À quelques heures de la célébration de la nativité, on aimerait se livrer à la pure contemplation de l’extraordinaire mystère de l’Incarnation, en délaissant pour quelques jours le cours de nos soucis et plus encore de nos polémiques. Hélas ! Il se trouve que c’est ce mystère même qui se trouve en quelque sorte pris en otage, pour mieux brouiller les données de l’amour humain et de la filiation biologique. J’aurais hésité à aborder cette absurde interprétation de la naissance de Jésus, qui est en général avancée sous un mode ironique par des gens éloignés de la foi, si un philosophe estimable comme Michel Serres n’était intervenu pour la reprendre à son compte. Je le cite : « On lit dans l’Évangile de saint Luc que le père de Jésus n’est pas le père– puisqu’il est le père adoptif, il n’est pas le père naturel –, le fils n’est pas le fils – il n’est pas le fils naturel. Quant à la mère, forcément, on ne peut pas faire qu’elle ne soit pas la mère naturelle, mais on y ajoute quelque chose qui est décisif, c’est qu’elle est vierge. Par conséquent, la Sainte Famille est une famille qui rompt complètement avec toutes les généalogies antiques, en ce qu’elle est fondée sur l’adoption, c’est-à-dire sur le choix par amour.»
Michel Serres ajoute que ce modèle est extraordinairement moderne. J’aurais envie de lui répondre : peut-être, mais dans la mesure où il est extraordinairement archaïque. L’archaïque ne cesse de renaître sous les habits de la modernité et singulièrement avec la résurgence de cette vieille hérésie anté-chrétienne et chrétienne qui s’appelle le gnosticisme. Le gnosticisme avec sa phobie de la chair et des relations charnelles qui voudrait précisément détacher l’apparition du nouveau né de cette incarnation. Il est extraordinaire que Michel Serres n’ait pas réfléchi à l’affirmation centrale de saint Jean : Et Verbum caro factum est. Et le Verbe s’est fait chair. L’immense penseur qu’était Michel Henry lui a donné une interprétation phénoménologique, qu’il serait urgent de reprendre. Michel Serres concède tout de même que Marie est la mère naturelle de Jésus mais dans sa propre logique gnostique, il conviendrait sans doute que les choses se soient passées en dehors du ventre de la mère. Pardon mais si l’on va jusqu’au bout de l’exclusion de la chair, c’est l’utérus artificiel qui se profile. Ainsi tout lien naturel est rompu. Mais telle n’est pas la foi de l’Église, qui, vénérant l’Incarnation, laisse monter vers le ciel, la prière qui ne s’éteindra jamais : Et benedictus fructus ventri Jesus. Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 24 décembre 2012.
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