Que l’État ait un sérieux problème avec l’existence d’un islamisme qui menace la paix publique et provoque la dissidence communautariste, qui pourrait le contester ? Le président de la République avait prononcé, en octobre dernier, un discours aux Mureaux, qui avait suscité un accord assez général, au moins sur les principes et les grandes lignes d’un programme pour lutter contre ce fléau. Malheureusement, la traduction pratique de ce discours a abouti à un projet de loi qui suscite les plus graves réserves des responsables religieux, catholiques, protestants et juifs, tous très attachés à l’équilibre qui s’était établi autour de la loi de 1905. Le souci de ne pas donner aux musulmans le sentiment d’être ostracisés s’ajoutant à une difficulté d’ordre juridique a considérablement infléchi l’intention du législateur.
La volonté de contrer l’extrémisme islamiste a abouti, de fait, à une révision de la loi de 1905, qui revient à mettre sous surveillance l’ensemble des religions auxquelles seraient imposées des contraintes administratives inutiles et dangereuses. Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Conférence épiscopale, réputé pour sa modération, ne craint pas d’affirmer qu’avec ce projet de loi, la législation risque « d’être transformée en une loi de contrôle, de police et de répression ».
Le principe de séparation avait au moins cet avantage de garantir l’autonomie des confessions religieuses, l’État n’ayant pas à se mêler de leur fonctionnement intérieur et négociant avec elles les modalités de leurs nécessaires relations avec la puissance publique.
Mais un tel régime se trouve affecté, dès lors qu’il s’agit d’intégrer une religion qui ne dispose pas des mêmes structures de direction et de discipline. Il faut bien constater, de ce point de vue, une évidente asymétrie qui empêche de traiter avec les musulmans de la même façon qu’avec les autres. D’autant que s’ajoute une question de surveillance policière jusque dans les lieux de culte où se dispensent des discours de haine.
Dans ces conditions, la solution du gouvernement de mieux encadrer les cultes, comme si tous étaient susceptibles des mêmes dangers, s’avère périlleuse, car il constitue une mise sous tutelle insupportable. Même le cardinal Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, s’est déclaré inquiet de ce dispositif qui met en cause le modus videndi entre la République française et l’Église catholique.
Équilibre rompu
Comment ne pas s’interroger, dans la même ligne, sur la tonalité anti-religieuse de certains propos de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Cultes, en charge de cette réforme ? Opposer la loi de la République à la loi de Dieu, même lorsque celle-ci est brandie par les islamistes, c’est user d’un langage ou bien inapproprié, ou bien marqué par un laïcisme qui rompt avec la prudence inhérente à une saine laïcité. C’est bien, en effet, tout un équilibre délicat qui se trouve rompu et cela ne manquera pas de provoquer incompréhensions et conflits dans un pays qui n’a vraiment pas besoin de cela à l’heure actuelle !
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- Pie XII a-t-il abandonné les juifs lors de la dernière guerre ?
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.