On connaît la réponse que fit un jour Mère Teresa à un journaliste qui l’interrogeait : « Quand vous voyez tout ce qui se passe dans l’Église et dans le monde, que faudrait-il changer ? — Mais vous et moi, cher Monsieur ! Ce qu’il faut changer c’est vous et moi ! » Bernanos, de son côté, professait que l’Église n’avait pas besoin de réformateurs mais de saints. Et il précisait : « On ne réforme l’Église qu’en souffrant pour Elle, on ne réforme l’Église visible qu’en soufrant pour l’Église invisible. On ne réforme les vices de l’Église qu’en prodiguant l’exemple de ses vertus les plus héroïques. »
On opposera à cette sagesse surnaturelle l’histoire de l’Église, qui s’est réformée profondément, jusque dans ses structures, lorsque la situation l’exigeait impérativement. Faut-il rappeler la réforme grégorienne au Moyen Âge, qui s’étendit d’ailleurs sur trois siècles ? Elle consacra l’indépendance du spirituel, imposa le célibat des prêtres et le mariage chrétien pour les laïcs, et organisa les structures de l’autorité du Pape. Aussi importante fut l’entreprise du concile de Trente qui entraîna la Contre-réforme catholique.
Mais il faut noter que les changements dans l’institution correspondent toujours à un élan spirituel et mystique, caractéristique du génie du christianisme. Pas de Contre-réforme sans Thérèse d’Avila, Ignace de Loyola et Vincent de Paul.
Aujourd’hui, les diagnostics et les propositions de changement ne manquent pas dans l’Église, les uns et les autres ne sont pas forcément à dédaigner. Mais ce qu’il y a d’intéressant et d’utile ne saurait se décliner sous le chef de simple réforme de structure, que ce soit selon la formule traditionnelle « à la tête et dans les membres ». Parfois, il y a concentration excessive des griefs sur la centralisation romaine, comparée sans guère de discernement et avec acrimonie au système soviétique (!). L’accusation tombe d’elle-même par son ridicule, ne serait-ce qu’eu égard à la faiblesse du dispositif de la Curie romaine. Il apparaît même que dans la crise actuelle les responsabilités des Églises particulières sont majeures et que le redressement spirituel et moral est impulsé depuis le centre romain.
Par ailleurs, les considérations purement structurelles tournent à vide, dès lors qu’elles ne sont pas associées à un profond ressourcement doctrinal. Il ne servirait à rien de réunir un troisième concile du Vatican ou des conciles régionaux (comme c’est parfois suggéré) s’ils ne s’inspiraient pas d’intuitions puissantes, analogues à celles qui font toujours la force de Vatican II dans ses constitutions dogmatiques. Il est vraisemblable que Gaudium et spes serait à reprendre, en ce sens où, en un demi-siècle, la situation de la planète a complètement changé et qu’il importe que l’Église prenne la mesure des nouveaux enjeux qui déterminent son action pastorale. Mais cela ne se fera pas sans une nouvelle génération de saints et de vrais prophètes.