Le pape François s’est envolé pour l’Irlande à 8h30 le 25 août, à bord d’un Airbus A320 de la compagnie Alitalia. Au moment de quitter le territoire italien, il a donné le ton en faisant parvenir un télégramme au président de la République italienne Sergio Mattarella, encourageant à « protéger la valeur du mariage et de la famille ». Durant le vol, le pape a salué les 71 journalistes présents à bord, auxquels il a confié : « J’aime être avec les familles ! Je suis content de ce voyage. » Il a aussi rappelé qu’il s’était déjà rendu sur l’Ile d’Emeraude en 1980 pour pratiquer son anglais. Après quelque 3h de vol, l’avion du pape a atterri à Dublin aux alentours de 10h30 heure locale, accueilli à son arrivée sur le tapis rouge par le vice-premier ministre Simon Coveney et par une gerbe de fleurs offertes par des fillettes.
Le pape appelle l’Irlande à ne pas oublier l’Evangile
Le pape a ensuite été reçu par le président de la République d’Irlande Michael Higgins : il a rejoint en voiture le palais présidentiel Áras an Uachtaráin, dans le Phoenix Park, au nord de Dublin. Devant la résidence au milieu d’espaces verts, il a été salué par les honneurs militaires puis s’est entretenu une demi-heure en privé avec le chef d’Etat âgé de 76 ans. La visite s’est conclue dans le jardin : le pape a planté un arbre et a rencontré une famille de réfugiés.
Il a ensuite repris la voiture pour se rendre au Château de Dublin, où il avait rendez-vous avec les autorités du pays. « Je prie afin que l’Irlande, tandis qu’elle écoute la polyphonie du débat politico-social contemporain, n’oublie pas les vibrantes mélodies du message chrétien, qui l’ont soutenue dans le passé et peuvent continuer à le faire dans l’avenir », a-t-il déclaré devant quelque 250 personnes dans le St Patrick Hall, où il a prononcé son premier discours du voyage. Le pape a souligné le « rôle unique exercé par la famille dans l’éducation de ses membres et dans le développement d’un tissu social sain et florissant ». « La famille est le ciment de la société ; son bien ne peut pas être tenu pour acquis, mais doit être promu et protégé par tous les moyens appropriés », a-t-il insisté. Le pape a également plaidé pour les plus vulnérables, notamment « les enfants non nés, privés du droit même à la vie » et les migrants.
Le mariage est un risque qui en vaut la peine
Après une halte à la nonciature, où il logeait durant ce voyage, le pape a rencontré des jeunes couples à la pro-cathédrale St Mary de Dublin. « Faites des promesses fortes, pour toute la vie… le mariage est aussi un risque, mais c’est un risque qui vaut la peine », les a-t-il encouragés : « Rêvez en grand !… N’arrêtez jamais de rêver !… L’amour est le rêve de Dieu pour nous et pour toute la famille humaine. » Dans une société quelque peu « égoïste », il a recommandé aux familles : « Notre monde a besoin d’une révolution de l’amour !… Que cette révolution commence chez vous et dans vos familles ! »
En fin d’après-midi, le pape François a fait un bain de foule en papamobile, pour visiter un centre d’accueil de familles sans-abri, tenu par les frères capucins. Il y a exhorté les prêtres à ne pas « poser trop de questions » en confession. Et il a lancé cet appel en conclusion : « Priez pour l’Eglise, priez pour les prêtres, priez pour les évêques… priez pour moi… priez pour les prêtres, n’oubliez pas. »
Pour conclure la journée, le pape a présidé la veillée au Croke Park Stadium en présence de dizaines de milliers de représentants des familles du monde. Arrivé vers 19h15, il a d’abord sillonné le stade au milieu des participants enthousiastes. Puis la veillée a commencé par des spectacles de chants, de danses, de différentes cultures, de chant choral ou soliste, avec notamment le ténor italien Andrea Bocelli. Ils étaient entrecoupés de témoignages de familles, d’Inde, du Burkina Faso, d’Irak, du Canada, des Gens du voyage d’Irlande et de Dublin. Dans son discours, le pape a affirmé que « l’amour du Christ qui renouvelle toute chose est ce qui rend possible le mariage et un amour conjugal caractérisé par la fidélité, l’indissolubilité, l’unité et l’ouverture à la vie ». « C’est ce que j’ai voulu faire ressortir dans le quatrième chapitre d’Amoris laetitia », a rappelé le pape qui a remis aux familles un exemplaire de l’exhortation apostolique. Il a recommandé le baptême des petits enfants, de leur enseigner à bien faire leur signe de croix – leur premier Credo -, mais aussi la solidarité entre les générations, le bon usage des réseaux sociaux, et la prière en famille. Surtout il a exhorté à « l’habitude du pardon » et a souligné la mission de paix des familles : « Dans chaque société, les familles engendrent la paix, parce qu’elles enseignent l’amour, l’accueil et le pardon, les meilleurs antidotes contre la haine, le préjugé et la vengeance qui empoisonnent la vie des personnes et des communautés. »
Eliminer ce fléau, quel que soit le prix
Outre la mise à l’honneur de la famille, chaque étape de ce voyage a été marquée par la réalité douloureuse des abus sexuels perpétrés par des membres de l’Eglise. Ainsi dès son arrivée, devant les autorités du pays, le pape a redit sa détermination à éliminer ce fléau, « quel que soit le prix, moral, et de souffrance », a-t-il martelé : « Je ne peux que reconnaître le grave scandale causé en Irlande par les abus sur les mineurs de la part des membres de l’Église chargés de les protéger et de les éduquer… L’échec des autorités ecclésiastiques – évêques, supérieurs religieux, prêtres et autres – pour affronter de manière adéquate ces crimes ignobles a justement suscité l’indignation et reste une cause de souffrance et de honte pour la communauté catholique. »
Dans l’après-midi, le pape s’est rendu dans la pro-cathédrale St Mary où brûle, depuis 2011, un cierge en mémoire des personnes victimes d’abus sexuels au sein de l’Eglise. Il s’y est recueilli en silence dans la chapelle où il a déposé un bouquet de fleurs. Le même jour, il a aussi rencontré huit victimes irlandaises d’abus « du clergé, de religieux et d’institutions », pendant une heure et demie. Parmi les personnes présentes, la collaboratrice de la Commission pontificale pour la protection des mineurs qui en a claqué la porte l’an dernier, Marie Collins – elle-même victime –, le Rév. Patrick McCafferty, le Rév. Joe McDonald, le conseiller Damian O’Farrell, Paul Jude Redmond, Clodagh Malone, et Bernadette Fahy.
Le lendemain, 26 août, depuis le sanctuaire de Knock, à quelque 200 km à l’ouest de Dublin, le pape a prié pour la guérison des victimes : « Je demande à notre Bienheureuse Mère d’intercéder pour la guérison de toutes les personnes qui ont subi des abus de n’importe quel type et de confirmer chaque membre de la famille chrétienne dans la ferme intention de ne plus jamais permettre que ces situations arrivent », a-t-il dit à l’angélus. « Cette plaie ouverte nous défie d’être fermes et décidés dans la recherche de la vérité et de la justice », a déclaré le pape, qui a demandé pardon : « J’implore le pardon du Seigneur pour ces péchés, pour le scandale et la trahison ressentis par tant de personnes dans la famille de Dieu. » Ajoutant quelques paroles d’abondance de cœur, il a encouragé chacun à « agir toujours avec justice, et réparer, de la façon qui dépend de nous, tant de violence ».
A la messe finale de la Rencontre mondiale des familles, au Phoenix Park de Dublin, au moment du Kyrie, le pape a fait une démarche de repentance : « Nous demandons pardon pour les abus commis en Irlande, pour les abus de pouvoir et de conscience, pour les abus sexuels perpétrés par des membres qualifiés de l’Eglise. De façon spéciale, nous demandons pardon pour les abus commis dans différents types d’institutions dirigées par des religieux et religieuses et d’autres membres de l’Eglise… Nous demandons pardon pour les fois où, comme Eglise, nous n’avons pas regardé les victimes de divers types d’abus en cherchant la justice et la vérité, et avec des actions concrètes… Nous demandons pardon pour certains membres de la hiérarchie qui ne se sont pas chargés de ces situations douloureuses et qui ont gardé le silence. »
La famille, ‘l’amour dans le cœur de l’Église’
C’est sur une note d’espérance cependant, que le pape a envoyé les familles en mission, dans son homélie de la messe : « Nous voulons nous engager à vivre pleinement notre vocation pour être, selon les paroles touchantes de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, ‘l’amour dans le cœur de l’Église’… Comme un des fruits de cette célébration de la vie familiale, puissiez-vous revenir chez vous et devenir une source d’encouragement pour les autres, pour partager avec eux ‘les paroles de la vie éternelle’ de Jésus. Vos familles en effet sont à la fois un lieu privilégié et un moyen important pour transmettre ces paroles. »
De même, lors de la rencontre avec les évêques du pays, dernière étape de son voyage au couvent des sœurs dominicaines de Dublin, le pape a recommandé : « Ne vous découragez pas ! » Il a dit entrevoir des « temps nouveaux », en particulier grâce au « fort sens missionnaire enraciné dans l’âme » des Irlandais. Et de rendre hommage à la volonté de lutte contre les abus : « En Irlande, comme ailleurs, l’honnêteté et l’intégrité avec lesquelles l’Eglise a décidé d’affronter ce chapitre douloureux de son histoire peut offrir un exemple et un appel à la société toute entière. »
La destination de la prochaine Rencontre mondiale des familles, a été annoncée à la fin de la messe finale : ce sera Rome, en 2021.
https://fr.zenit.org/articles/dublin-2018-la-responsabilite-des-eveques-detre-des-peres-texte-complet/