Le discours du Pape, au terme de la rencontre des présidents des conférences épiscopales, a provoqué bien des commentaires et surtout des réprimandes. Beaucoup d’éditorialistes se sont crû autorisés à faire la leçon au Pape, qui a désigné la présence de Satan dans les abus sexuels sur les enfants. Le Monde s’est particulièrement distingué dans l’exercice en expliquant, de la façon la plus péremptoire, que faire intervenir la présence diabolique dans le crime de pédophilie revenait à atténuer la responsabilité humaine. Beaucoup ont repris la même thématique, parfois de la façon la plus outrancière. Ainsi, l’auteur de la revue de presse d’Europe 1, David Abiker, n’hésite pas sur les mots : « Pourquoi recourir aux vieilles superstitions pour nommer ce qui s’est passé hier et avant-hier ? Pourquoi employer les mots du Moyen Âge pour montrer les fléaux d’aujourd’hui ? Ce n’est pas en montrant le diable aux victimes que l’Église en finira avec ses vieux démons. »
Pardon, mais ce type de langage rappelle des précédents, notamment lorsque l’empire soviétique s’engageait dans une lutte sans merci contre le christianisme et envoyait au goulag prêtres et évêques accusés de langage superstitieux et médiéval. Il fallut un Soljenitsyne pour démonter enfin cette charge totalitaire, destructrice de ce qu’il y a de plus profond et sacré dans l’âme humaine. Soljenitsyne c’était aussi le retour à Dostoïevski et à ses vues prophétiques sur les phénomènes de possession qu’implique la volonté d’éradiquer la dimension religieuse de l’homme.
D’évidence, nous ne sommes plus, heureusement, au temps du totalitarisme soviétique. Mais l’ignorance totale de nos commentateurs en ce qui concerne la théologie et plus précisément ce que saint Paul appelle « le mystère d’iniquité » renvoie à une culture nihiliste qui a de quoi nous alarmer. Loin de déresponsabiliser la conscience et la libérer du poids de la faute, le mystère d’iniquité nous renvoie à la nature véritable du mal, qui n’est pas seulement défaut de la volonté mais complicité intime avec ce qui détruit. Ce qui détruit l’autre dans son intégrité, ce qui nous détruit nous-mêmes. Il est vrai que tout le christianisme est en cause dans ce mystère, parce qu’il s’ordonne d’abord autour de la traversée du mal par le Christ qui, seul, nous fait comprendre la dimension du péché.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 4 mars 2019.
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