésité, avec ses goûts effroyablement vulgaires – quand elle me dit que j’ai tort à propos de l’avortement, je lui rirais au nez si je n’avais pas pitié d’elle. Qu’est-ce qui pourrait être plus grotesque que de penser qu’une personne inférieure comme elle pourrait avoir raison et qu’une personne supérieure comme moi pourrait avoir tort ? »

Ces gens « supérieurs », rappelons-le, sont ceux qui contrôlent « les postes de commandement » de la culture américaine. Cela pour dire qu’ils sont dominants dans nombre de nos institutions principales : les médias grand public, l’industrie des loisirs, nos meilleures facultés et universités et l’un de nos deux principaux partis politiques.

Ils façonnent l’esprit du public, particulièrement l’esprit des jeunes générations. S’ils ne vont pas écouter la raison (ils ne le feront pas), avons-nous quelque fondement à être optimiste pour un succès à long terme du mouvement pro-vie ?

Oui. Mais je manque de temps et de place. La suite une prochaine fois.

David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island.

Illustration : « L’obole de la veuve » par Maerten de Vos, vers 1602 [Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers, Belgique]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/04/16/pro-abortion-snobbery/