Comment comprenez-vous ce lien entre l’Eucharistie et le salut ?
Dom Marc Guillot : Le caractère indissociable du mystère de l’Eucharistie et du salut est à redécouvrir en tout temps. Sur ce point, le Catéchisme de l’Église catholique nous éclaire de façon magistrale : « Le Christ, ayant passé de ce monde au Père, nous donne dans l’Eucharistie le gage de la gloire auprès de lui : la participation au Saint-Sacrifice nous identifie avec son Cœur, soutient nos forces au long du pèlerinage de cette vie, nous fait souhaiter la Vie éternelle et nous unit déjà à l’Église du Ciel, à la Sainte Vierge Marie et à tous les saints » (CEC 1419).
Tous les pèlerins de Chartres devraient connaître par cœur ce numéro du Catéchisme ! Je leur souhaite de marcher animés de ces certitudes de foi. Surgira alors en eux la grande espérance qui ne peut venir que de Dieu.
Comment l’Eucharistie sauve-t-elle les âmes ?
Pour le comprendre, demandons-nous : quels sont les fruits de la messe ? Or, ces fruits sont identiques à ceux de la Croix de Jésus : grâces de salut pour tous les fidèles vivants et morts et même pour le monde entier. Saint Thomas d’Aquin écrit : « Parce qu’elle est le sacrement de la Passion du Seigneur, l’Eucharistie contient en elle le Christ qui a souffert. C’est pourquoi tout l’effet de la Passion du Seigneur est aussi l’effet de ce sacrement. Ce sacrement n’est rien d’autre que l’application qui nous est faite de la Passion du Seigneur. » Quant à la nécessité de ce sacrement, il y aurait des distinctions à faire ici. Je pense par exemple aux enfants baptisés morts prématurément : la réception de l’Eucharistie n’est pas nécessaire à leur salut. Mais retenons surtout que, parmi les fruits principaux de l’Eucharistie, il y a l’union intime avec Jésus, la conservation et l’augmentation de la vie surnaturelle en nous, un gage de notre perpétuelle félicité dans le Royaume… Oserions-nous faire fi de ce sacrement de l’amour et refuser ainsi sciemment à Jésus le désir brûlant qu’il a de s’unir à nous ?
Il y a notre salut personnel mais aussi celui des autres. Quel est dès lors le lien entre l’Eucharistie et la mission ?
Lorsqu’on évoque le salut, il faut toujours revenir à Jésus et son mystère. Jésus, Fils de Dieu, est le Sauveur : c’est son nom et sa mission. Nous étions pécheurs et Jésus nous a donné la grâce inouïe de retrouver l’amitié avec Dieu. C’est comme un retour immérité à l’unique source de notre bonheur. Or cette joie d’être aimé de Dieu, nous l’expérimentons particulièrement dans la célébration de la Sainte messe, dans la communion sacramentelle et l’adoration eucharistique. Cette joie eucharistique, nous devons encore la souhaiter aux autres. On peut dire que cette joie-là demande par sa nature même d’être communiquée. Dès lors, si nous sommes enflammés du feu de l’amour eucharistique, nous devenons missionnaires et brasiers d’amour auprès de ceux qui nous entourent.
Sommes-nous missionnaires par notre simple participation à la messe ?
Oui, nous le sommes tous réellement. Tant le prêtre qui la célèbre, que les fidèles qui s’y unissent. Souvenons-nous que la messe est appelée aussi « Saint-Sacrifice ». Ce terme rappelle non seulement que la messe actualise l’unique sacrifice de Jésus sur la croix de notre rédemption, mais encore qu’elle inclut l’offrande de toute l’Église. Pas de texte plus suggestif que la prière dite chez nous par le prêtre lorsqu’il offre le calice durant l’offertoire : « Nous vous offrons, Seigneur, le calice du salut, implorant votre clémence : qu’il s’élève en odeur de suavité devant votre divine majesté, pour notre salut et celui du monde entier. » Quoi de plus missionnaire que de nous offrir ainsi nous-mêmes, pour que le sang du Christ versé pour tous se répande efficacement sur toutes les âmes ?
De quelle manière les moines vivent-ils cela ?
Chaque année le 29 avril, jour de la fête des abbés de Cluny, les moines chantent cette belle antienne : « Vous êtes saints, dit le Seigneur, et je multiplierai votre nombre, afin que vous priiez pour mon peuple en ce lieu, alléluia ! » De fait, quand Dieu appelle une personne à embrasser la vie monastique, ce n’est pas seulement pour qu’elle « fasse » ou « gagne » son salut. Non ! La mission du moine est large et profonde comme le Cœur de Dieu lui-même ! Le moine prie pour toute l’Église, comme aussi pour le salut du monde entier. « La prière liturgique a toute l’étendue du crucifiement de Notre-Seigneur et de la Rédemption », disait Dom Romain Banquet. Une communauté monastique éprise du mystère eucharistique, attentive à faire de la messe le centre et le joyau de sa journée, devient efficacement – quoique invisiblement – missionnaire.
Nous sommes à la Pentecôte : quelle est la place de l’Esprit Saint dans la messe ?
L’Esprit Saint est omniprésent dans la messe. Il est sans cesse invoqué, notamment lors des signes de croix et dans la formule conclusive des oraisons. C’est ce même Esprit qui a inspiré les textes de la Parole de Dieu que nous lisons et c’est encore lui qui nous en donne une intelligence claire et authentique. Dans le Credo, l’Esprit Saint est dit « vivificateur », parce qu’il donne la vie surnaturelle à son Église.
En nous unissant au sacrifice de Jésus sur l’autel, nous nous souvenons que le Christ s’est offert par amour dans l’Esprit Saint. Jésus dit un jour que la « bonne chose » que nous donne le Père lorsque nous l’en prions, c’est précisément l’Esprit Saint ; comment celui-ci ne nous serait-il pas donné lorsque nous vivons avec ferveur la messe, à savoir la prière la plus puissamment efficace sur le Cœur de Dieu ?
Faudrait-il accorder plus d’importance à l’Eucharistie et à son lien avec le salut pour rendre les paroisses plus missionnaires ?
Je pense ici à une paroisse… celle du Curé d’Ars ! Combien elle fut missionnaire ! Ceci posé, revenons à ce que saint Jean-Marie Vianney disait au sujet de la ferveur des prêtres, et appliquons son propos à nous tous, laïcs ou consacrés : « La cause du relâchement du prêtre, c’est qu’on ne fait pas attention à la messe ! Hélas ! Mon Dieu ! Qu’un prêtre est à plaindre quand il fait cela comme une chose ordinaire ! Oh ! Qu’un prêtre fait bien de s’offrir à Dieu en sacrifice tous les matins ! »
Si nous pénétrons au cœur de ces exclamations, nous comprenons que le lien vital qui existe entre l’Eucharistie et le salut porte en lui-même le zèle missionnaire, le zèle de l’amour qui veut embraser le monde.
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Des moines bâtisseurs
Fondation florissante de l’abbaye du Barroux, le monastère Sainte-Marie de la Garde a bouclé fin avril une première campagne de financement participatif via Credofunding, afin de s’agrandir. Un besoin urgent autant pour la vie monastique que pour l’accueil des fidèles, désormais à l’étroit pour assister aux offices. Ainsi, l’argent récolté a permis de lancer la première phase des travaux : trois ailes du cloître abritant un réfectoire – qui servira temporairement de chapelle –, un chapitre, une sacristie et des cellules, le tout dans un style roman. À terme, la communauté, qui compte sur la générosité des fidèles, souhaite lancer d’autres travaux : une abbatiale, une hôtellerie ou encore une infirmerie.