La mise à mort de Vincent Lambert pose des questions d’ordre civilisationnel par-delà une tragédie personnelle et familiale. On a pu, à juste titre, regretter que le cas singulier d’un homme soit, en quelque sorte, jeté en pâture à l’opinion publique. Mais il est malhonnête d’en faire porter la responsabilité au père et à la mère dont la résistance au verdict de mort ne trouvait sa raison que dans l’attachement à un fils bien-aimé. Michel Houellebecq, dans une remarquable tribune publiée dans Le Monde, a souligné le fait que « Vincent Lambert est mort d’une médiatisation excessive, d’être malgré lui devenu un symbole ». Mme Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, qui porte la responsabilité d’avoir permis de franchir le dernier obstacle à la mise à mort, n’a-t-elle pas voulu, comme beaucoup de leaders d’opinion « faire un exemple » afin de « faire évoluer les mentalités », « ouvrir une brèche » à la légalisation de l’euthanasie » ?
Une dignité inaltérable
Telle était bien l’orientation de la campagne qui se poursuit d’ailleurs au-delà de l’événement. Le lobby qui prétend défendre « le droit de mourir dans la dignité » exige qu’on tire les conclusions de l’affaire Vincent Lambert et qu’on légalise enfin, comme chez nos voisins belges et néerlandais, le suicide assisté. L’argument principal tient dans cette notion de dignité. Vincent Lambert aurait donc perdu sa dignité humaine, du fait de son état physique et mental. Seule l’extinction de son souffle vital était en mesure de lui rendre une condition respectable. Mais là encore, Michel Houellebecq explique de façon cinglante que « la dignité (le respect que l’on vous doit), si elle peut être altérée par divers actes moralement répréhensibles, ne peut en aucun cas l’être par une dégradation, aussi catastrophique soit-elle, de son état de santé ».
La responsabilité des croyants
Nous cernons ainsi l’extrême gravité de l’exemple qui nous a été donné, avec l’aval de la puissance de l’État, des plus hautes instances du droit et de la médecine, qui s’arrogent désormais la responsabilité de transgresser les plus vieux principes de l’humanité. Transgresser le principe « tu ne tueras pas » en même temps que celui du respect inconditionnel de la personne en dépit de ses faiblesses et de ses handicaps, c’est donner crédit aux grands prophètes qui annonçaient que la technicisation nihiliste de la modernité signifiait « l’obsolescence de l’homme ». Dans un tel climat, on ressent le poids de responsabilité qui repose sur les épaules de ceux dont la foi dans le Dieu ami des hommes conduit à professer, à l’encontre du courant mortifère qui nous emporte, cette dignité pour laquelle l’humain doit être respecté de la conception jusqu’à la mort naturelle.