La valse à trois temps - Ou la manipulation des élections présidentielles de 2017 - France Catholique
Edit Template
Funérailles catholiques : un temps de conversion
Edit Template

La valse à trois temps – Ou la manipulation des élections présidentielles de 2017

Copier le lien

Le général de Gaulle a voulu l’élection du président de la République au suffrage universel pour lui donner plus de légitimité mais aussi pour empêcher les manipulations comme c’était le cas sous la IV république. De Gaulle estimait qu’il était plus difficile de manipuler des millions d’électeurs que quelques centaines de députés et sénateurs. Les réseaux et groupes de pression ont réussi à reprendre la main et à manipuler ces millions d’électeurs depuis le début des années 70.

Ces manipulations ont commencé avant le départ du général de Gaulle avec l’affaire Markovic en octobre 1968. L’objectif était de déstabiliser le probable successeur du général de Gaulle, Georges Pompidou. La manipulation a échoué. Lors des élections de 1974, on a assisté à l’élimination de Jacques Chaban Delmas grâce à la publication de sa déclaration d’impôts. En 1981 les manipulations ont été multiples. Elles commencent dès 1979 avec la publication par le Canard Enchaîné le 10 octobre d’un article révélant l’affaire des diamants de Bokassa dans le but discréditer le président Valéry Giscard d’Estaing. C’est un argument qui a été largement utilisé pendant la campagne de 1981. Mais les manipulations ont été multiples. En effet au second tour de 1981, le Parti communiste français a fait voter sur ordre de Moscou pour le candidat de droite, Valéry Giscard d’Estaing tandis qu’à droite, le chef du parti gaulliste, Jacques Chirac a appelé en sous-main à voter pour le candidat de gauche, François Mitterrand. En 1988, l’homme à abattre était Raymond Barre et de multiples rumeurs ont circulé, notamment sur sa femme, d’origine hongroise, qui était un agent du KGB. En 1995, c’était Edouard Balladur qu’il fallait éliminer. Des réseaux ont fait voter des électeurs de gauche pour J. Chirac au premier tour afin d’éliminer Balladur qui est arrivé en troisième position, derrière Chirac.

La manipulation la plus réussie a été celle des élections présidentielles de 2002, où l’homme à éliminer était cette fois Lionel Jospin du parti socialiste. Deux candidatures ont été notamment suscitées et organisées (en fournissant des hommes et un financement) à savoir celle de Jean-Pierre Chevènement (qui a obtenu 5,32 % des suffrages exprimés) et celle de Christiane Taubira (2,31 des SE) qui sera remerciée sous la présidence Hollande. L’objectif de ces deux candidatures était de capter une partie des voix de l’électorat de gauche. Résultat : Lionel Jospin n’a obtenu que 16,17 % des SE. Les deux candidatures lui ont coûté 7,63 % des SE. Ces suffrages manquants, pouvaient facilement l’aider à dépasser J. Chirac qui a obtenu 19,88 % des SE. Le piège a donc bien fonctionné, Jospin n’arrive que troisième derrière J. Chirac, avec un retard de 3,6 % des SE. Il est donc éliminé pour le second tour. Chirac qui se retrouve face à J-M Le Pen, n’a pas besoin de faire campagne. Il refuse tout débat à la télévision et avec l’organisation d’une vaste campagne antifasciste notamment au sein de la jeunesse, il est élu dans un fauteuil avec 82 % des suffrages.

La question que l’on doit se poser est : « Qui voulait l’élimination de Jospin ? ». Un réseau a organisé une déstabilisation du candidat socialiste pour faire réélire Jacques Chirac. L’autre question est pourquoi et au profit de quels intérêts ?

Nous venons d’assister en janvier 2017, juste avant la campagne officielle des élections présidentielles, à une vaste entreprise de manipulation qui se décompose en trois opérations distinctes que l’on peut appeler la  « Valse à trois temps ».


1- Premier temps : éliminer François Fillon le plus dangereux.

On s’aperçoit que le candidat à abattre est François Fillon, le candidat désigné par les primaires de droite le 27 novembre 2016 et qui avait jusqu’à présent une forte probabilité de gagner.

Une première manipulation a eu lieu dès le premier tour des primaires. Elle a consisté à faire participer des électeurs de gauche pour voter en faveur d’Alain Juppé et ainsi éliminer Sarkozy au premier tour (Fillon n’avait aucune chance de gagner selon les sondages). Ils sont revenus au second tour pour éliminer cette fois F. Fillon mais la manœuvre a échoué. Cette opération avait été préparée par une longue campagne médiatique en faveur de Juppé donné favori dans tous les sondages, et ce bien avant le premier tour des primaires.

Une seconde manipulation devient alors nécessaire. L’objectif est de délégitimer Fillon auprès de ses électeurs potentiels afin qu’ils renoncent à voter pour lui en semant le doute. Il fallait le toucher dans son intégrité. Les informations révélées par le Canard enchaîné du 25 janvier 2017 montrent que l’opération a nécessité l’accès à des informations provenant des services de l’État notamment celles concernant les salaires payés par le directeur de la Revue des Deux mondes, Marc de Lacharrière à l’épouse de F. Fillon.

Une piste commence à se dessiner, ce serait des membres du sérail de l’ancien ministre Macron, proches de l’Élisez, qui seraient à la manœuvre mais tout cela est difficilement prouvable. Un d’entre eux aurait rencontré le mardi 9 janvier 2017 Michel Gaillard, directeur du Canard Enchaîné, et ami de François Hollande pour lui remettre les informations en sa possession.

En tout cas, la justice s’est saisie en un temps record de l’affaire. La procureure du Parquet national financier, Madame Houlette1 annonce l’ouverture d’une enquête le jour même (le 25 janvier) de la parution du Canard Enchainé pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel ». Les investigations ont été confiées à l’Office central de lutte contre les infractions financières.

Cette campagne de déstabilisation est particulièrement efficace et F. Fillon a deux solutions : soit il démissionne mais dans ce cas le parti des Républicains va devoir choisir un nouveau candidat (le fameux plan « B ») mais cette opération est risquée car les rivalités sont telles que le parti peut éclater. Fillon était en effet le seul à assurer l’unité. La solution alternative est de continuer le combat contre vents et marées mais il prend le risque de perdre des élections qui étaient jusqu’à présent « imperdables ». La droite est prise dans un piège et il n’existe aucune bonne solution.

Si Fillon dévisse dans les intentions de vote et tombe en dessous de 20 %, la poursuite de la campagne de révélations et de dénigrement suffira pour le disqualifier définitivement. Son discours devient inaudible dans les médias qui ne parlent que des « affaires » et non de son programme. Au cas où F. Fillon persisterait à vouloir rester candidat, et remonterait dans les sondages, le réseau à l’origine de ces manipulations n’aurait plus qu’à appliquer ce qu’il avait fait en 2002, à savoir promouvoir des candidatures concurrentes, capables de lui siphonner suffisamment de voix pour qu’il ne soit pas présent au second tour, comme cela avait été le cas pour Lionel Jospin. Dans cette configuration, il n’est pas évident que la candidature de F. Bayrou soit souhaitable car il prendrait plus de voix à Macron qu’à Fillon. Des sondages ont certainement été commandés pour déterminer le(s) meilleur(s) candidat(s) capable(s) de déstabiliser Fillon Les vocations ne manqueront pas.

C’est le cas par exemple de Michèle Alliot-Marie qui se prépare depuis longtemps mais aussi de bien d’autres. F. Fillon a déjà baissé dans les sondages et il suffira de lui faire perdre deux ou trois points pour l’éliminer.

2- Deuxième temps : éliminer Manuel Valls à gauche

Une troisième opération vise la gauche. Elle a consisté à éliminer l’ancien premier ministre Manuel Valls lors des primaires de la gauche au profit de Benoît Hamon, un apparatchik socialiste marqué idéologiquement très à gauche et faisant rêver les militants avec le salaire universel.

Il est étonnant d’entendre le soir du premier tour des primaires de gauche, la Haute autorité annoncer les résultats à 20H30 en pourcentages qui ne bougeront pas malgré le dépouillement de centaines de milliers de bulletin. Certains experts expliquent cet étrange phénomène par la forte culture de fraude du parti socialiste. Et de citer comme exemple l’élection à la tête du parti socialiste de Martine Aubry contre Ségolène Royal après un trucage des résultats. Ces méthodes dignes des pratiques de l’Union soviétique consistant à fixer les résultats la veille du scrutin, ne sont dénoncées par aucun leader socialiste. Comment se fait-il que M. Valls n’ait pas contesté les résultats ? Il semble avoir joué un rôle de figurant dans un scénario écrit à l’avance.
Faire élire Hamon, marqué idéologiquement très à gauche, n’est pas neutre. Il est évident qu’il ne risquera pas de prendre voix à Macron, ce qui aurait été différent si Manuel Valls avait été désigné. Il aurait en effet chassé sur les mêmes terres et lui aurait pris une partie de ses électeurs. Il est d’ailleurs fort probable que l’on assiste au ralliement d’une partie des socialistes du clan Valls à la candidature de Macron.

Quant à Benoist Hamon, il est conscient qu’il n’a aucune chance aux élections présidentielles mais il vise la conquête du parti socialiste et à sa recomposition. On sait depuis longtemps que les congrès socialistes se gagnent à gauche, c’est ce qui s’est passé aux primaires, qui ont été en réalité le substitut à un congrès socialiste en vue de sa reconstitution.

On comprend que toutes ces manipulations à droite et à gauche ont pour seul objectif de dégager la voie à la candidature Macron. D’un côté on cherche à affaiblir, voir éliminer le candidat Fillon par une campagne médiatique en montant des affaires. De l’autre côté, à gauche, on dégage l’espace politique pour Macron en éliminant M. Valls au profit de B.Hamon.

3- Troisième temps : Faire élire Emmanuel Macron

L’objectif est bien de faire élire Macron. Ce dernier est lancé comme un produit marketing depuis plusieurs mois en insistant sur son aspect « moderniste », « jeune », « branché », le candidat « Geek » qui comprend l’évolution du monde et de la technique.

Quels sont les ralliements à Macron ? Une rapide analyse des divers ralliements à sa candidature nous donne une idée des forces qui se positionnent derrière le candidat. On trouve la vieille garde des imposteurs politiquement corrects : L.Joffrin, Pierre Bergé, BHL, J.Attali, A.Minc, B.Kouchner, D.Cohn-Bendit. Ils vont recevoir le renfort de socialistes de droite mais aussi des centristes et même des Républicains comme l’ancien directeur de campagne de Bruno Lemaire, Jérôme Grand d’Esnon ou l’ancienne ministre Anne-Marie Idrac.

E. Macron présente l’avantage de réaliser la synthèse entre le libéralisme économique et le libéralisme culturel.

Dans le domaine économique, il est pour la dérégulation, la fin du salariat, l’ubérisation de la société, la suppression des nations et des frontières et pour une immigration massive bienfait pour l’économie, etc.

Dans le domaine culturel, c’est un libertaire dont le fondement idéologique est la doctrine relativiste. Il est pour une société multiculturelle, le libéralisme des mœurs, la fin de la famille traditionnelle, le droit des minorités etc.. Le profil des personnalités qui se rallient à Macron illustre bien l’idéologie véhiculée par le candidat qui pour amalgamer des voix de gauche comme de droite se doit de rester dans le flou.

Les conséquences politiques

Les primaires ont été la première victime de cette manipulation. Les médias nous avaient vantés l’intérêt des primaires comme étant une grande avancée de la démocratie pour la désignation des candidats. Alors pourquoi ont-elles été « court-circuitées » ? Ce sont en effet les candidats hors primaires qui survivent : à savoir Mélenchon, Macron et Le Pen. Tous ceux qui ont participé ont été éliminés (Sarkozy, Juppé, et peut être même celui qui a été élu, F. Fillon. Le phénomène est identique à gauche avec Valls et Hamon). Les primaires apparaissent aux yeux des citoyens comme un subtil jeu de bonneteau pour voler leurs voix et un « piège à cons » pour les politiques qui se sont prêtés au jeu.

La seconde victime est la classe politique qui est une fois de plus déconsidérée par le déballage des affaires. Ceux qui ont commencé à jouer à lancer des « boules puantes » comme disait le général de Gaulle, ont ouvert la boîte de Pandore des « révélations » sur les candidats, situation qui peut devenir très vite incontrôlable. Les médias ne devront pas alors se plaindre du « populisme » qui monte dans la société française.

Les troisièmes victimes sont les grands partis de gouvernement qui structurent la vie politique française, à savoir le parti socialiste et le parti des Républicains qui ne résisteront pas à l’onde de choc des primaires et à l’échec de leurs candidats aux prochaines présidentielles.

Qui manipule et pour quels intérêts ?

François Fillon nous donne une piste. Il déclare le 1er février à son équipe qu’il s’agit d’un « coup d’État institutionnel » contre sa candidature à la présidentielle, et provient « de la gauche », sans plus de précision
Un réseau effectivement sévissait à gauche lors de la manipulation de 2002. Mis en place sous les présidences de F. Mitterrand, il a prospéré sous J. Chirac. C’est la raison pour laquelle il l’a fait réélire à tout prix au détriment du candidat du parti socialiste. Pourquoi ce réseau a-t-il préféré un radical-socialiste à un socialiste ?

En 2017, il semble que ce réseau ait rallié d’autres forces convergentes pour faire élire Macron. Il est certain que ce dernier comme J. Chirac en son temps sera redevable à ces réseaux de son élection. Quel deal a-t-il passé avec eux ? La question centrale est donc de savoir ce que cherchent à obtenir ces réseaux en faisant élire leur candidat (Chirac en 2002 et Macron en 2017) au point d’organiser des manipulations sophistiquées.

Il y a des enjeux financiers auxquels se sont agrégés des enjeux idéologiques en 2017. Si l’on prend l’exemple de 2002, J. Chirac une fois élu, a laissé les coudés franches à ce réseau dans les domaines économique et financier. Il semble évident qu’avec Macron qui prévoit de « libéraliser » (en réalité « casser ») de nombreux secteurs de l’économie française, ce réseau prédateur pourra se partager des pans entiers de l’économie française.

A cela s’ajoutent les enjeux idéologiques. Il est important pour eux de défendre la doctrine relativiste au sein de la société française qui est remise en question actuellement dans le monde occidental. Il s’agit de défendre notamment la poursuite de la législation en faveur des minorités en lien avec des groupes de pression internationaux. Il est évident que le conservateur catholique Fillon était l’antithèse de leur modèle de société et qu’il fallait l’éliminer à tout prix pour ces deux raisons. C‘est donc non seulement un modèle économique mais aussi un modèle de société qui se cachent derrière cette manipulation.

4 Février 2017


Patrice Buffotot est chercheur en science politique (Université de Paris 1), directeur de l’Observatoire européen de sécurité et de la revue électronique Défense & Stratégie. Auteur de 4 éditions (1995,1998, 2001 et 2005) de La défense en Europe à la Documentation française.

http://www.afri-ct.org/author/buffotot-patrice/