Les chrétiens ont toujours eu une dévotion envers Saint Joseph. Mais l’Eglise dans son ensemble n’a adopté cette dévotion que relativement tard. Ce n’est pas avant 1480 environ que la fête de Saint Joseph intègre le calendrier romain. Ce n’est pas avant 1726 que son nom est enfin inclus dans la Litanie des Saints.
Durant le 19e siècle, époque de la Révolution Industrielle, du Manifeste Communiste, le premier mouvement public athée – l’aube de notre monde « moderne » – la dévotion a vraiment décollé, à tel point que la vieille « Encyclopédie Catholique » dit : « aucune dévotion, probablement, n’a grandi au point de devenir universelle, aucune ne semble avoir touché autant le cœur des chrétiens, particulièrement ceux des classes laborieuses ». La dévotion à Saint Joseph dans l’Eglise universelle est donc un signe des temps : il marque notre époque.
Quand nous envisageons la dévotion sous cet angle, nous voyons qu’elle a deux aspects. D’abord, Joseph est invoqué comme le patron de l’Eglise toute entière, spécialement en période de grave crise. Deuxièmement, il est aimé comme un modèle pour la famille chrétienne spécialement pour le père en qualité de protecteur. Ces deux aspects découlent de la même source. Quand Joseph était le protecteur de la Sainte Famille, « l’église domestique » et l’Eglise avec une majuscule, n’étaient qu’une seule et même chose. Il a protégé cette Eglise primitive en fuyant Hérode, puis ensuite il a gardé, instruit et soutenu ceux qui étaient confiés à ses soins.
Le premier aspect a la priorité dans les déclarations des papes à l’époque moderne. Ainsi, Pie IX écrit en 1870 : « comme le Dieu Tout-Puissant avait nommé Joseph, fils du patriarche Jacob, sur tout le pays d’Egypte afin de sauvegarder du grain pour le peuple, ainsi, quand la plénitude des temps est venue, et qu’Il était sur le point d’envoyer sur terre Son Fils unique, le Sauveur du monde, il a choisi un autre Joseph, dont le premier était la préfiguration, et Il a fait de lui le chef de Sa maisonnée et de ses possessions, le gardien de Ses trésors les plus précieux » (Quaemadmdum Deus).
Alors, comme son modèle, Joseph, à notre époque, nous sauve de périls autrement plus graves que la famine : « et par conséquent, maintenant, alors que dans ces temps troublés l’Eglise est cernée de tous côtés par des ennemis » poursuit Pie IX, « et est écrasée par des calamités si lourdes que des hommes impies affirment que les portes de l’enfer ont à la longue prévalu contre elle, les vénérables prélats du monde catholique dans son ensemble ont présenté au Souverain Pontife leurs propres requêtes et celles des fidèles dont ils ont la charge, priant qu’il veuille bien nommer Saint Joseph patron de l’Eglise ».
Léon XIII, en 1889, a continué sur ce thème dans sa grande encyclique sur la dévotion à Saint Joseph « Quamquam pluries » : « Durant les périodes de tension et d’épreuve – principalement quand tous les désordres semblent permis aux puissances du mal – cela a été l’habitude dans l’Eglise de supplier Dieu, son auteur et protecteur, avec ferveur et persévérance, en ayant recours à l’intercession des saints – et principalement la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu – dont le patronage a toujours été le plus efficace ».
« Vénérables frères », conseille-t-il à ses frères évêques « vous savez dans quels temps nous vivons : ils sont à peine moins lamentables pour la religion chrétienne que les plus mauvais jours qui par le passé ont été plein de détresse pour l’Eglise. »
Tout comme l’Eglise a fait appel à Marie par le passé pour demander de l’aide, il faut faire ainsi à présent. Pourquoi ? A cause des liens du mariage : « il est hors de doute que Joseph a approché plus que nul autre l’éminente dignité par laquelle la Mère de Dieu a surpassé si noblement toutes les natures créées ».
Exactement 100 ans après le jour où Léon a écrit sa magnifique encyclique, Jean-Paul II a écrit ses propres réflexions sur la dévotion à Saint Joseph, l’exhortation apostolique « Gardien du Rédempteur » (Redemptoris Custos). Nous pensons à Jean-Paul II comme au rédacteur d’encycliques sociales pour commémorer les développements de la pensée sociale catholique, mais il a fait quelque chose de similaire pour la dévotion à Saint Joseph.
Il ne nie pas que l’Eglise soit menacée et cite, vers la fin, la prière à Saint Joseph proposée par Léon XIII : « père très aimé, dissipe le mal du mensonge et du péché… assiste-nous gracieusement du ciel dans notre lutte contre les puissances obscures… et comme tu as un jour sauvé l’Enfant Jésus d’un danger mortel, défends maintenant la sainte Eglise de Dieu des pièges de ses ennemis et de toute adversité ».
Bien sûr, comme on s’y attend, il prononce des paroles, relativement peu nombreuses, sur « le travail comme expression quotidienne de l’amour dans la vie de la Famille de Nazareth ».
Mais bien qu’il ait été conscient des menaces du Communisme et des idéologies modernes tout autant que n’importe qui, son intérêt se porte (c’était en 1989!) sur « l’Eglise à notre époque à la lumière du troisième millénaire chrétien ». Il est moins préoccupé des attaques de l’extérieur que de la nécessité d’un renouveau intérieur : « le patronage de Joseph doit être invoqué… non seulement comme défense contre les dangers mais également et prioritairement comme un élan pour son engagement renouvelé pour l’évangélisation dans le monde et pour la ré-évangélisation de ces pays et nations où… la religion et la vie chrétienne étaient autrefois florissantes et… sont maintenant mises à rude épreuve ».
Le saint pape explique – reprenant le thème de Léon XIII – que Joseph est un si bon patron parce qu’il est le grand saint du mariage – il est tout ce qu’il est uniquement parce qu’il était l’époux de Marie. Dans un beau passage, il explique également pourquoi Joseph est le grand saint de la vie intérieure :
Pourquoi l’amour « paternel » de Joseph n’aurait-il pas eu une influence sur l’amour « filial » de Jésus ? Et réciproquement, pourquoi l’amour « filial » de Jésus n’aurait-il pas eu une influence sur l’amour « paternel » de Joseph, conduisant ainsi à un approfondissement de leur relation particulière ? Les âmes les plus sensibles à l’élan de l’amour divin ont vu à juste raison en Joseph un exemple éclatant de la vie intérieure.
Michael Pakaluk, spécialiste d’Aristote et ordinaire de l’Académie Pontificale Saint Thomas d’Aquin, est doyen intérimaire de l’école Busch de Commerce et d’Industrie à l’Université Catholique d’Amérique. Il vit à Hyattsville (Maryland) avec son épouse Catherine, également professeur dans le même établissement, et leurs huit enfants.
Illustration : « La Sainte Famille avec Saint Joseph » par Raphaël, 1506 [Musée de l’Ermitage, Saint Saint-Pétersbourg, Russie]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/19/st-joseph-patron-of-the-church-and-the-new-evangelization/