Le Carême est une réflexion sur la filiation, et de quelle sorte de filiation nous choisissons. C’est d’abord à propos de la filiation du Christ, et ensuite de notre état d’enfants de Dieu, par Lui, avec Lui, et en Lui. Le carême atteint son objectif final et sa signification à la vigile de Pâques lorsque les catéchumènes sont baptisés, et que les fidèles renouvellent leurs promesses du Baptême – c’est à dire, lorsque nous devenons ou sommes renouvelés en tant qu’enfants de Dieu.
Les lectures en sont le reflet. Le premier dimanche de carême nous présente les tentations du fils éloigné de son père. Il a juste entendu la voix du Père au Jourdain : « Tu es mon fils bien aimé; avec toi je suis comblé de joie ». Maintenant le démon a mis à l’épreuve les paroles du Père en proposant une autre sorte de filiation – une filiation qui n’a pas été accordée ni voulue par le Père, mais plutôt basée sur ses propres suggestions: Si tu es le fils de Dieu…
Notre seigneur triomphe en ayant confiance dans le Père, en recevant ce qu’Il donne, et en rejetant toute filiation contrefaite. Comme pour confirmer cette victoire, le second dimanche de carême nous présente la voix du Père sur le Mont Thabor: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé; écoutez-le ». Donc, toute la période traite du rejet d’une filiation contre-faite, éliminant ce qui ne vient pas du Christ, nous préparant à renaître ou à être renouvelé comme enfants de Dieu.
C’est dans ce contexte de filiation – réelle et contrefaite – que nous devrions entendre aujourd’hui la parabole du fils prodigue. Bien entendu, elle est vraiment à propos de deux fils. Bien qu’ils soient très différents, ils ont cela en commun : chacun choisit la sorte de filiation qu’il préfère, séparée du père. Ou, encore mieux, chacun de nous incarne une manière différente d’être la proie des mensonges du diable et de façonner une filiation qui nous est propre.
La rébellion du fils le plus jeune est la plus infâme. Il avait dilapidé les bien de son père avec des prostituées ainsi que son frère le dit sans ménagement. Cette « vie de dissipation » peut nous frapper comme le péché le plus grave. Mais, en fait, c’est juste le terrible fruit, et non la racine, de sa rébellion.
La racine du péché du fils prodigue est de vouloir une filiation suivant ses propres critères : « Père, donne moi la part de tes biens qui me revient ». Cette âpre demande révèle son désir d’avoir tout le bénéfice de sa filiation – son héritage – mais sans le Père. Notons qu’il désire être non seulement loin de son Père, mais que son Père n’existe pas du tout. « Père, donne moi la part qui me revient de tes biens », signifie en fait, je veux ce qui me revient quand tu mourras … Je ne peux seulement vivre la filiation que je veux que quand tu seras parti …J’aimerais que tu sois mort.
Le plus jeune fils est Adam saisissant le fruit, essayant d’avoir à ses propres conditions ce que le Père désire de donner gratuitement – et a été fortement désappointé. C’est la mal de l’homme déchu. Nous voulons les biens de Dieu sans Dieu. Nous voulons le beauté de la création sans le Créateur, la dignité qu’Il nous donna sans avoir de responsabilité à son égard, et la vie éternelle qu’Il nous a promis sans suivre Son chemin.
L’occident post-chrétien désire le patrimoine intellectuel, moral, et spirituel de la chrétienté – mais sans le Christ. A la fin, comme le fils prodigue, nous trouvons que nous ne pouvons pas avoir l’un sans l’autre. Les dons du Père sans le Père nous trahissent bientôt . Et nous, comme le fils prodigue, nous nous trouvons parmi les porcs.
Et puis il y a le fils aîné. Lui aussi a une filiation de son propre dessein. Ce n’est simplement pas aussi apparent. Le jeune fils détermine sa propre route en net contraste avec le père. Le fils aîné détermine ses critères de relation (ou du manque de relation) avec le Père, mais de façon moins évidente. Lui aussi veut les biens de son Père, sans le Père. Cependant, au lieu d’être dissolu et irresponsable ses termes sont mercantiles et (il l’espère) profitables.
« Voyez, toutes ces années je vous ai servi (où j’ai été votre esclave) et pas une seule fois, je n’ai désobéi à vos ordres » Ceci n’est pas la voix d’un fils mais celle d’un employé ou même d’un esclave. Elle trahi la vision déformée du fils ainé d’une filiation et sa mauvaise compréhension de son père. Il se voit comme travaillant, non pas en union avec le père ou pour le bien de la famille, mais uniquement par obligation. Durant tout ce temps le fils aîné est seul dans la maison du père, mais pas chez le père.
Si le fils prodigue représente ceux qui s’égarent ou même se rebellent contre l’Eglise (la maison du Père), l’aîné représente ceux qui, tout en étant dans l’Eglise et peut-être même œuvrant pour Elle, n’agissent que par un sens du devoir.
Contrairement à la vie dissolue de l’enfant prodigue, ce vice menace ceux qui prennent la foi au sérieux, et différemment de l’enfant prodigue, ne veulent pas quitter la maison du Père. Ils risquent d’être dans la maison du Père mais sans se sentir être ses enfants. Le danger pour eux est de laisser les affaires du Père se substituer au Père Lui-même – de chercher la piété plutôt que la sainteté, et se contenter d’une observance externe plutôt qu’une obéissance filiale.
« Père, j’ai péché contre le ciel et contre vous ». Bien que nous entendions ces mots du plus jeune des fils , les deux fils pouvaient les dire. Les deux fils manquaient d’une véritable relation avec le père. Chacun à sa manière la déforme, façonnant une filiation pour lui-même qui lui convient.
A la lumière de cette parabole, c’est habituel d’essayer de se reconnaître dans l’un des deux fils. Mais la réalité est que nous ressemblons aux deux à différents degrés. Donc à mi-chemin dans le carême, nous ferions bien de nous demander non pas si mais comment nous agissons comme chacun d’eux. Quand et comment je préfère les bénédictions de Dieu à Dieu Lui-même? et pareillement : Quand et comment je réduis ma relation avec Dieu à un simple quid pro quo?
c’est seulement par le repentir de ces fausses filiations que nous pouvons être renouvelés comme enfants de Dieu, dans l’authentique filiation du Christ.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/03/31/what-kind-of-son/
Le père Paul Scalia est un prêtre du diocèse de Artington, Va, où il exerce les fonctions de Vicaire Episcopal pour le clergé. Son nouveau livre est : That Nothing May Be Lost. Reflections on the Catholic Doctrine and Devotion (http://amzn.to/209Koec).