SUPPLÉMENT AU PREMIER CHAPITRE DE LA GENÈSE - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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SUPPLÉMENT AU PREMIER CHAPITRE DE LA GENÈSE

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Les Russes ont donc déposé sur le sol de Vénus une caméra qui nous a transmis une photo. On y voit quelques cailloux et un horizon bouché par des nuées. Pour obtenir cette photo, il a fallu satelliser un laboratoire autour de Vénus, puis, de ce laboratoire, détacher la caméra, la faire descendre par rétro-fusées et par parachutes1.

Tout cela a dû être calculé et suivi à la fraction de seconde à des dizaines de millions de kilomètres de distance, et le résultat en est une photo ne montrant pas grand-chose.

J’ai entendu des gens, et même très bien intentionnés à l’égard de la patrie du socialisme, répéter à cette occasion des arguments bien connus : à quoi bon cette expérience ? Pourquoi payer des milliards de roubles la photo d’un astre qui n’est pas notre Terre, quand la campagne russe, désorganisée, peut-être sous-équipée, ne produit plus de quoi nourrir les Soviétiques ?2

Soljénitsyne, rappelons-nous, n’a pas assez de sarcasmes pour le fameux Spoutnik, dont il apprend le lancement en exil, alors que, de sa fenêtre, il voit de vieilles femmes s’échiner à monter à bras le mortier d’un mur haut de plusieurs étages. Dans sa Lettre aux dirigeants soviétiques, il préconise l’abandon de la « chimère spatiale », dont il compare les méfaits à ceux de la « chimère révolutionnaire », comme Jean Rostand « Nous avons tant à faire sur cette planète ! D’abord notre planète ! Les autres, on verra après ! »

Je respecte infiniment Soljénitsyne et beaucoup Jean Rostand. Mais en l’occurrence, leur raisonnement est plus ancien qu’ils ne croient. L’histoire la plus respectable est remplie d’actes aussi inutiles que l’exploration d’une planète. A quoi pensaient des hommes aussi sérieux qu’Ampère ou Coulomb en s’amusant à faire passer de petits courants électriques dans des bouts de fil de cuivre ? Galilée n’avait-il pas mieux à faire que regarder balancer un pendule ou à jeter des cailloux du haut de la tour penchée de Pise ? Et Newton, vautré dans un pré, à regarder tomber des pommes ?

Je défie qu’on me cite une grande découverte ou un haut fait scientifique qu’on n’ait pas d’abord tenu pour dérisoire, absurde, inutile3. Très souvent d’ailleurs, c’est le découvreur lui-même, qui croit dur comme fer à cette inutilité !

On rapporte cette conversation :

Un journaliste. – Monsieur Hertz, avec les ondes que vous avez découvertes, on va pouvoir supprimer les fils du télégraphe.

Hertz (furieux). – Vous n’avez rien compris à ma découverte. Ce que vous dites est idiot ! Je vous interdis d’écrire une pareille sottise !4

[|*|]

Bon, mais Vénus ? A quoi peut bien servir Vénus ?

J’ai autant de réponses que l’on voudra à cette question. A quoi ?

– PREMIEREMENT, à obtenir l’automatisation complète et la complète fiabilité d’opérations complexes, telles que hisser du mortier à la hauteur d’un huitième étage et en faire un mur, sans l’intervention d’aucune vieille femme. La technique spatiale a déjà transformé l’électro-ménager, mais ce n’est qu’un début. Il ne faut jamais oublier qu’un grand projet spatial se réalisant maintenant concrétise des plans déjà vieux de plusieurs années, et qu’inversement cette réalisation ne communiquera le résultat de ses avances technologiques que dans plusieurs autres années.

– DEUXIEMEMENT, à découvrir les lois d’organisation d’un grand projet technologique sans avoir à frémir si on le rate. Il me souvient qu’à l’époque des premiers satellites, les bons esprits défenseurs de l’humanisme et du travail utile soupiraient : « Que de barrages d’Assouan ne ferait-on pas avec tout cet argent, pour nourrir le tiers-monde ! » Grâce à Dieu, on n’a fait qu’un barrage d’Assouan, cette catastrophe5.

Mais tout cela, c’est du technologique, dira-t-on. Pourquoi ne pas user de cet argent pour les hommes ?

À quoi peut bien servir Vénus ?

Diable ! Et à quoi sert la technologie ? Là, le malentendu est irrémédiable avec les disciples d’Ivan Illitch, d’ailleurs écho de Gandhi. Dans son dernier livre (que j’ai déjà vivement recommandé au lecteur), Arthur Koestler (a) rapporte ce soupir d’un disciple de Gandhi « qu’il fallait énormément d’argent au mâhatma pour vivre pauvrement » !6

Eh oui : vivre pauvrement, avec un rouet, une chèvre qu’on va élever en Lozère, c’est très cher. C’est un luxe. Refuser la technologie est un luxe très dispendieux : les choses sans technologie ne marchent qu’avec des esclaves. Mes parents, qui ont passé leur vie de travail avant l’introduction des machines dans les hautes vallées alpines, ont été esclaves et sont morts à la tâche. J’aime mieux la machine.

La bicyclette de M. René Dumont est un engin exorbitant7. On voit que son propriétaire est un professeur bien payé. Bien payé d’ailleurs grâce à la haute productivité de la technologie française.

[|*|]

Revenons à Vénus. On sait que cette planète est la sœur jumelle de la Terre, dont elle a l’exacte dimension. Son destin, pour des raisons inconnues, a été très différent : l’eau, chez elle, n’a pas précipité, il ne s’y est pas formé d’océans : tous les fluides de sa surface sont gazeux, et l’effet de serre qu’ils y produisent provoque une température de 500°. Mais il y a du gaz carbonique, de l’azote, de l’eau (quoique peu) dans son atmosphère.

De l’eau (même gazeuse), du gaz carbonique, donc du carbone et de l’oxygène, de l’azote : c’est-à-dire tout ce qu’il faut pour certaines bactéries terrestres. Et voici le calcul qu’a fait l’astrophysicien américain Carl Sagan : jetons de ces bactéries dans l’atmosphère vénusienne, et attendons.

Les bactéries vont proliférer, fixer le carbone et libérer l’oxygène (c’est la manie qu’elles ont).

L’effet de serre dû au gaz carbonique va régresser d’autant. La température baissera. À mesure, les bactéries envahiront des couches de plus en plus basses de l’atmosphère.

À un moment, l’effet de serre baissant toujours, le point critique de la liquéfaction de l’eau sera atteint. Il pleuvra. Le ciel s’éclaircira. Les eaux qui sont au-dessus du firmament se sépareront des eaux qui sont au-dessous du firmament.

Ensuite… Mais cela a déjà été raconté (Gn 1, 9).

Et franchement, sans vouloir jouer au théologien, je crois que « Dieu trouverait cela bon ».

Une deuxième Terre, pourquoi pas ? Ne viendrait-elle pas à point ?8

Aimé MICHEL

(a) Arthur Koestler : Devant le néant (Calmann-Lévy).

Chronique n° 225 parue dans France Catholique-Ecclesia – N° 1510 – 21 novembre 1975


Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 8 septembre 2014

  1. Cette première photo de la surface de Vénus a été prise le 23 octobre 1975 par la sonde soviétique Venera 9 (Venera signifie Vénus en russe). Ce fut l’un des fruits d’un long effort de l’astronautique soviétique, qui commença en 1961 et s’arrêta en 1985, pour envoyer des sondes sur cette planète. Le programme Venera fut un grand succès : multipliant les premières il compensa les échecs rencontrés dans les missions vers Mars (sur ces échecs des sondes soviétiques martiennes, voir la chronique n° 208, Viking et l’autre façon américaine d’être plombier – L’univers aime s’amuser et il aime bien ceux qui s’amusent avec lui, mise en ligne le 28.01.2013).

    Pourtant ce programme débuta fort mal puisque les 11 premières tentatives faites entre 1961 et 1965 échouèrent, la plupart dès le lancement. Il fallut attendre Venera 4, lancée le 12 juin 1967, pour que soit réalisée, le 18 octobre de la même année, la première entrée d’une sonde spatiale dans l’atmosphère d’une autre planète avec envoi de données vers la Terre. Les années suivantes, de 1969 à 1972, quatre autres sondes Venera (les n° 5 à 8) pénètrent dans l’atmosphère vénusienne. Les deux premières, en mai 1969, transmettent des données mais comme Venera 4 sont écrasées par la formidable pression atmosphérique (100 fois celle de la Terre au niveau du sol) avant d’atteindre la surface de la planète. Venera 7 atteint le sol le 15 décembre 1970 et y fonctionne une vingtaine de minutes : c’est le premier atterrissage réussi sur une autre planète. Venera 8 fait de même le 22 juillet 1972 et survit 50 minutes, assez pour que les instruments de bord confirment les conditions inhospitalières qui règnent à la surface : une pression de 93 bars et une température de 470 °C. L’atmosphère est irrespirable : 97% de dioxyde de carbone, 2% d’azote et seulement 0,15% d’oxygène. La forte température n’est pas due à la proximité du Soleil (108 millions de km) mais à l’effet de serre, l’atmosphère faisant écran au rayonnement thermique infrarouge du sol.

    Revenons à Venera 9 qui fait la une des journaux en octobre 1975. Cette sonde d’une masse de 5 tonnes a été lancée le 8 juin par une fusée Proton. Elle est composée de deux parties : un orbiteur et un atterrisseur. Le 20 octobre, deux jours avant l’arrivée sur Vénus, les deux parties se séparent. L’orbiteur, une sphère de 2,4 m de diamètre, est freiné et se met en orbite très elliptique autour de la planète (c’est la première sonde à le faire autour de Vénus) ; il y demeure actif durant 3 mois ce qui permet une longue étude de l’atmosphère avant qu’une panne radio n’interrompe les communications avec la Terre. L’atterrisseur se pose le 22 octobre et transmet des données vers l’orbiteur durant 53 minutes jusqu’à ce que celui-ci passe sous l’horizon et cesse de relayer les transmissions. Ses instruments mesurent une pression de 85 bars et une température de 455 °C. Une seule des deux caméras prend une photo en noir et blanc. L’image montre un sol plat parsemé de rochers anguleux donc récents car peu érodés.

    Trois jours plus tard, Venera 10, identique à Venera 9, se pose à son tour et résiste 65 minutes à 464 °C et 91 bars. Une seconde photo est prise qui montre des roches érodées. Les obturateurs des caméras de Venera 11 et 12 étant à nouveau défaillants, il faudra attendre le 1er mars 1982 pour que Venera 13 transmette enfin une image couleur de bonne qualité à la vitesse de 3000 bits par seconde (contre seulement 256 pour les Venera 9 et 10 sept ans auparavant).

    Par la suite viennent les sondes Venera 15 et 16 qui demeurent en orbite autour de Vénus d’octobre 1983 à mars 1985 pour la première et mai 1985 pour la seconde. Elles permettent d’établir, grâce à leur radar capable de percer l’épaisse couverture nuageuse, la première cartographie du tiers de la surface de l’hémisphère nord de la planète (ce travail sera précisé et complété plus tard par la sonde américaine Magellan de 1990 à 1994). Puis Vega 1 et 2 atteignent Vénus en juin 1985. L’originalité de ces missions est de libérer un ballon-sonde gonflé à l’hélium à une altitude d’une cinquantaine de km, là où règne des conditions clémentes : une température de 32 °C et une pression d’une demie atmosphère. Le ballon de Vega 1 transmet des données durant plus de 46 heures avant épuisement de ses batteries. Il parcourt une dizaine de milliers de km en enregistrant des vents de 240 km/h et en affinant la connaissance de l’atmosphère. Ce seront les dernières missions soviétiques couronnées de succès dans le domaine de l’exploration du système solaire.

  2. Sur l’agriculture soviétique, voir la chronique n° 232, Un printemps explosif à Moscou – Les problèmes de l’agriculture soviétique, mise en ligne le 17.09.2012.

    Il est aisé de transposer la question à propos de la sonde Rosetta alors que l’économie européenne connaît des difficultés. Ainsi la mission Rosetta qui a rejoint le mois dernier non une planète mais une comète et doit y poser prochainement un module, coûte au total près de 1,3 milliard d’euros, soit le prix de trois avions gros porteurs Airbus 380. Toutefois cette dépense s’est étalée sur une période de plus de vingt ans, depuis l’approbation de la mission par l’Agence spatiale européenne (ESA) en novembre 1993 jusqu’à sa fin prévue en décembre 2015.

  3. Qu’allons-nous faire dans l’espace ? A quoi bon tout cet argent dépensé dont on pourrait, pense-t-on, faire un meilleur usage ? Ces questions reviennent régulièrement et Aimé Michel y a déjà répondu dans la chronique n° 208 citée plus haut. Elles recouvrent en réalité plusieurs questions, au moins trois, auxquelles il est légitime de donner des réponses différentes.

    La première réponse est que nous allons dans l’espace parce que nous en avons besoin et que ce qu’on fait ainsi on ne sait pas le faire autrement à moindre prix. Ce sont tous ces satellites d’observation de la terre, de télécommunication, de géolocalisation… Là, la cause semble entendue : on ne se passera pas des services de cet espace là, pas plus qu’on est prêt à se passer des services du téléphone ou de la machine à laver.

    Mais, dira-t-on, Vénus, Mars, Titan le satellite de Saturne ou la comète Tchourioumov-Guérassimenko, que nous importe ? Dans l’instant, certes, pas grand-chose mais si on accepte de prendre un peu de recul on comprend que, oui, cela nous importe parce qu’on ne peut comprendre la Terre, son passé et son avenir, sans explorer ces mondes proches. Cette recherche-là obéit aux mêmes règles que le reste de la recherche scientifique et l’argument d’Aimé Michel y a toute sa valeur : on ne sait pas à l’avance si ce qu’on va trouver se révélera ou non essentiel aux progrès futurs que ce soit dans l’ordre de la connaissance ou des applications. Alors le mieux est de se laisser guider par notre insatiable curiosité.

    Mais l’homme dans l’espace qui a fait les beaux jours de la « conquête spatiale » au temps de la guerre froide, en a-t-on vraiment besoin ? Là le débat fait rage chez les scientifiques eux-mêmes qui voient parfois d’un mauvais œil les dépenses liées à la station spatiale internationale par exemple car elles ne conduisent plus à aucun résultat scientifique nouveau. « Les vols habités ont-ils raisonnablement un avenir, alors que nos sociétés demandent à l’espace qu’il leur soit d’abord utile, qu’il participe à la protection de la Terre, au bien-être de ses habitants et au développement durable de l’ensemble ? » se demande Jacques Arnould, chargé de mission « sur la dimension éthique des activités spatiales » au CNES, dans une chronique de La Croix (20 avril 2004) intitulée « Le syndrome post-Apollo » (reproduite dans son livre Qu’allons-nous faire dans ces étoiles ? De l’éthique dans la conquête spatiale, Bayard, Paris, 2009). Se gardant de prendre parti dans une controverse « dont personne ne peut prétendre être sorti jusqu’à présent vainqueur », il rattache pourtant cette « épineuse question » à la seconde sur les « ressorts de la science ». Il invite la société à s’interroger sur ce qui dynamise la science et ce dont elle a la responsabilité, pour se rendre compte que « ces ressorts ne relèvent pas tous de l’utilité immédiate, mais appartiennent aussi à d’autres caractères, d’autres traits de notre humanité : la curiosité et l’imaginaire, la peur et le plaisir, le désir et l’espoir. »

  4. Dans un tout autre domaine, un exemple surprenant de cécité intellectuelle est offert par François Quesnay (1694-1774). Ce médecin de Mme de Pompadour fut l’un des premiers économistes. Dans son ouvrage Tableau économique (1758) il expose l’idée que l’économie tend naturellement vers un état d’équilibre stationnaire, qu’elle est en cela comparable à un être vivant et à son homéostasie. Sur cette idée repose une grande partie des développements ultérieurs en économie, comme l’analyse de l’équilibre général par Léon Walras et l’analyse des entrées-sorties proposée par W. W. Leontief, prix Nobel en 1973. Les amis de Quesnay, les physiocrates, le tenaient pour un génie et le vénéraient comme un maître.

    Pourtant il commit une grave erreur : il affirma que la source unique de toute richesse était l’agriculture et que seule l’économie rurale comptait. Il distinguait les paysans, les propriétaires et le reste : les deux premières classes étaient seules productives à ses yeux (le paysan « multiplie » car un grain de blé semé produit plusieurs grains et le propriétaire met la terre en état de produire), la troisième était stérile (les commerçants et les artisans se contentent de transformer). Il dévaluait ainsi le travail humain et niait la possibilité d’un progrès. Il fut donc incapable de prévoir la société industrielle.

  5. Le barrage d’Assouan fut conçu par Nasser en vue de stimuler la transformation économique de l’Égypte selon des projets grandioses et utopiques. Les Américains ayant refusé de financer ce projet, Nasser nationalisa le canal de Suez (26 juillet 1956) pour en consacrer les bénéfices à l’édification du barrage. Construit avec l’aide de techniciens soviétiques, cet ouvrage haut de 111 m et long de 3 820 m emmagasine une réserve d’eau de 157 km3 (cinq fois le débit total annuel du fleuve) qui fait tourner une centrale électrique d’une puissance de 2 100 MW (l’équivalent de deux réacteurs de centrale nucléaire). L’écoulement du Nil est ainsi régularisé et l’irrigation de vastes étendues rendue possible.

    En contrepartie, les effets indirects du barrage, sous-estimés ou imprévus au départ, sont très négatifs :

    – En arrêtant le limon apportés par le Nil, le barrage a provoqué une chute de fertilité des terres, privées d’éléments nutritifs, et une progression des intrusions salines dans le delta.

    – Les limons ainsi retenus provoquent le remplissage accéléré du réservoir de retenue ; il sera totalement comblé dans moins d’un siècle.

    – Il a entraîné, en aval, l’abaissement du niveau des nappes phréatiques.

    – Il a fait progresser la bilharziose en Basse-Égypte.

    – Il a entraîné la régression des pêcheries (y compris en Méditerranée occidentale) et la ruine des pêcheurs de sardines du delta, le tonnage des captures passant de 18 000 t en 1965 à 500 t en 1968.

    – En faisant disparaître le bouchon d’eau qui, lors des crues du Nil, bloquait l’entrée du canal, il a favorisé le passage en Méditerranée orientale de nombreuses espèces provenant de la mer Rouge.

    Cet exemple, parmi mille autres, illustre bien les infirmités de la raison humaine (à ce propos voir la note 5 de la chronique n° 221, Une planète sans hypothalamus – Rétroaction, homéostasie et cybernétique, 25.08.2014).

  6. Aimé Michel a chaudement recommandé cet essai d’Arthur Koestler Face au néant (Calmann-Lévy, Paris, 1975) dans la chronique n° 223, La ci-devant matière ? – L’inachèvement de la science en général et de la physique en particulier (22.11.2011) : « livre passionnant, facile à lire et qui va au fond de plusieurs des problèmes actuels de la science ».

    La phrase « Il faut beaucoup d’argent pour permettre à Bapu de vivre dans la pauvreté » ouvre le chapitre que Koestler consacre à Gandhi (« bapu » veut dire « père » dans la langue du Gujarât au nord-ouest de l’Inde où Gandhi est né en 1869). Cette remarque désinvolte a pour auteur une femme politique, intime de Gandhi, qui tentait de réunir les fonds nécessaires à une campagne visant à résoudre les problèmes économiques de l’Inde ; il s’agissait d’une part de boycotter les marchandises étrangères, en premier lieu les textiles anglais, et d’autre part de réintroduire le métier à tisser manuel et le rouet (on aura reconnu sous une forme caricaturale une recette qui continue d’avoir ses adeptes). Gandhi fut toute sa vie obsédé par le rouet : il le qualifiait de « sacrement des multitudes » et de « porte de son salut spirituel » ; il le plaça au centre du drapeau national de l’Inde ; il persuada les membres du Congrès de payer leurs cotisations sous forme de fil produit par eux-mêmes et de porter la tunique blanche faite de khadi, le tissu de fabrication domestique, bien qu’il coutât trois fois plus cher que le coton ordinaire !

    Il ne s’agissait pas là d’une folie inoffensive mais d’un symbole central de sa philosophie et de son programme social. Dans son premier livre Leur civilisation et notre délivrance (1909), dont il défendit les thèses jusqu’au bout en dépit des contradictions auxquelles elles l’exposait, Gandhi exaltait les vertus de la civilisation indienne et dénonçait avec passion la civilisation occidentale. Il est contre les chemins de fer car « Dieu, en façonnant le corps de l’homme, a fixé des limites à ses ambitions de mouvement. Et l’homme s’est immédiatement mis en devoir d’inventer des moyens de dépasser ses limites. », ce qui ne l’empêcha pas de passer une grande part de son existence à voyager. Il est contre les hôpitaux : « Je me suis adonné au vice, j’attrape une maladie, un docteur me soigne, et il y a de fortes chances que je récidive. (…) Les hôpitaux sont des institutions qui servent à propager le vice. Les hommes prennent moins soin de leurs corps, et l’immoralité augmente. » Il s’efforça de mettre ses convictions en pratique mais quand il tombait gravement malade il se résignait à recourir à la médecine occidentale. Il est également contre l’enseignement : « Un paysan (…) est incapable d’écrire son nom. Qu’avez-vous l’intention de faire en lui inculquant une connaissance des lettres ? Ajouterez-vous quoi que ce soit à son bonheur ? Voulez-vous le rendre mécontent de son sort et de son modeste logis ? » Aussi n’envoya-t-il jamais ses fils à l’école ; il souhaitait s’occuper lui-même de leur éducation mais ne trouva jamais le temps de le faire. Ce qui ne l’empêcha pas de prendre Jawaharlal Nehru comme successeur, un pur produit de Cambridge.

    Conclusion de Koestler : « on ne peut s’empêcher de penser, aussi blasphématoire que cela puisse paraître, que l’Inde serait aujourd’hui en meilleure voie, et aurait une mentalité plus saine, sans l’héritage de Gandhi. »

    Sur Koestler voir note 2 dans la chronique n° 262, Notre crocodile intérieur – Les bases neurophysiologiques de la dualité de notre nature (01.0.4.2013).

  7. René Dumont (1904-2001) était agronome, professeur à l’Institut National Agronomique de Paris et humaniste de gauche. Il se présenta aux élections présidentielles de 1974 et fut ainsi le premier candidat écologiste au monde. Il ne recueillit que 1,37 % des votes mais il contribua à divulguer la pensée écologique. Par la suite il soutint le mouvement altermondialiste et fut membre fondateur d’Attac.
  8. Le terraformage de Mars par l’ingénierie planétaire a été plus souvent discuté que celui de Vénus. Nous en parlerons une autre fois.