Roi et saint - France Catholique
Edit Template
Marie, secours des chrétiens
Edit Template

Roi et saint

Il faut des saints entrés en politique. Non des idéalistes, pas plus que des durs ou des mous. Mais des hommes forts qui soient doux.
Copier le lien
Fresque de Maurice Denis, Glorification de Saint-Louis, église Saint-Louis-de-Vincennes.

Fresque de Maurice Denis, Glorification de Saint-Louis, église Saint-Louis-de-Vincennes.

© C. Guillaume

Saint Louis, roi : ainsi l’appelle la rubrique de mon missel. Donc un roi peut être saint, en tant que roi. La politique, lieu de tous les dangers, le pouvoir, lieu de toutes les corruptions, sont sauvés. Cette famille royale compte, parmi ses fils, un saint canonisé.

Imagine-t-on aujourd’hui ce que put être ce miracle ? Un peuple entier, une nation déjà forte et comptant parmi les premières de l’univers, dirigés par un saint ? Un saint qui est aussi un chef de guerre, un justicier. Un saint qui lève des impôts, commande des batailles, organise des expéditions, trône dans un palais et arbitre les différends entre les souverains.

Fustel de Coulanges, enseignant l’histoire de France à l’impératrice Eugénie, lui fait observer les bienfaits infinis, en politique, de cette sainteté.

Un art détourné de sa fin

De nos jours, de façon presque universelle, la politique est une pratique machiavélique. Non seulement dans ses ressorts les plus connus de machiavélisme vulgaire : mensonge, corruption, intrigues, assassinats. Mais, plus profondément, dans ce qui est l’essence du machiavélisme : un art détourné de sa fin. Une politique justifiée par la seule conquête et conservation du pouvoir. Une politique pour la politique, comme il y eut un art pour l’art.

Cette politique n’a plus rien de politique. C’est une technique qui permet de s’approprier les satisfactions du pouvoir sans peser ses obligations. Dans un monde décomposé, elle est essentiellement un art du complot. Il faut s’entendre, à quelques-uns, en équipe, en loges, en secte, en mafia, en parti pour s’emparer des leviers du pouvoir et, ainsi, prendre les places. Comme le pouvoir est tentaculaire, de plus en plus lourd dans ses prélèvements, le reste de la nation s’appauvrit, et perd de son autorité. Tout homme qui veut grandir, influencer, qui aspire à diriger passe obligatoirement par ce système. Il en devient le complice, l’obligé, le stipendié. Il est entré dans un complot. Le seul but de ce complot est de gagner. Au soir de l’élection, les partisans chantent : « On a gagné, on a gagné. » Ils ont gagné, c’est vrai, mais pour quoi faire ? Pour se maintenir. Et après ?

Il n’y a pas d’après. Après, c’est l’alternance. On passe la main à l’écurie d’en face. En attendant de refaire ses forces pour recommencer. C’est ce qu’on appelle encore de ce beau nom de « politique ».

La crainte, à défaut de l’amour

« Beau fils, mets ton cœur à aimer Dieu. »
Il n’y a pas beaucoup de garanties, pour le citoyen, le sujet, l’homme de la rue ou des champs, contre la force, parfois injuste, de la loi. L’Histoire a vu s’écrouler, l’un après l’autre, les contre-pouvoirs édifiés par les constitutions.

L’amour de Dieu dans le cœur du souverain est la seule garantie des gouvernés.

À défaut de l’amour, la crainte, au moins, est le commencement de la sagesse. Si ce frein-là ne l’arrête pas, en tout cas, il est certain que rien, sauf la mort, ne l’arrêtera. On peut se reporter à Hitler et Staline, démocratiquement, constitutionnellement et triomphalement élus.

Au point où nous en sommes, il nous faut des saints entrés en politique. Non des idéalistes, même à visage chrétien : ils nous feraient du mal tout en voulant bien faire. Non pas des chefs, des durs, des intraitables. Encore moins, bien entendu, des fanatiques. Mais pas davantage des mous, des hésitants, des timides parés de prudence et de circonspection.

Il faut des hommes forts qui soient doux. Des hommes humbles qui soient fiers. Des hommes intelligents qui aient du cœur. Des hommes prudents. Au plein sens du mot. Saint Louis, roi.

Il avait pleinement gouverné

Sept siècles et demi ont passé depuis sa mort à Carthage sur un lit de cendres. C’est bien loin ? Ce n’est rien. Il était allé protéger la nation maronite, persécutée et réfugiée dans ses montagnes, ramener la paix à Beyrouth, à Sidon, à Tripoli, à Tyr. Il allait libérer Jérusalem et freiner un islamisme conquérant et déjà terrorisant.

L’occasion s’en présentant, il avait lutté contre les guerres privées. Il avait mené à bien une réforme judiciaire. Il s’était préoccupé d’avoir de la bonne monnaie. Il avait secouru, autant qu’il était possible, les pauvres et réprimé l’insécurité de la grande ville de Paris. Une fois ou l’autre, il avait rappelé à l’ordre des évêques importuns. Au coup par coup, mais constamment, il avait réformé ce qui pouvait l’être. Il nous avait mis en paix avec nos cousins anglais et nos voisins allemands.

Par ses bâtiments et ses fondations, comme la Sainte Chapelle – qu’aujourd’hui viennent contempler les visiteurs du monde entier –, il avait honoré l’Église. Il avait favorisé les lettres et les arts, la philosophie et les sciences. Il avait gouverné dans le quotidien comme nous voudrions bien être gouvernés aujourd’hui.

C’est ainsi qu’en faisant le roi, il était devenu saint.