Mgr Laurent Dabiré : « Sommes-nous prêts à mourir pour notre foi ? » - France Catholique
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Michel-Ange, le génie et la foi
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Mgr Laurent Dabiré : « Sommes-nous prêts à mourir pour notre foi ? »

L’Aide à l’Église en détresse publie son rapport sur la liberté religieuse dans le monde. France catholique a rencontré Mgr Laurent Diabiré, président de la Conférence épiscopale du Burkina-Niger, région en proie au terrorisme islamique.
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Quelle est la situation au Burkina Faso ?

Mgr  Laurent Dabiré : Il devient de plus en plus difficile de vivre sa foi, du fait des attaques terroristes qui contraignent les populations à fuir leurs localités et à vivre dans la précarité. Ces chrétiens n’ont plus les services religieux réguliers, les prêtres eux-mêmes ne pouvant plus visiter les communautés comme il faut. Cette situation varie selon les régions. Celle du Sahel, qui recouvre mon diocèse de Dori, traverse une période très compliquée. Dans le diocèse frontalier de Kaya, beaucoup de personnes ont fui leurs villages et se retrouvent dans des camps pour personnes déplacées. Malgré tout, elles s’efforcent de rejoindre l’endroit le plus proche où elles peuvent écouter un enseignement religieux. Les prêtres s’organisent pour passer dans les différents lieux, afin d’assurer la catéchèse et de pouvoir quelquefois célébrer une messe. Le climat général plonge les chrétiens dans une grande préoccupation à chaque rassemblement : va-t-il se dérouler dans le calme ou sera-t-il frappé par un acte terroriste ?

Les évêques du Burkina Faso constituent des dossiers pour que Rome reconnaisse le potentiel martyre de victimes du terrorisme…

Tous les attentats terroristes ne sont pas des actes aveugles et certaines victimes le sont pour des raisons précises : soit parce qu’elles étaient en vue dans leur localité, soit à cause aussi de leur foi. Et nous avons un certain nombre de chrétiens qui sont tombés sous les balles des terroristes du fait de la fidélité, de l’attachement à leur foi. Je pense à cet homme, à qui les terroristes ont demandé de se départir de la croix qu’il avait autour du cou. S’il avait obéi, il aurait peut-être eu la vie sauve. Mais il a résisté et il a refusé. Ils l’ont abattu. Pour moi, il s’agit d’un martyr, qui a témoigné de sa foi. Il y a d’autres exemples.

Comment expliquer l’indifférence de la communauté internationale à l’égard de la situation des chrétiens en Afrique ?

Son silence peut s’expliquer par le manque d’intérêt pour le sujet. Ce qui l’intéresse surtout, ce sont les questions économiques. Pas le reste ! Même les questions géopolitiques ou climatiques ne rencontrent pas tout à fait la pleine faveur de la communauté internationale, qui ne réagit et ne s’active que lorsqu’il y a des catastrophes. Mais alors, il est trop tard, d’autant que la souffrance dure longtemps avant que les drames ne se produisent. Des rapports comme celui de l’AED sont utiles, car ils peuvent lancer l’alerte avant que les problèmes ne soient trop importants.

Comment vit-on sa foi dans un tel contexte ?

Les Burkinabés sont profondément croyants, toutes religions confondues. Les chrétiens sont très attachés à leur foi : leur ferveur et leur fidélité sont remarquables, surtout en ces temps du terrorisme ! Ils sont très actifs et organisent beaucoup de prières, de jours de pénitence, de jeûne et de collectes au bénéfice des personnes déplacées.

Quel est le rôle de l’évêque ?

Le rôle de l’évêque est à la fois spirituel et social. Il doit organiser la communauté de foi, la guider, enseigner la doctrine, proclamer l’Évangile et célébrer les sacrements. Il doit également assurer un rôle social, en organisant la communauté pour qu’elle puisse se prendre en charge matériellement, éduquer ses enfants et participer au développement du pays.

Qu’est-ce que les catholiques de France peuvent apprendre des catholiques du Burkina Faso ?

L’enseignement, valable pour les Français mais aussi pour les Africains, réside dans la valeur de la fidélité à la foi, au prix de sa vie. Combien sommes-nous à être prêts à mourir pour notre foi ? Ces victimes nous montrent qu’au XXIe siècle, on peut sacrifier sa vie pour sa foi, par fidélité. Enfin, cela nous rappelle que nous devons assumer notre foi et de ne pas avoir honte ou peur de nous présenter comme catholiques. Aujourd’hui, beaucoup de gens se disent sincèrement catholiques. Mais très peu acceptent d’assumer leur foi et de la montrer dans leurs comportements et dans leurs paroles.