L'étrange victoire - France Catholique
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L’étrange victoire

L’écrasante victoire du parti présidentiel et l’énorme taux d’abstention devraient créer une situation instable dans le pays en raison de l’opposition entre la nouvelle majorité parlementaire et les groupes sociaux qui n’accepteront pas les réformes sociales projetées par Emmanuel Macron.
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La France a souvent connu de grandes vagues électorales qui venaient submerger l’Assemblée nationale – par exemple en 1958 après le retour du général de Gaulle aux affaires et en 1993 lorsque la droite avait obtenu 472 députés. Mais sous la Ve République, notre pays n’avait jamais connu un taux d’abstention aussi élevé, plus de la moitié des électeurs ne s’étant pas déplacés. Les causes de ce phénomène inquiétant pour la démocratie sont multiples. Beaucoup de Français éprouvent de la lassitude en raison de la succession des campagnes électorales depuis les primaires et la succession des scandales et des rebondissements. Cette fatigue a été renforcée par les sondages puisque les prévisions montraient jour après jour que La République en marche allait gagner l’ultime partie. Le fait que les grands partis n’ont pas pu ou pas voulu mener de campagne nationale et la multiplication des candidatures ont contribué à la désorientation et à l’abstention.

Le triomphe du parti présidentiel n’en demeure pas moins évident. Il est bien sûr l’effet du sentiment « légitimiste » qui porte de nombreux Français à donner au président de la République une majorité à l’Assemble nationale.
Mais l’ampleur de la victoire montre que ce sentiment « légitimiste » s’est accompagné cette fois de la volonté d’éliminer nombre d’anciennes figures de la politique, à droite et à gauche, selon une tendance qui avait déjà été observée lors des primaires avec l’élimination de Nicolas Sarkozy, d’Alain Juppé et de Manuel Valls.

Ce triomphe a accéléré plus que provoqué les échecs plus ou moins désastreux voire catastrophiques des autres formations. Le Parti socialiste, en crise depuis des décennies faute de projet cohérent, est à l’agonie et certains de ses hiérarques affirment d’ores et déjà qu’il est mort. Les Républicains ont été tétanisés par le ralliement de plusieurs de leurs dirigeants à Emmanuel Macron et reconnaissent publiquement qu’il leur faut revoir leur projet politique et leur stratégie à un moment où la nouvelle équipe gouvernementale va fonctionner comme un aimant. Le Front national est en crise ouverte depuis l’échec de Marine Le Pen à la présidentielle, qui provoque une violente confrontation entre le courant « souverainiste » organisé par Florian Philippot et le courant « identitaire ». La France insoumise, enfin, a réuni beaucoup moins de voix que Jean-Luc Mélenchon en avril dernier et la cohérence interne de ce parti reste problématique.

Du coup le triomphe de La République en marche s’annonce d’autant plus éclatant que les députés qui lui seront hostiles appartiendront, dans la nouvelle Assemblée, à des tendances et à des groupes qui ne pourront pas conclure d’alliances.

Emmanuel Macron ne saurait cependant oublier que ses triomphes successifs sont le fruit de rejets plus que de l’adhésion et que l’écrasante majorité parlementaire qui va entériner ses projets n’est pas représentative d’une société victime de fractures multiples et qui n’acceptera pas facilement les réformes que le président de la République va lui annoncer.