SUPERSTITION DE NOTRE TEMPS - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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SUPERSTITION DE NOTRE TEMPS

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J’appelle superstition la croyance qu’on sait quand on ne sait pas1. Qu’on sait en matière de science, s’entend, non de foi, qui est un acte intérieur, intérieurement vérifiable. C’est ainsi que je connais un exégète superstitieux. Qu’il me pardonne de citer sa lettre, ou plutôt un mélange de ses lettres, et à la vérité de leurs lettres, car hélas, mieux vaut en convenir, ils sont plusieurs. – Vous avouerez, m’écrit-il, que dire d’un écrit prophétique où il est question de Cyrus qu’il a été écrit après Cyrus, c’est logique. On ne peut pas dire le contraire. – C’est logique, lui ai-je répondu. Mais pourquoi ajoutez-vous : « On ne peut pas dire le contraire ? » – Eh bien, mais, vous moquez-vous ? Si c’est logique, vous ne pouvez pas dire le contraire, il me semble. Cela va de soi, non ? L’exégète et le physicien Je lui fis remarquer (toujours à 1,40 F 2) que la question ainsi posée était un peu vague, qu’elle me rappelait force paradoxes mathématiques et même physiques très intéressants, mais sans rapport avec Cyrus et les prophéties. D’où tenait-il que, puisqu’une prophétie parlait de Cyrus, cela impliquait qu’elle avait été écrite après Cyrus ?3 – Je le tiens, parbleu, de la méthode historique la plus sûre. Si je trouve un récit mentionnant Napoléon, je peux dire à coup sûr qu’il est, au plus, contemporain de Napoléon, mais bien entendu, en aucun cas antérieur. C’est, ajoute-t-il, évidemment impossible. Et il me demanda si j’étais prêt à soutenir le contraire (1,40 F). – Je ne suis pas prêt – sur ce point – à soutenir le contraire. Cependant, dans notre cas, il s’agit d’un écrit « prophétique », et je me demande qui pourra m’expliquer la bonne méthode d’en parler. – Eh bien, me répondit-il par retour du courrier (1,40 F), je suis de votre avis : qui, sinon l’exégète ? et en tout cas, qui mieux que l’exégète ? – Là, je peux vous répondre. Il s’agit, n’est-ce pas, d’une question sur la nature du temps, c’est-à-dire pour le moment d’une question inextricable. Mais enfin, si quelqu’un sait quelque chose du temps, c’est le physicien. Ce que j’ai lu de plus récent là-dessus (sur le temps, pas sur Cyrus !) m’incline à n’en parler qu’avec prudence, ou mieux, pas du tout. Car, suivez-moi bien, selon Jean-Pierre Vigier, de l’institut Henri Poincaré (a), il s’agirait présentement de choisir entre le « propagateur causal de Feynman » et le « propagateur de Pauli-Jordan » le premier « décrivant correctement la théorie des perturbations dans le cadre d’une évolution univoque de la flèche du temps vers les temps positifs, les antiparticules étant seulement décrites mathématiquement comme des particules d’énergie négative qui remontent le cours du temps », alors que le propagateur de Pauli-Jordan « permet formellement la propagation d’énergies positives vers les temps négatifs, en contradiction brutale avec les postulats d’Einstein ». Vigier, ajoutai-je, choisit fermement Feynman et Einstein, si vous me suivez. Auquel cas vous avez de la chance, car moi je traîne les pieds (tout de même « vers les temps positifs », signifie « en direction du futur » et « vers les temps négatifs » « en direction du passé », ou « en remontant le cours du temps », comme dit Vigier). Cela étant, si l’on peut dire, j’oserai avancer que le problème du temps, de ce qu’il permet, de ce qu’il interdit, appartient aux choses que j’ignore ; et j’oserai même dire que ceux qui en parlent sans avoir sondé les profondeurs des divers propagateurs et autres équations actuellement sur le marché des idées m’échauffent les oreilles4. J’appelle donc superstition la croyance qu’on sait quand on ne sait pas, ce qui est ici le cas ». La porte du garage et la boîte magique La suite étant à 1,20 F, un résumé suffira. Mon correspondant accepte de croire au prodige à condition qu’il ne contredise pas les lois de la nature. Vieille dispute, qu’il convient de renvoyer à Rousseau (dans ses Lettres écrites de la montagne) : « Dire que telle chose est contraire aux lois de la nature sous-entend que vous les connaissez toutes »5. Nous produisons chaque jour des banalités qui eussent passé il y a deux siècles pour « contraires aux lois de la nature », comme ouvrir à distance la porte du garage en appuyant sur le bouton d’une petite boîte que vous sortez de votre poche. Notre environnement quotidien, en 1981, aurait été ressenti comme intégralement magique par un contemporain de Descartes. Mais il faut aller plus au fond, car en 1981 chacun sait ou croit savoir que le monde qui l’entoure n’a rien d’obscur, fabriqué qu’il est par les hommes « en conformité avec les lois de la nature » et en utilisant subtilement ces lois. Il n’y a pas un homme sur mille qui sache ce qui se passe dans l’allumage du moteur de sa voiture. Comme se fait l’étincelle ? à quoi sert la bobine ? (et ne parlons pas de l’allumage électronique). Or, non seulement la bobine ne le rend pas superstitieux, mais la philosophie diffuse que dégage notre environnement technologique oblitère complètement le sens du prodige, si prodige il y a6. On peut schématiser ainsi la formation de cette philosophie matérialiste diffuse : l’utilisateur croit que le technicien comprend, le technicien, s’il a un peu réfléchi, sait qu’il se borne à appliquer des règles qu’il ne comprend pas, mais que le savant, pense-t-il, comprend ; le savant sait qu’il ne comprend pas ce qu’il sait le mieux, mais croit que ce qu’il ne comprend pas perd tout caractère énigmatique dans le cadre des théories générales ; nous arrivons donc enfin au théoricien sur qui, je le rappelle parce qu’on n’y pense jamais, repose toute l’intelligibilité, si elle existe, du monde technologique devenu notre milieu naturel (ce que Jacques Ellul appelle la technonature). Le théoricien « comprend »-il enfin, lui au moins ? Voilà l’ultime question. Science moderne et réalité spirituelle Un excellent article de l’épistémologue américain Harold Morowitz7, récemment traduit (b), pose cette même question à propos d’un cas plus précis : oui ou non, la science la plus moderne nous invite-t-elle à croire en une réalité spirituelle, ou bien dissipe-t-elle cette croyance comme une superstition ? Morowitz expose à peu près comme suit l’architecture de la croyance matérialiste ou réductrice diffuse : l’homme de la rue croit ce que lui dit l’homme des media, l’homme des media croit ce que lui dit le psychologue (je rappelle qu’il s’agit de savoir s’il existe dans l’homme une réalité spirituelle) ; le psychologue croit, et ne cesse de répéter, que ce qu’on appelle psychologie n’est qu’un chapitre de la biologie : tout, en matière de psychologie, s’explique par les neurones, les influx nerveux, les hormones, les transmetteurs ; le biologiste à son tour explique tout par la chimie ; le chimiste explique tout par la physique (puisque la chimie découle intégralement des propriétés de l’électron) ; et nous revoilà au physicien, grâce au raisonnement réductionniste qui est le fondement de notre philosophie diffuse. L’intervention du sujet connaissant Seulement, voilà le hic : le physicien, lui (et toute la pyramide conceptuelle qu’il porte sur ses épaules l’ignore, ou n’en veut rien savoir, ou plutôt n’y comprend rien), le physicien a fondé sa physique tout entière sur l’existence d’un observateur, c’est-à-dire d’une subjectivité, c’est-à-dire d’une conscience, appelez cela comme vous voudrez. Et non par quelque récente lubie promise à une prochaine disparition, non ! Toute la physique depuis Einstein (1905) et Bohr (les années 20) n’existe et n’est construite que par rapport au concept d’un observateur conscient prenant connaissance des phénomènes. Ce qui signifie très exactement que toute la philosophie réductionniste diffuse repose sur une physique inexistante, rêvée de toutes pièces par l’illusion réductionniste, que pour cette raison j’appelle la superstition réductionniste (ou matérialiste). Un épistémologue anglais résume ainsi cette situation paradoxale8 : le réductionnisme étant l’explication par la physique, moins on sait de physique, plus on est réductionniste (c). C’est la superstition de notre temps. Aimé MICHEL (a) Lettres Epistémologiques, Genève, Institut de la méthode, 28e livraison, novembre 1980 : J.-P. Vigier : Une nouvelle étape du débat Bohr-Einstein, p. 2. (b) Psychologie, 132, janvier 1981, p. 17. Je ne saurais trop recommander la lecture de cet article, modèle de bonne vulgarisation limpide et sans pédantisme. (c) The Encyclopaedia of Ignorance, par une cinquantaine de savants, dont plusieurs prix Nobel, Pergamon Press, 24, rue des Écoles, 75240 Paris Cedex 05, 1977. Chronique n° 329 parue dans F.C.-E. – N° 1784 – 20 février 1981 [|Capture_d_e_cran_2014-11-10_a_12-28-10.png|]
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 30 janvier 2017

 

  1. Pour une fois le sous-titre de la chronique est d’Aimé Michel lui-même, bien qu’il apparaisse comme surtitre dans l’article imprimé (d’habitude les sous-titres sont de moi). La définition habituelle de « superstition » est différente mais, après tout, peut-être pas si éloignée : « attitude irrationnelle, magique, en quelque domaine que ce soit ».
  2. Note du transcripteur, ces échanges de correspondance se situent en un temps où on pouvait envoyer une lourde lettre par la poste pour l’équivalent de 16 centimes d’euros. C’était avant Internet et, en ces temps-là, le service de la poste s’était déjà beaucoup dégradé : on n’avait plus que rarement son courrier le lendemain de l’expédition.
  3. Cette façon de raisonner est employée non seulement pour Cyrus mais de manière plus significative pour Jésus. La prophétie de Jésus sur la ruine de Jérusalem et de son Temple rapportée dans les synoptiques en est un bel exemple. C’est dans l’évangile de Luc que la prophétie est la plus développée. « Quand il fut proche, à la vue de la ville, il pleura sur elle, en disant : “(…) Oui, des jours vont fondre sur toi, où tes ennemis t’environneront de retranchements, t’investiront, te presseront de toutes part. Ils t’écraseront sur le sol, toi et tes enfants qui seront dans tes murs, et ils ne laisserons pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas reconnu le temps où tu fus visitée !ˮ » (19, 41-44). Puis encore : « Comme certains disaient du Temple qu’il était orné de belles pierres et d’offrandes votives, il dit : “De ce que vous contemplez, des jours viendront où il ne restera pas pierre sur pierre : tout sera détruitˮ » (20, 5-6). Ces dernières paroles ont également des parallèles chez Marc (13, 1-4) et Matthieu (24, 1-3). Une quarantaine d’années plus tard les troupes de Titus détruiront Jérusalem et le Temple et crucifieront sa population dans ce que l’on considère comme l’un des plus grands massacres de l’Antiquité. Le célèbre exégète suisse Daniel Marguerat n’est guère impressionné. Comme « l’exégète superstitieux » d’Aimé Michel il déduit de ces passages que l’auteur du Ier siècle « que nous avons pris coutume d’appeler Luc, bien que son œuvre [en deux volumes, un évangile et sa suite dite Actes d’apôtres, sur les origines du christianisme] soit demeurée anonyme », a écrit dans la décennie qui suit la dévastation de la Ville sainte, entre 80 et 90 (D. Marguerat et E. Junot, Qui a fondé le christianisme ? Labor et Fides-Bayard, Genève et Montrouge, 2010, p. 39 ; j’ai cité intégralement ce passage de Marguerat dans la note 6 de la chronique n° 389, Son nom est Marie). Sans doute va-t-il de soi aux yeux de l’exégète que toute prophétie est impossible. Que Jésus n’a donc pas pu prononcer les paroles que lui prêtent Luc, Marc et Matthieu. Ce rejet a priori avait le don d’irriter Aimé Michel qui ne manquait jamais une occasion de se moquer des exégètes et autres historiens y ayant recours, « rationalistes » en apparence, « superstitieux » en réalité, comme dans les chroniques n° 87, L’énigme du deuxième cadavre (10.05.2010), n° 93, Mythes et mythologues – La nature n’est pas un donné bien clos car nul ne sait où elle s’arrête (16.01.2012) ou n° 239, Relectures groucho-marxistes – L’austère métier des historiens de la Bible (24.12.2012).
  4. Aimé Michel a évoqué à de nombreuses reprises ce mystère du temps en physique. On peut consulter par exemple les chroniques n° 11, Quand le temps s’arrêtera (22.08.2009), n° 116, Le paradoxe de Langevin démontré (31.03.2010), n° 143, Correspondance : La physique et ses fictions (03.04.2010), n° 120, In pulverem reverteris (19.07.2010), n° 121, Le temps et la germination (06.09.2010), ou encore la n° 328, L’invraisemblable vérité (16.07.2017) avec ses temps perpendiculaires. Bien entendu, Aimé Michel ne prétend nullement donner une solution à ces problèmes. Ce qu’il reproche à son correspondant et autres exégètes, c’est de ne tenir aucun compte des discussions entre physiciens, d’ignorer même qu’elles existent, de croire que tout est simple et clair alors qu’il n’en est rien, en bref d’ignorer leur ignorance.
  5. L’argument de la Lettre écrite de la montagne est développé dans les chroniques n° 160, La science et le mystère (07.2011) et n° 298, La Bible confrontée aux enseignements de la science (05.04.2009).
  6. Jean Fourastié exprime avec force une idée semblable : « La manière dont la science est enseignée à la jeunesse fausse à la fois l’image de la science et l’image du monde. Toutes les obscurités sont bannies ; toutes les lacunes passées sous silence ; toutes les difficultés ignorées, sauf celle d’une algèbre scolaire qui permet de noter les devoirs… Dans le sac dogmatique où l’école la met, je ne reconnais plus l’œuvre de… Faraday. Du Cosmos sauvage, hydre mystérieuse et redoutable, dont l’homme ne connaît que quelques poils et quelques griffes, l’école présente l’image d’un ânon docile qui, sous la sage ordonnance des mathématiques, porte les enfants dans les allées ensoleillées du Luxembourg. » (Faillite de l’Université ? coll. Idée n° 257, Gallimard, Paris, 1972, p. 116).
  7. Cet article d’Harold Morowitz est peut-être le même que celui reproduit quelques années plus tard au chapitre 17, « Esprit et Matière », de son excellent livre Cosmic joy and local pain – Musings of a mystic scientist, Charles Scribner’s sons (1987). Morowitz (1927-2016) était professeur de biophysique moléculaire et de biochimie à l’université de Yale et l’auteur, entre autres, de Energy flow in biology : Biological organizations as a problem in thermal physics, Academic Press (1968) dont la lecture m’enchanta lorsque j’étais étudiant. Dans ce chapitre de Joie cosmique et peine locale – titre qui, soit dit en passant, s’appliquerait aussi bien à une anthologie des chroniques d’Aimé Michel que celui que j’ai choisi de Clarté au cœur du labyrinthe – Morowitz commence par souligner l’importance des idées de Descartes qui, en séparant la matière de l’esprit, permit à Newton et à ses successeurs d’ignorer l’esprit et de construire une physique fondée sur un temps et un espace absolus, indépendants de l’observateur. Au XXe siècle ces idées triomphèrent chez les biologistes et les psychologues sous le nom de réductionnisme. « Si maintenant nous combinons les réductionnismes psychologique et biologique et supposons qu’ils se chevauchent, nous arrivons à la fin à une série d’explications allant de l’esprit à l’anatomie et à la physiologie, puis à la physiologie cellulaire, à la biologie moléculaire, enfin à la physique atomique. Toute connaissance est supposée reposer sur un soubassement ferme : les lois de la mécanique quantique. Dans ce contexte, la psychologie devient une branche de la physique (…). » Cependant, par un curieux retournement, alors que les biologistes suivaient cette voie avec enthousiasme, leurs collègues physiciens changeaient complètement de perspective (sur ce point, voir la citation frappante de Morowitz que je donne dans la note 7 de la chronique n° 352, citation souvent reprise qui provient justement de ce chapitre 17). Cela commença par Einstein qui montra que des observateurs en mouvement l’un par rapport à l’autre percevaient le monde différemment si bien qu’il fallait introduire l’observateur pour établir la réalité physique. Puis la mécanique quantique accrut encore le rôle de l’observateur en en faisant un composant essentiel de la définition d’un évènement. En effet, dans cette théorie, « un système complexe ne peut être décrit qu’en utilisant une distribution de probabilité qui s’applique aux résultats d’une expérience. Pour choisir entre les divers résultats, une mesure est requise. Cette mesure constitue un évènement, à la différence d’une probabilité, qui est une abstraction mathématique. Cependant, la seule description simple et cohérente que les physiciens ont pu attribuer à une mesure impliquait un observateur prenant conscience du résultat. Ainsi l’évènement physique et le contenu de l’esprit humain étaient inséparables. » C’est ce que le physicien Erwin Schrödinger, qui joua un rôle central dans la naissance de la mécanique quantique, illustra avec son fameux chat mi-mort mi-vivant (les probabilités) avant qu’on ouvre la boite pour constater sa vie ou sa mort (l’évènement). « Ce lien força de nombreux chercheurs à considérer sérieusement la conscience (…) comme une partie intégrante de la structure de la physique. De telles interprétations conduisaient la science vers une conception philosophique idéaliste par contraste avec la conception réaliste. » Ceci est bien illustré par Schrödinger qui fut le premier à exprimer sa sympathie pour les Upanishads et la pensée philosophique orientale et défendit « une vue plutôt mystique de l’univers qu’il identifia avec la philosophie éternelle d’Aldous Huxley » (le mot « mystique » doit être pris sans le poids de préjugés qui l’accompagne souvent ; remarquons que le titre du chapitre reprend celui d’un petit livre de Schrödinger, L’Esprit et la Matière, collection Points n° S199, Seuil Paris, 1990, trad. Michel Bitbol ; à propos de la pensée orientale voir la note 2 de la chronique n° 404, Errance). « Nous sommes maintenant capables, poursuit Morowitz, d’intégrer les perspectives de la psychologie, de la biologie et de la physique. Primo, affirme-t-on, l’esprit humain, y compris la conscience et la pensée réflexive, peut être expliqué par les activités du système nerveux central, qui, à son tour, peut être réduit à la structure et la fonction biologiques de ce système physiologique. Secundo, les phénomènes biologiques à tous niveaux peuvent être totalement compris en termes de physique atomique, c’est-à-dire, par l’action et l’interaction des atomes de carbone, d’azote, d’oxygène et ainsi de suite. Tertio, la physique atomique, qui est maintenant comprise le plus complètement au moyen de la mécanique quantique, doit être formulée avec l’esprit comme constituant primitif du système. Nous avons ainsi fait, par étapes, le tour complet d’un cercle épistémologique – de l’esprit à l’esprit. (…) [Cette] boucle fermée provient de la combinaison directe des processus explicatifs des experts reconnus dans les trois sciences. Parce que les individus travaillent rarement avec plus d’un de ces paradigmes, le problème général a reçu peu d’attention. » Cette structure circulaire signe l’échec du réductionnisme. Morowitz conclut : « Ce qui émerge de tout cela est le retour de l’“espritˮ dans tous les domaines de la pensée scientifique. C’est une bonne nouvelle du point de vue de toutes les variétés de théologie naturelle. Car un univers où l’esprit est une partie fondamentale de la réalité entre en contact plus facilement avec l’esprit de dieu qu’un monde sans esprit. » Remarquons cependant, comme rien n’est jamais simple, que tous les physiciens n’acceptent pas l’interprétation de la physique quantique soutenue ici par Morowitz dans laquelle les probabilités (la fonction d’onde) calculées par la théorie se réduisent à un évènement unique lors de l’observation. Dans les interprétations de de Broglie-Bohm (onde pilote) et Everett (mondes multiples) il n’y a pas de réduction de la fonction d’onde, voir par exemple la note 2 de la chronique n° 284, Les origines de l’homme ou des légendes qui s’écroulent (13.07.2015). Le ou les observateurs restent extérieurs à la théorie. Aimé Michel signale en plusieurs endroits que la science n’a pas la structure pyramidale que souvent on lui prête, mais une structure circulaire. Il y revient plus en détail dans la chronique n° 489, Pourquoi suis-je là ? (qui n’a pas encore été mise en ligne).
  8. Ce « moins on sait de physique, plus on est réductionniste » n’est probablement pas une citation mais un résumé. Il est peut-être suggéré à Aimé Michel par le britannique E.W.F. Tomlin, auteur d’ouvrages philosophiques et littéraires qui fut professeur à Nice. Dans un chapitre intitulé « Fallacies of evolutionary theory » du livre dirigé par R. R. Duncan et M. Weston-Smith, The Encyclopaedia of Ignorance, Pergamon Press (1977), pp. 227-234, Tomlin écrit : « L’impasse présente de la pensée évolutive, productrice de tant d’erreurs, est due principalement à l’interprétation du fait biologique en termes d’une théorie physique dépassée ». Ce livre est sans doute l’un de ceux qu’Aimé Michel a le plus souvent cités dans ses chroniques.