En plein séisme mondial provoqué par le scandale Weinstein à Hollywood, est-il opportun de transposer la question féministe à l’intérieur de l’Église ? Pourquoi pas ? Même si l’on pense que le climat de surchauffe actuel n’est pas forcément propice à une réflexion sereine, à bonne distance des durcissements idéologiques. Isabelle de Gaulmyn a eu le mérite de présenter le sujet et même de le propulser dans une intervention à La Croix, à partir d’un titre provocateur : « Et si l’on changeait le Notre Père en Notre Mère ? » Elle prend soin, d’ailleurs, de prendre ses distances avec une telle formule qui ne la satisfait pas : « Reste que la question de ce qu’une culture, et ici une religion peut, à travers son langage, véhiculer comme présupposés sexistes, me semble pertinente. L’Église qui affirme être dans le monde, ne pourra pas s’exonérer de ces débats qui traversent notre société sur l’inégalité homme-femme. » Il y a un siècle, une telle interpellation aurait paru curieuse, parce que, précisément, l’Église était considérée généralement comme une affaire de femmes, ce qui explique que la République laïque refusait obstinément le suffrage féminin, par crainte d’une submersion catholique de ses institutions. Il est vrai aussi qu’à l’époque la prédominance des congrégations religieuses féminines, omniprésentes dans le tissu social, conférait à l’institution ecclésiale son visage largement féminin. Se souvient-on même qu’une grande partie des enfants étaient élèves des écoles maternelles tenues par les religieuses, ce qui ne les disposait pas particulièrement à une conception « machiste » de la vie ?
Bien sûr : autres temps, autres mœurs. Nous ne vivons plus dans le même monde. Les conditions sociales ont radicalement changé, les problèmes se posent tout à fait autrement et dépendent largement des débats que l’on appelle sociétaux. Est-ce à dire que « les études de genre » seraient susceptibles de nous éclairer sur une promotion des femmes dans l’Église, comme le veut Isabelle de Gaulmyn, qui y voit le moyen de mieux discerner les causes d’une perpétuation d’un système patriarcal ? On pourrait adhérer à une telle proposition, si les disciplines en cause n’avaient été colonisées dès l’origine par des courants idéologiques très typés. Cela n’empêche pas, bien sûr, tout un travail de discernement, qui pourrait heureusement contribuer, par exemple, à ce féminisme intégral proposé par le dernier numéro de Limite, la revue écologiste d’inspiration chrétienne. Un féminisme qui n’ignore pas la différence de la femme justement, puisque le paradoxe présent veut que l’on préconise l’émancipation féminine à l’heure même où l’on nous explique que la féminité est pure construction arbitraire. Un autre imaginaire est-il possible, qui mette en évidence ce qu’il y a de créatif et non d’aliénant dans la grâce d’être femme ?