La piété populaire, de la superstition ? - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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La piété populaire, de la superstition ?

Sainement conçue et pratiquée, ancrée dans l’Évangile, la piété populaire, loin des caricatures, permet de naviguer entre deux écueils spirituels.
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Dans son dernier livre – La Fin d’un monde – Patrick Buisson explique fort bien qu’en méprisant la piété populaire, la grande révolution pastorale des années 1960 et 1970 a pour ainsi dire affadi le catholicisme. Elle l’a rendu sec, abstrait, froid. Il faut dire que cette révolution était portée par l’urbanisation galopante et la disparition presque totale du monde paysan. Imagine-t-on des pardons en ville ? Des rogations autour d’un rond-point ? Des processions le long du périphérique ? Des reposoirs entre deux échangeurs ? Où trouverait-on, au milieu du béton, les épis de blé, les guirlandes de fleurs, les pétales de roses à foison pour décorer les sanctuaires ?

À l’époque, certains se sont réjouis de cette disparition. D’autres s’en réjouissent encore, car elle était censée purifier la foi chrétienne de toutes les scories religieuses liées au paganisme : culte de la nature, des saisons, des bois, des sources, des moissons, des fleurs, du soleil, christianisés sous la forme de dévotions aux saints locaux, de prières pour les récoltes, d’ostensoirs de la Fête-Dieu et de feux de la Saint-Jean.

Un « excès du culte » ?

Avec les paysans – pagani en latin –, ce sont les derniers restes du culte païen du « sacré », qui disparaissent, laissant la place au culte judéo-chrétien de la « sainteté ». Dans le fond, on reprochait ni plus ni moins à la piété populaire de relever de la « superstition », c’est-à-dire, selon la définition de saint Thomas dans la Somme (II-II, 92), d’un « excès du culte, à la fois superflu et pernicieux », conduisant à l’idolâtrie, à la magie et à l’utilitarisme vulgaire.

On peut imaginer les grandes lignes d’un réquisitoire… Idolâtrie que ces dévotions liées à d’anciens sanctuaires préchrétiens ! Magie que le culte des reliques, le port des médailles miraculeuses, l’aspersion d’eau bénite ! Utilitarisme grossier que ces neuvaines à tout propos, ces prières à saint Antoine de Padoue pour retrouver les objets perdus, ces médailles de saint Christophe pour éviter les accidents de la route, ces prières à Notre-Dame de la Clarté pour obtenir du soleil à l’heure du pique-nique, pendant que d’autres prient pour qu’il pleuve sur leurs plates-bandes !

Pour la défense de la piété populaire, je répondrai que ce réquisitoire n’est pertinent – éventuellement – que pour des versions perverties de ces pratiques, mais non pour leur forme saine.

La christianisation de certaines fêtes païennes, par exemple, a gardé du paganisme ce qu’il contenait de bon – un profond sens de la beauté et de la bonté de la nature – mais l’a orienté vers l’adoration du Créateur et de sa générosité gratuite.

Car il y a en réalité deux périls, et non un seul : rabattre notre adoration sur la nature, prise comme une idole : c’est le naturalisme païen ; devenir aveugle à la beauté de la création, au profit d’un Dieu proprement désincarné : c’est le fanatisme des religions abstraites. La piété populaire, à condition de tout replacer dans le dynamisme de l’Évangile, évite précisément ces deux écueils.

Elle a moralisé les traditions antiques, sans éradiquer notre lien avec la nature. Chateaubriand, dans le Génie du christianisme en parle fort bien : « Il n’en est pas des fêtes chrétiennes comme des cérémonies du paganisme ; on n’y traîne pas en triomphe un bœuf-dieu, un bouc sacré ; on n’est pas obligé, sous peine d’être mis en pièces, d’adorer un chat ou un crocodile, ou de se rouler ivre dans les rues, en commettant toutes sortes d’abominations, pour Vénus, Flore ou Bacchus : dans nos solennités, tout est essentiellement moral » (IV, I, ch. 7).
Il en va de même des accusations de « mentalité magique » et d’« infantilisme utilitaire » : elles visent des dérives dont il ne faut pas sous-estimer le danger, mais n’atteignent pas la saine pratique des gestes et des rituels qui matérialisent la présence de Dieu dans la vie quotidienne.

Ce n’est pas de la magie !

Porter des médailles, recourir à l’eau bénite, s’entourer d’images pieuses, demander du beau temps, ce n’est pas prêter des pouvoirs magiques à des morceaux de métal, des vertus curatives à des molécules d’eau, ni penser que l’on va infléchir le Bon Dieu en faveur de notre promenade dominicale, au détriment des paysans qui attendent la pluie. C’est placer notre existence, jusque dans ses plus menues circonstances, sous le regard de Dieu, et mettre sa confiance dans la Providence – quoi qu’il arrive. On observera, en effet, que les prières non littéralement exaucées n’entraînent pas la relégation des médailles au fond des tiroirs. C’est donc qu’il s’agit d’autre chose que de magie.

Il s’agit d’oser confier ses désirs à l’Éternel, en se tenant toujours prêt, dans les grandes comme dans les petites choses, à dire : « Toutefois, non pas ma volonté, mais la tienne » (Lc 22, 42). Par ces gestes et rituels, nous rappelons à nous-mêmes, qui ne sommes pas des anges mais des animaux sensibles, que Dieu est le compagnon constamment présent de notre existence, conséquence radicale de son Incarnation en Jésus-Christ. Car l’essentiel est là : tout doit ramener à l’Incarnation, à la vie, à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ. Toute piété populaire qui se détacherait de ce centre, risquerait effectivement de sombrer dans des dérives condamnables ; mais quand elle y est rattachée, comme les rayons du soleil à leur centre, elle est une conséquence logique du fait que Dieu, comme dit Jean, « a planté sa tente parmi nous » (Jn 1, 14).