Une proposition de loi visant à interdire ce qu’on appelle l’écriture inclusive dans les textes administratifs va donc être déposée à l’Assemblée nationale. Espérons que nos parlementaires seront à la hauteur d’un sujet qui n’est pas médiocre, car il touche au centre même de notre civilisation. La sauvegarde de notre langue, c’est beaucoup plus qu’une querelle d’école qui opposerait puristes et progressistes, anciens et modernes. C’est la médiation nécessaire pour que s’épanouisse une certaine qualité d’être et de partage entre hommes et femmes. J’irais même plus loin en parlant de qualité de cœur, car il est des élégances qui déterminent un art de vivre. Qualités d’être et de cœur qui ne sont pas seulement blessées par ladite écriture inclusive, mais aussi par toutes les formes de jargon que l’on nous offre trop souvent sous prétexte de science ou de précision conceptuelle.
Certes, la langue est forcément appelée à une certaine technicité pour répondre aux exigences des savoirs spécialisés. Mais en philosophie par exemple, la tradition d’un Malebranche et d’un Bergson, et même d’un Rousseau, montre à l’évidence que l’élégance peut se marier avec l’œuvre de la pensée. Plus généralement, notre langue est un trésor, vivant certes, qu’il faut sauvegarder comme la prunelle de nos yeux. Marc Fumaroli, un de ses merveilleux défenseurs, écrivait à ce propos : « Le français n’est pas une lingua franca dont on se barbouille sur le tas pour communiquer. Ses normes sont même inséparables d’une jurisprudence qui les nuance et qui les interprète : un fonds de textes littéraires et de mémoire historique partagés. »
Cette jurisprudence, loin d’être un carcan, est ce qui éveille le mieux le jugement, l’imagination et la mémoire. Chers députés, mardi prochain, soyez à la hauteur de l’enjeu !
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 février 2021.
Pour aller plus loin :
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