Quelle est la principale conclusion du rapport de l’ECLJ ?
Grégor Puppinck : Notre enquête met en lumière l’étendue des relations – et des conflits d’intérêts – entre juges de la CEDH et ONG actives auprès de cette Cour. Ainsi, nous avons décidé, pour le bien de la justice, de lever le voile sur une partie des réseaux d’influences qui existent derrière la façade institutionnelle et sobre de la Cour européenne des droits de l’homme. À vrai dire, ces conflits d’intérêts étaient soupçonnés depuis longtemps, mais faisaient l’objet d’un véritable tabou tant ces réseaux sont omniprésents. Pour beaucoup, dénoncer ces réseaux et pratiques revenait à attaquer la Cour européenne. Or, il faut au contraire distinguer l’institution de son personnel. Ce point est essentiel si l’on veut sauver la Cour. On peut comparer ces tabous à ceux qui ont pu couvrir les abus dans l’Église. On savait qu’ils existaient. On n’a pas voulu en mesurer l’ampleur. Et donc on n’en parlait pas et l’on se gardait de les regarder de trop près. Et ils se sont répandus. Comme un cancer.
Pourquoi avoir publié ce rapport ?
Parce qu’il le fallait, pour le bien de la justice ! Il faut libérer la justice de l’idéologie. J’ai beaucoup hésité à le publier, par crainte des conséquences pour l’ECLJ, pour moi-même, mais aussi pour la CEDH. Ce problème était connu à la Cour, depuis longtemps, mais rien n’a été fait pour y remédier, au contraire, il allait en s’aggravant. La publication était donc nécessaire. Plusieurs anciens juges de la CEDH, que j’ai consultés, m’ont d’ailleurs encouragé à le publier pour la même raison.
En quoi cette influence des ONG impacte-t-elle les décisions rendues ?
Il est impossible de l’établir avec certitude. Tout ce que l’on peut dire, c’est que ces liens mettent en cause de façon manifeste l’impartialité de juges lorsqu’ils tranchent des affaires impliquant les ONG dont ils furent collaborateurs, ainsi que l’indépendance de la Cour.
Au nom de quelles valeurs agissent ces ONG ?
Le point commun qui relie ces différentes ONG, c’est une idéologie : en l’occurrence le libéralisme individualiste absolu. Ni plus ni moins. C’est-à-dire ce rêve d’émancipation complète de l’individu, débarrassé des repères collectifs traditionnels. On retrouve ainsi ces ONG dans des projets visant à la libéralisation des drogues ou de la prostitution.
Quelles conséquences ce rapport peut-il avoir sur la Cour ?
Il faut espérer qu’il conduise à un changement bénéfique, et que les solutions que nous proposons seront mises en œuvre. En outre, ce rapport permet d’éclairer un certain nombre de décisions récentes sur les questions de mœurs ou les questions idéologiques. Ou de décrypter ses admonestations visant des pays comme la Pologne ou la Hongrie, dont les gouvernements entretiennent des relations conflictuelles avec George Soros. Je veux espérer que la CEDH saura réagir de façon constructive et se corriger. Mais pour l’instant, nous n’avons pas constaté de retour officiel de la Cour.
Avez-vous subi des menaces ?
Beaucoup de personnes me mettent en garde, mais les risques personnels sont difficiles à mesurer. Je prie davantage saint Michel que d’ordinaire ! La publication de ce rapport relève du devoir moral. Maintenir mon engagement pour la justice sans révéler que le jeu est faussé n’aurait plus eu de sens. Je n’ai pas l’intention de faire semblant de me battre !
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Les droits de l'homme désincarnés
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- L’adoption homosexuelle devant la Grande Chambre de la Cour européenne
- CEDH : Une régression de la liberté de conscience et de religion en Europe.