Qu'est-ce que le purgatoire ? - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Qu’est-ce que le purgatoire ?

Qu’est-ce que le purgatoire ? Que perdons-nous à ne plus savoir le définir ? Modérateur général de la Communauté Saint-Martin, ancien recteur du sanctuaire Notre-Dame de Montligeon consacré aux âmes du purgatoire, don Paul Préaux répond, à l’approche de la commémoration des fidèles défunts, le 2 novembre.
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Les Âmes du purgatoire, Alonso Cano (1636), musée des Beaux-Arts de Séville.

Les Âmes du purgatoire, Alonso Cano (1636), musée des Beaux-Arts de Séville.

© Jl FilpoC / CC by-sa

Un récent sondage IFOP, sur la vie après la mort, souligne la part croissante de la population française croyant en la réincarnation au détriment de la vie éternelle. Que pensez-vous de cette tendance ?

Don Paul Préaux : Nous vivons un temps marqué par le sécularisme et le pluralisme religieux. D’un côté, avec le sécularisme, la réalité du salut est restreinte au « bien vivre ensemble » et à rechercher le « bien-être » à tout prix, marqueur incontournable d’une vie réussie. D’un autre côté, l’ouverture aux croyances spirituelles d’autres peuples – qui est en soi positive – a été source de malentendus. Ils viennent souvent du désir de mettre en parallèle des notions de traditions différentes qui peuvent sembler voisines mais qui, en réalité, sont souvent incompatibles, ou tout simplement l’expression de réalités et d’expériences totalement différentes. Par exemple, de nombreuses personnes qui s’intéressent à la tradition bouddhique mélangent les notions de réincarnation et de résurrection, comme s’il s’agissait de deux manières d’aborder la question de l’au-delà. Et pourtant, si l’on examine attentivement ces deux notions, il devient clair que la réincarnation, telle qu’elle est comprise dans le bouddhisme, n’a rien à voir avec la notion d’au-delà, et que la résurrection, qui pour les chrétiens est l’accomplissement de l’homme dans le Christ, commence en réalité dès cette vie, au moment du baptême, et n’est pas dissociable de la vie quotidienne dans ce monde.

Lors des débats du concile Vatican II sur la Constitution sur l’Église, des évêques d’Extrême-Orient avaient demandé que soit évoquée la différence entre la croyance en la réincarnation et la foi en la résurrection. Cela n’a pas été explicitement le cas, mais l’ajout du verset de la lettre aux Hébreux : « Comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugé » (He 9, 27), au numéro 48 de la Constitution Lumen gentium, a été fait dans ce but. Le Catéchisme de l’Église catholique la reprendra explicitement à son compte (1013).

Qu’est-ce que le purgatoire ? Comment le définir ?

C’est un état où l’âme est purifiée de toutes les scories du péché. Juste après avoir rendu notre dernier souffle, viendra le moment du jugement dit « particulier ». Par une grâce spéciale d’illumination de l’Esprit Saint, nous serons mis à découvert devant Dieu (cf. 1 Co 4, 5 ; 2 Co 5, 10), nous découvrirons la vérité de notre vie. L’enseignement de l’Église sur le purgatoire est fondé sur ceci que, pour être uni à Dieu dans une communauté de vie, il faut que nous soyons tout amour comme lui-même est tout amour. Pas un atome, pas un grain d’orgueil et d’égoïsme ne peuvent entrer en Dieu. Car ils sont le contraire de Dieu. Seul l’amour est assimilable à l’amour. Qui donc oserait penser qu’à l’heure de sa mort il n’y a plus en lui le moindre atome d’orgueil et d’égoïsme ? Tel est le sens du purgatoire : pour que l’amour soit consommé, il faut que l’égoïsme soit consumé. Pour que l’amour soit consommé en Béatitude, il faut que l’orgueil soit consumé en repentir purifiant. Il n’y a rien de surprenant à ce que la Tradition compare à un feu cette brûlure de la purification. Saint Jean de la Croix écrit : « Le feu qui s’unira un jour à l’âme pour la glorifier et celui qui l’envahit d’abord pour la purifier n’est qu’un seul et même feu d’amour. »

Cette purification, Benoît XVI en précise le sens dans Spe salvi

En effet, Benoît XVI évoque dans cette encyclique la purification qui attend l’âme au purgatoire en s’appuyant sur le texte de saint Paul : « [Le Christ] doit se révéler dans le feu et c’est ce feu qui éprouvera la qualité de l’œuvre de chacun. Si l’œuvre bâtie sur le fondement subsiste, l’ouvrier recevra une récompense ; si son œuvre est consumée, il en subira la perte ; quant à lui il sera sauvé mais comme à travers le feu » (1 Co 3, 10-15). Pour Benoît XVI, ce feu est le Seigneur lui-même qui juge en transformant l’homme et en le rendant conforme à son corps glorifié (Rm 8, 29 et Ph 3, 21). « Le regard du Christ, le battement de son cœur nous guérissent grâce à une transformation certainement douloureuse, comme “par le feu”. Cependant, c’est une heureuse souffrance, dans laquelle le saint pouvoir de son amour nous pénètre comme une flamme, nous permettant à la fin d’être totalement nous-mêmes et avec cela totalement de Dieu. »

La rencontre avec le Christ juste après la mort constitue cette transformation, ce feu qui, en brûlant l’être, le métamorphose pour en faire le vaisseau d’une joie éternelle. Ce feu purificateur est lié à la manifestation même du Christ au moment de la mort mais aussi à son jugement, puisque le feu « éprouvera la qualité de l’œuvre de chacun ». Il ne s’agit pas d’un repentir personnel mais bien d’une purification imposée au pécheur sans que nous en connaissions la durée. Le purgatoire est donc un processus qui transforme l’homme de l’intérieur pour qu’il devienne capable de s’unir éternellement à Dieu. Benoît XVI parle de guérison, d’une guérison dans l’Amour. Le purgatoire n’est pas une punition car l’âme aspire à ce que tout ce qui a été vicié soit redressé dans l’Amour. L’image du saint Curé d’Ars est donc très juste : le purgatoire est l’infirmerie du Bon Dieu.

Pourquoi l’âme ne peut-elle plus rien pour elle-même au purgatoire ?

Avec la mort, le choix de vie fait par l’homme devient définitif, le temps de l’accueil ou du rejet de la miséricorde divine s’achève. C’est pour cette raison que la purification et la guérison opérées dans l’épreuve purgatoire sont de l’ordre de la « passivité active ». Nous recevrons cette guérison à la mesure de la charité acquise sur terre et des prières offertes pour nous. Le temps du choix est fini mais pas celui de l’amour et de la réparation. La seule chose qui ne pourra pas être pardonnée, ni ici-bas, ni dans l’au-delà, Jésus l’appelle le « blasphème contre l’Esprit Saint » (cf. Mt 12, 32 ; Mc 3, 29), c’est-à-dire le refus conscient de recevoir le salut apporté par le Christ, le refus de son amitié, et le rejet de l’amour de la vérité qui nous sauve et nous libère (cf. 2 Th 2, 10). Au purgatoire, une réparation, une purification, une transformation est toujours possible ; elles sont à accueillir comme un don gratuit du Christ sauveur.

Pourquoi faire dire des messes pour les défunts et les âmes du purgatoire ? Que se passe-t-il précisément pendant la célébration eucharistique ?

Nous ne sommes pas des personnes isolées mais liées les unes aux autres pour faire notre salut. L’Église de la terre est associée à celle du Ciel et du purgatoire. Or la messe est le sacrifice de Jésus sur la Croix rendu sacramentellement présent.

Nous pouvons donc associer nos défunts au sacrifice mais aussi à la gloire du Christ pour hâter leur délivrance du purgatoire. Le Seigneur Jésus nous donne la possibilité de nous offrir et de présenter lors de l’offertoire nos œuvres de charité pour soulager nos défunts. Le Catéchisme de l’Église catholique précise que « notre prière peut non seulement les aider mais rendre efficace leur intercession en notre faveur ». Les âmes du purgatoire en effet veulent agir pour leurs bienfaiteurs ! N’oublions donc pas de les prier pour obtenir une grâce. N’oublions pas non plus d’offrir nos œuvres pour les délivrer et de recourir à la pratique des indulgences pour raccourcir leur épreuve purgative. Il ne s’agit pas d’une sorte de marchandage ; cette caricature a, hélas, aussi existé. C’est un échange d’amour. Si nous leur offrons l’amour qui les purifie, elles aussi nous donnent leur amour souffrant, source de grâce pour nous.

Est-ce juste de dire que le purgatoire commence sur terre lorsque l’homme traverse des souffrances ?

Nous sommes sauvés par l’amour, non par la souffrance en elle-même. Ce qui nous purifie,
c’est la grâce de l’Esprit-Saint, vive flamme d’Amour de Dieu ! La souffrance vécue sur terre ne doit pas être entretenue en pensant gagner des bons points après notre mort. Elle doit nous aider à nous dépouiller le plus possible de nous-mêmes, à nous associer aux mérites du Christ, à nous préparer au mieux à la Vie éternelle dans la Béatitude trinitaire. Encore une fois, c’est l’Amour, l’Amour seul, qui nous sauve et nous purifie.

Si nous, catholiques, vivons sans cette idée du purgatoire, quelle dimension perdons-nous dans notre vie chrétienne ?

D’un point de vue purement intellectuel, il est utile de rappeler que les vérités de la foi chrétienne sont toutes reliées harmonieusement entre elles. S’il en manque une, c’est l’ensemble de l’organisme qui se trouve déséquilibré. L’oubli du purgatoire risque de nous faire oublier notre vocation à la vie éternelle et aussi notre appel à la sainteté. Cela touche un point capital de l’eschatologie. Mais derrière la théologie du purgatoire se trouve aussi l’équilibre d’une théologie du salut qui souligne harmonieusement à la fois la gratuité du don reçu par le mystère pascal du Christ et, d’autre part, l’importance de notre coopération à ce don. La théologie du purgatoire touche aussi une question délicate liée à la théologie fondamentale : ce qui n’est pas explicitement nommé dans l’Écriture peut être retenu de foi certaine si la Tradition vivante et le Magistère de l’Église nous le dictent.

Existentiellement, la réalité du purgatoire exprime qu’entre les êtres chers qui nous ont quittés et ceux qui demeurent en cette vie terrestre, il existe une communion d’amour qui, bien qu’invisible, n’est pas moins réelle. Cette communion trouve son expression privilégiée dans la prière.

Si l’on prie pour les défunts, c’est tout simplement parce que, dans le Christ ressuscité et l’Esprit sanctificateur, la charité n’a pas de frontière. Cette prière est le propre d’un cœur accordé à la miséricorde. Dieu ne change pas en ses desseins et il n’a nullement besoin de nous pour les réaliser. Pourtant, nous savons qu’il a voulu avoir besoin de notre libre coopération : « Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d’exister, mais aussi la dignité d’agir elles-mêmes, d’être causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à l’accomplissement de son dessein » (CEC 306).

En particulier, Jésus nous révèle que Dieu le Père a voulu ne pas se passer de notre prière. Il nous demande de prier pour obtenir le pain de chaque jour, pour ne pas entrer en tentation, pour obtenir des ouvriers à sa moisson, etc.

En tant que modérateur général de la Communauté Saint-Martin, que dites-vous aux prêtres sur la façon d’enseigner le purgatoire ?

Avant d’être modérateur général, je suis professeur de théologie dogmatique et, depuis de longues années, j’enseigne en particulier l’eschatologie. Ma présence au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon pendant quinze ans m’a beaucoup appris. J’y ai tant reçu ! J’essaye de présenter la théologie du purgatoire d’une façon fidèle au Magistère en la présentant comme une théologie de l’espérance chrétienne. Pour ce faire, j’aime particulièrement citer les poésies et les intuitions très fortes de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Non seulement elle a prié toute sa vie pour l’Église souffrante mais, le jour de sa prise d’habit, le jour de sa profession, elle demande la libération de toutes les âmes du purgatoire. Comme sa Mère sainte Thérèse d’Avila, elle accepterait de rester jusqu’à la fin du monde en purgatoire si elle pouvait ainsi sauver une seule âme. Finalement, le purgatoire relève d’une théologie de l’amour de Dieu et d’une crainte filiale, pas d’une théologie de la peur. Dans les années 1950, la notion de purgatoire est tombée en désuétude, elle s’est effacée avec l’idée de faire notre salut, mais il faut la remettre au cœur de nos préoccupations car nous sommes appelés dès ici-bas à accueillir et à rayonner de l’amour de Dieu.