Reliquiæ signifie « restes » et relinquere, « laisser derrière soi ». L’homme, habité par un sens religieux naturel, a toujours chéri les vestiges des êtres passés qui ont pu marquer son existence. La relique est ainsi liée au culte et au respect des morts. Ce qui explique que tant d’épopées passionnantes pourraient être rédigées autour des reliques. Saint Basile de Césarée écrivait déjà au IVe siècle : « Celui qui touche les os des martyrs participe à la sainteté et à la grâce qui y réside » (Sermon sur le psaume 115). De plus, s’agrégea aussitôt la croyance dans les pouvoirs thaumaturges des ossements des saints.
Cependant, la relique est aussi un objet, un vêtement, ayant appartenu à la personne vénérée. Aussi, différentes classes de reliques verront-elles le jour, dès que la liberté de culte fut accordée par Constantin en 312. La préservation du corps des martyrs et des saints des premiers siècles, souvent dans des catacombes ou des endroits cachés, fut remplacée par leur translation dans les sanctuaires.
« Invention »
À cette dévotion s’ajouta celle provenant de l’« invention » de reliques encore plus précieuses, « invention » au sens de « découverte » et non point de falsification. En 325, l’empereur, et sa mère Hélène, ordonnèrent la recherche des Lieux saints à Jérusalem et dans toute la Terre sainte, à commencer par le Tombeau du Christ et les objets se rattachant à la Passion, reliques désormais les plus insignes : la Couronne d’épines, le bois de la Croix, les clous, les linges, etc.
Très rapidement donc se mit en place, au sein de l’Église, un culte approprié des martyrs, des reliques de Notre Seigneur, de la Sainte Vierge, des apôtres. Chaque génération conserva soigneusement ce que les saints avaient « laissé derrière eux ». Le pape Damase (366-384) fut celui qui identifia, rassembla les corps des martyrs, aménageant les catacombes et les chambres funéraires, composant des poèmes en l’honneur des saints, et surtout en authentifiant, par son autorité, les lieux et les restes. Il fut en quelque sorte un « créateur » de saints, non point parce qu’il trompa et manipula, mais parce qu’il assit la pratique de la vénération des reliques pour tous les siècles à venir, jusqu’à aujourd’hui.
Géographie sacrée
Lorsque l’empire romain s’effondra peu à peu, l’émergence de nouveaux royaumes, à l’époque mérovingienne, donna un élan supplémentaire au culte des reliques, car chaque évêque reconnut de nouveaux saints. Ce fut la construction d’une « géographie sacrée », telle que la rapporte saint Grégoire de Tours en rédigeant ses sept livres consacrés aux miracles opérés par les reliques, De la Gloire des confesseurs : « Ô admirable mystère de la Divinité, qui manifeste au monde la pureté des membres ensevelis, en les faisant sortir de dessous le sol, en les préparant pour la résurrection, pour enseigner qu’ils ne doivent pas être donnés au ver et à la mort, mais qu’ils doivent être égalés en clarté à la lumière du soleil et glorifiés par la ressemblance avec le corps du Seigneur ! » Ainsi se fortifie la croyance que les corps des saints sont une image révélant la Gloire divine. Bien des tombeaux oubliés, perdus au cours des guerres et du chaos, sont alors redécouverts. Des sanctuaires sont érigés, comme lorsque le roi Dagobert, en 620, endormi dans les ruines d’une chapelle, bénéficia de l’apparition des martyrs Denis, Rustique et Éleuthère : il sera donc le premier roi inhumé à Saint-Denis en 639, car reposer auprès des corps saints ne peut qu’aider pour être purifié et entrer au paradis.
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