Ceux qui ont eu la chance d’assister à un gala de Mireille Nègre gardent le souvenir très lumineux d’un mouvement empreint de grâce, né d’un silence intérieur et conduisant à un silence de contemplation. D’un silence à l’autre, le mouvement se déploie dans l’espace grâce aux points d’appui que le corps de la danseuse lui offre dans la maîtrise de son art. Une telle danse est surtout un geste poétique, « une sculpture du silence ». C’est cette même émotion que l’on retrouve dans le film de Marlène Ionesco. 1
Première danseuse de l’Opéra de Paris, Mireille Nègre entre au Carmel juste avant d’être nommée étoile par Serge Lifar. S’ensuivront dix années de dialogue avec Dieu, creuset où éclot l’appel à concilier sa consécration totale au Christ avec la danse. « Plus Dieu me disait dans le secret de mon cœur « Danse ! », plus je distinguais quelle devait être ma mission. Et d’abord, il me fallait témoigner que le corps n’était pas un objet de malédiction. Qu’il pouvait, au contraire, être l’incarnation de cet ardent désir d’aimer Dieu plus que quiconque et que soi-même. » Instituée Vierge consacrée par le cardinal Lustiger en 1986, elle honorera la valeur spirituelle de la danse comme chemin de transfiguration.
La danse nous plonge au cœur du mystère de la vie qui est mouvement ; elle est l’écriture musicale de la vie à même la chair. « Le danseur structure l’espace par une architecture de ses mouvements. La gestuelle est cette parole silencieuse dans l’espace au sein duquel naît le mouvement. Elle évoque le langage caché et l’invisibilité de Celui qui nous gouverne. » Dès le départ, la danse emporte Mireille dans une quête d’absolu. La recherche de l’équilibre est ici vécue comme une tension infinie vers ce point jamais atteint de l’unité de la stabilité et du mouvement. Cherchant à reconduire le mouvement à sa source ultime, c’est en Jésus-Christ que Mireille a trouvé ce foyer vivant et l’axe incandescent de son être. Jésus est le seul Geste absolument parfait de la Vie purement manifestée comme Amour, à travers toutes les fibres d’une Humanité totalement assumée par la Divinité. « Cette révélation de Jésus a été la plus grande lumière de ma vie »…
Pour Mireille Nègre, l’artiste est un médiateur entre l’invisible et le visible. Portée par son amour du Christ, elle sublimera le mouvement du corps jusqu’à l’accorder aux vibrations les plus élevées de l’âme. « La danse comme tout art dans ce qu’il a de plus sacré est une prière à Dieu, un élan d’amour. En dansant, on fait plus que prier avec son corps. J’ose l’écrire : on devient soi-même prière. On prend feu. Servir ce feu dans un mouvement juste impose la jonction parfaite entre l’impulsion créatrice et le mouvement qui en résulte, il est bon que rien d’extérieur au mouvement ne vienne le colorer, mais qu’il découle naturellement du silence au cœur, habité du souffle de Dieu. »
Fidèle à l’alliance intime entre l’Art et la Vie, l’existence de Mireille est une dynamique de création continue. Ce qu’elle a recherché en dansant — donner corps à la vie, en libérer l’élan dans un geste épiphanique —, elle le poursuit aujourd’hui à travers la musique, la peinture et l’écriture. Elle ne cesse de danser sa vie, faisant sien ce mot magnifique de la prima ballerina assoluta Alicia Alonso : « Voilà mon secret. J’aime la vie et je danse de l’intérieur. »
Quand la vie prend corps, livre de Mireille Nègre et Éric de Rus, 144 p., éd. du Cerf, 13 €.
http://www.marleneionesco.com/