Il va devenir difficile de se parler, maintenant que certains veulent remplacer sur le fronton de nos mairies le mot de fraternité par « sororité ». Mon grand-père disait : « Quand je dis les hommes, cela embrasse les femmes. »
Les querelles sémantiques de notre société n’ont pas fini de nous faire rire ou de nous désoler. Pourra-t-on encore longtemps parler de la « mère patrie », et faudra-t-il remplacer partout le patrimoine par le « matrimoine » ?
L’apparition de l’expression frères et sœurs dans le « je confesse à Dieu » se veut la traduction du « fratres », latin de la prière du Confiteor. Certains y verront une victoire majeure ou, au moins, une avancée symbolique d’une conquête d’égalité. Mais toutes ces petites polémiques de comptoir font toujours oublier une chose : nous avons un seul Père. Quelle fraternité y a-t-il s’il n’y a pas de paternité ?
Une relation d’alliance
Or, précisément, c’est au regard de ce lien filial que nous avons avec le Seigneur, notre Créateur, que nous pouvons, en vérité, nous appeler frères et sœurs. Et c’est en vertu de ce lien que saint Paul explique que, dans le corps du Christ que nous formons, un lien nouveau est établi entre nous, dans lequel « il n’y a plus ni juif, ni païen, ni homme, ni femme, ni esclave ou homme libre ».
La question de l’égalité entre l’homme et la femme n’est pas un sujet pour les chrétiens. Penser selon le monde est rarement favorable à notre vie en Église et en société : le bien commun réel de tous les hommes, c’est qu’ils sont enfants de Dieu le Père, par l’adoption filiale que Jésus leur obtient.
Mais il faut aller plus loin : la foi biblique montre que l’homme et la femme sont sur cette terre le signe visible d’une relation entre Dieu et le genre humain, relation d’alliance dans laquelle chacun joue sa partition de manière différenciée. L’égale dignité de l’homme et de la femme ne signifie pas que leur apport propre doit être masqué.
Affirmer l’existence d’une vocation féminine et d’une vocation masculine, c’est rendre hommage à ce que chacun est appelé à déployer, aux fruits que chacun est appelé à porter. Et cela ne suppose pas de tomber forcément dans des stéréotypes de genre. Le bien commun de notre monde suppose que nous grandissions dans l’estime de la vocation de chacun. Y réfléchir en profondeur nous aidera à apaiser les cœurs sans sombrer dans les passions tristes et les ressentis accusateurs.
L’Église aura rendu un grand service à la société si elle permet aux uns et aux autres de mieux se connaître. Les nombreux troubles de l’identité qui se manifestent dans notre jeunesse ont surtout besoin de paroles adultes par lesquelles chacun trouve une confirmation de ce qu’il est, plutôt qu’un encouragement à douter de soi. Peut-être faudra-t-il encore une fois nager à contre-courant : le courage consistera à ne pas se dérober.
Nos identités respectives
Nous avons une bonne nouvelle à annoncer à ce monde : Adam et Ève déchus ont été relevés et ont une guérison à recevoir. Le Sauveur du genre humain nous a sauvés dans notre identité d’homme et de femme. Les blessures intimes que nous pouvons porter, les jeux de domination et de séduction, les emprises et les abus… Tout cela appartient au mal, dont Jésus nous apprend que le Père veut nous délivrer.
Le piège des revendications paritaires peut nous amener à rater notre cible et à manquer la grâce de guérison et de paix que le Seigneur est venu nous apporter. Que notre prière et nos cœurs apaisés permettent à l’Esprit Saint plus qu’à l’esprit du monde de nous montrer la voie.