L’événement qui s’est déroulé hier soir au Collège des Bernardins a dépassé tout ce qu’on pouvait en attendre et surtout en espérer. Dire qu’il fut d’une qualité exceptionnelle ne suffit pas, en effet, à le qualifier. Dès le commencement, il parut évident qu’il ne s’agissait pas d’une rencontre ordinaire. Les six personnes qui apportaient leurs témoignages lui donnaient une tonalité inusitée sur la scène publique. Nous étions dans ce que Pascal appelle l’ordre de la charité qui définit spécifiquement la mission de l’Église et la vocation de ses fidèles : « La charité ne passe jamais, nous dit saint Paul. Les prophéties ? Elles disparaîtront. Les langues ? Elles se tairont. La science ? Elle disparaîtra. » Pourtant, il y allait avoir ensuite, sinon des paroles prophétiques, du moins des propos d’une grande densité, mais ils ne pouvaient être soustraits au climat initial qui leur conférait une tonalité que l’on ne trouve pas ordinairement dans nos forums.
Le discours du président de la Conférence des évêques de France se distingua par sa clarté. On pourrait dire aussi par sa rigueur, si le terme signifie bien autre chose que la rigidité. Mgr Pontier a exprimé les graves soucis de l’Église catholique en matière anthropologique pour ce qui concerne les lois bioéthiques ; il les a associés à la question de l’accueil des migrants qui relève aussi de la charité, même si le président Macron a rappelé la notion de prudence, qui n’est pas ignorée des grands moralistes chrétiens. Ce qui est certain, c’est qu’accueillant le chef de l’État, Mgr Pontier n’entendait nullement procéder à un exercice de diplomatie. Il s’exprimait en toute vérité.
La réponse du président de la République était attendue. Pourquoi ne pas le dire, en dehors de toute préférence partisane ? Elle fut, d’un bout à l’autre, portée par une inspiration dont on cherchera en vain l’analogue dans l’histoire de la République française. Impossible en quelques phrases de rendre compte de son contenu, dont l’analyse précise réclamerait un très long commentaire. Simplement, d’un mot, on peut dire que pour Emmanuel Macron la séparation de l’Église et de l’État ne signifie nullement indifférence mutuelle entre les ordres. Encore moins l’invention d’une sorte de religion républicaine qui se substituerait à la religion chrétienne. Le Président entend susciter une compréhension mutuelle qui se traduit par un intérêt soutenu, de sa part, pour la spécificité intérieure du christianisme. Ce faisant, Emmanuel Macron se lançait dans un exercice inédit, dont il faut dire qu’il était d’une rare empathie. Une empathie qui provoque la colère des tenants d’une laïcité à l’ancienne mais qui doit susciter, de notre part, une réflexion de très longue haleine.