L’HISTOIRE AU JOUR LE JOUR - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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L’HISTOIRE AU JOUR LE JOUR

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Tout étudiant de physique nucléaire sachant calculer un bilan énergétique vous dira que l’expérience des deux savants de l’Université d’Utah dont on parle tant est impossible. Ils ont, disent-ils, réalisé un effet de fusion dans une simple pile composée d’une anode de platine et d’une cathode de palladium plongées dans de l’eau lourde, le tout gros comme une cafetière. Ils ont, disent-ils encore, trouvé un matin la cathode fondue. Ce qui, évidemment, démontre la production d’un excès inexplicable d’énergie. Mais, objectera l’étudiant, s’il s’agissait de fusion nucléaire, le calcul montre que non seulement la cathode serait fondue, mais la pile, le laboratoire, et la moitié du joli plateau montagneux où se perche l’Université d’Utah, plus connue pour sa recherche agronomique que pour ses physiciens. Alors, impossible, donc faux ? On sait que toute découverte importante passe par trois stades obligés : d’abord, on dit que c’est impossible ; puis, qu’il n’y a là rien d’intéressant ; enfin, que « c’est ce que je disais à mes étudiants en 1973 ». La « découverte » de Stanley Pons et Martin Fleischmann (un anglais) en est au stade II : un laboratoire hollandais ayant refait l’expérience, déclare que c’est très intéressant, mais « sans signification pour la production d’énergie ». Donc, tout semble bien évoluer pour les deux trouble-fête : il se passe bien quelque chose dans leur fichue pile. Reste à l’expliquer sans rien changer aux cours de physique, en ajoutant simplement une petite note, aussi petite que possible, montrant que les deux compères sont tombés par hasard sur un détail sans importance jusque-là négligé pour raison de futilité (a). Lourde tâche si personne ne s’est trompé : car la fusion, cela signifie la fin du pétrole, des barrages, des centrales nucléaires, le bouleversement complet de l’économie mondiale1. Prudents, Pons et Fleischmann ont tout publié en vitesse en sautant par-dessus le barrage des revues techniques : même si on les assassinait, ce serait trop tard, le monde entier sait maintenant construire leur pile. Ce qui va se passer, Dieu le sait. Peut-être y a-t-il quand même une erreur quelque part ? À suivre2. « La reine d’Angleterre a accepté l’invitation de M. Gorbatchev à visiter l’Union Soviétique. Elle a manifesté le désir de se rendre à Saint Pétersbourg. » Saint-Pétersbourg ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Totalement inconnu en URSS. Il y a 50 ans, l’énoncé de ce nom valait une balle dans la nuque ou un voyage aller vers le cercle polaire : Léningrad, camarade ! Pourtant l’annonce ci-dessus a été faite par le propre porte-parole de M. Gorbatchev. Il est temps de se demander si M. Gorbatchev est encore communiste. L’est-il ? − Il l’est forcément, puisqu’il est le patron, le chef absolu du Parti Communiste d’URSS (PCUS) qui compte dix-huit millions de fonctionnaires, détient tous les pouvoirs du pays et environ 80% des sièges de l’Assemblée Populaire (ayant mandat de constituante) élue en mars. Tout cela à sa main. Comment ne serait-il pas communiste ? − Il ne l’est pas, puisqu’il n’y a plus de doctrine communiste et qu’il essaie, d’ailleurs en vain jusqu’ici malgré tous ses efforts, de se défaire du système social construit par Lénine et Staline. Examinons ce dernier point. Pourquoi ne pourrait-il se débarrasser d’un système dont il détient la souveraineté ? Si tout est à sa main, il fait ce qu’il veut. Or le système est toujours là. La censure est à peu près inactivée, mais intacte : elle peut du jour au lendemain rétablir ses « vérités » fantaisistes ; la police laisse faire beaucoup de choses, mais quand on le lui ordonne elle peut encore écraser la Géorgie et l’Arménie ; le mur de Berlin est moins étanche mais n’est pas abattu ; le rideau de fer entr’ouvre quelques portillons, mais on n’a pas arraché les barbelés ni détruit ou désarmé les miradors. Etc. Le système stalinien fonctionne autrement, mais demeure inchangé. Gorbatchev, c’est Staline devenu débonnaire, et seulement quand il lui plaît. Ainsi y eut-il de bons empereurs romains, vrais saints comme Marc Aurèle, et d’autres qui nommaient leur cheval sénateur, ou eussent aimé pouvoir couper toutes les têtes de l’Empire d’un coup d’épée. M. Gorbatchev essaie de nous persuader qu’il a transformé son ours en toutou et que c’est irréversible. Et je crois que vraiment il voudrait qu’il en fût ainsi, lui et ceux qui l’appuient. Nous aussi le voudrions bien. Seulement c’est impossible. Entre tous les systèmes sociaux dont l’histoire a gardé le souvenir, le marxisme est le seul qui, une fois installé, ne peut plus ni s’amender ni faire place à un autre. « Mais si, mais si, disait Jacques Bergier, le communisme est possible. La preuve est qu’il existe : c’est le stalinisme, seul communisme valide. Mais, ajoutait-il, il ne faut rien exagérer à côté du stalinisme sévère, on peut imaginer un stalinisme paternel. Le communisme sévère fusille sévèrement les gens pour leur apprendre à vivre. Le communisme paternel fait exactement la même chose, mais paternellement. »3 M. Gorbatchev et ses « réformateurs » essaient de trouver une troisième voie qui marcherait sans fusiller personne. Mais c’est impossible. La seule alternative au stalinisme sévère ou paternel, c’est le chaos, où l’URSS est en train de sombrer. Notre Éducation Nationale nous donne une idée de ce que peut être une société entièrement fonctionnarisée : elle refuse avec indignation que la rémunération de ses membres ait un quelconque rapport avec le mérite et le rendement de leur travail. Leur proposer cela, c’est les offenser. Cependant tous les Français non-fonctionnaires (dont les impôts servent notamment à rémunérer les fonctionnaires) sont impitoyablement soumis à la loi de la concurrence dans le mérite et le rendement. Toute insuffisance de l’un ou de l’autre n’a d’issue dans le privé que ruine et chômage. C’est ce qui assure l’abondance dont jouissent les pays occidentaux. C’est ce qui leur garantit croissance économique et enrichissement. Le leur, et, ne l’oublions pas, de nul autre. Des sociétés tout entières fonctionnant comme notre Éducation Nationale existent : ce sont les sociétés de type soviétique et chinois4. L’autre soir (4 avril) j’entendais sur radio Moscou trois économistes discuter des progrès de la perestroïka. À croire l’un d’eux, non seulement les progrès sont nuls en économie, mais la pénurie tendrait à s’aggraver. Et comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? s’exclamait l’un des deux autres. Depuis 70 ans nous avons pris l’habitude de toucher nos salaires sans discrimination sur la qualité de notre travail. Pourquoi nous mettrions-nous à travailler mieux ? Pourquoi même nous fatiguerions-nous à travailler ? Tous les Occidentaux ayant vécu en URSS s’étonnent d’un paradoxe social que l’on ne trouve que dans les pays de l’Est : d’une part, la population est hautement cultivée et éduquée, comme chez nous et parfois mieux ; et d’autre part la pauvreté est celle du Tiers Monde 5. Pourquoi l’éducation ne produit-elle pas la richesse ? Il y a une belle société civile en URSS. Mais elle n’est pas fondée sur l’économie. Son seul stimulant est politique. Et personne là-bas ne croit plus à la politique. Le marxisme reste le plus puissant instrument de prise du pouvoir par la force. Mais il a fait la preuve qu’une fois au pouvoir il cesse de fonctionner, et qu’on ne peut plus s’en débarrasser. Il ressemble à une théorie médicale qui expliquerait parfaitement les maladies, le vieillissement et la mort par l’existence d’un organe vital. La théorie triomphe, procède à l’ablation de l’organe, et le malade meurt. M. Gorbatchev tient le malade en main et lui prodigue de bonnes paroles. Mais pour le guérir, il n’a d’autres instruments que des bistouris. Telle est l’actuelle situation des pays « socialistes ». Qui doit-on aider ? Et comment ? Pour faire quoi ? On n’imagine de guérison que miraculeuse. À mon avis. M. Gorbatchev compte sur la nouvelle assemblée pour produire des miracles. Je ne sais pas lesquels, ni très probablement lui. Je crois, hélas, que les sociétés sans structures économiques ne fonctionnent un peu, et mal, que moyennant une certaine terreur. Prions pour qu’un grand miracle se produise. Lui seul peut sauver les peuples de l’Est d’un retour au stalinisme, paternel ou autre6. Aimé MICHEL (a) Notre Commissariat à l’Énergie Atomique vient de passer au stade III en annonçant que « tout cela était connu depuis Stephen Jones ». Stephen Jones ? J’avoue ne savoir qui c’est. Très probablement l’auteur d’une expérience sans intérêt, C.Q.F.D.7 Chronique n° 463 parue dans France Catholique − N° 2204 − 28 avril 1989. Capture_d_e_cran_2014-11-10_a_12-28-10.png
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 13 mai 2019

 

  1. Cet article paraît en pleine controverse sur la fusion froide. Celle-ci a éclaté un mois plus tôt lors de la conférence de presse du 23 mars 1989 où les chimistes Pons et Fleischmann ont annoncé avoir obtenu une réaction de fusion d’hydrogène en hélium. C’était un résultat surprenant parce que la fusion se produisait dans un appareil très simple posé sur la paillasse de leur laboratoire de l’université d’Utah. Aimé Michel, qui se méfie par principe des arguments du genre « C’est impossible », est a priori plutôt favorable aux deux chimistes. Toutefois, conscient du poids des objections, il ne va pas plus loin et termine sur une note dubitative : « Peut-être y a-t-il quand même une erreur quelque part ? ». Il reviendra sur la fusion froide un mois plus tard dans la chronique n° 464 (à paraitre) puis une dernière fois fin octobre dans la n° 469 pour signaler qu’« on ne parle plus de Pons et Fleischmann et de leur “fusion froide” » mais que les recherches continuent. Elles aboutiront finalement à un verdict défavorable à la fusion froide comme je l’ai résumé précédemment (voir note 7 de n° 469), même si l’affaire n’est pas encore complètement réglée à ce jour (voir note 7).
  2. Ce « tout publié en vitesse en sautant par-dessus le barrage des revues techniques » fait sans doute référence à la « note préliminaire », assez brève, signée M. Fleischmann, S. Pons et M. Hawkins (un étudiant qui travaillait avec eux) parue en avril 1989 à la demande de l’éditeur du Journal of Electroanalytical Chemistry (« Electrochemically induced nuclear fusion of deuterium », vol. 261, p. 301-308, suivi d’un erratum en 1990, vol. 263, p. 187). Cette note, amplement diffusée, fournit les premiers détails techniques sur les expériences. Il faudra attendre juillet 1990 pour que sorte enfin la publication définitive dans ce même journal de chimie, avec deux auteurs en plus (M.W. Anderson et L.J. Li) et un titre nettement moins sensationnel (« Calorimetry of the palladium-deuterium-heavy water system », vol. 287, pp. 293-348). L’élément le plus remarquable de ce dernier article était l’absence de mesures concernant l’émission de neutrons (une conséquence nécessaire de la fusion). Or, cette émission, décrite dans la première note, avait été considérée jusque-là comme le principal argument en faveur de la fusion, car l’émission de chaleur ne pouvait servir de preuve d’une telle fusion. Comme l’article ne parlait plus des neutrons, le soufflet retomba.
  3. « Feu Jacques Bergier, né à Odessa d’une famille juive de lointaine souche française, d’où son nom, disait qu’il n’existe qu’un communisme “en état de marche”, le stalinisme, mais qu’il existe deux stalinismes : le “paternel” et le “sévère”. Quand le stalinisme paternel vous a assez vu, il vous met une balle dans la nuque, paternellement. Quand les circonstances l’exigent, le stalinisme sévère n’hésite pas à faire exactement la même chose, “mais avec la plus extrême sévérité”. » (Extrait de la chronique n° 435 du 20 mars 1987). Bergier était coutumier de ces petites histoires dont on trouvera un autre exemple dans la n° 235 : « Un saint homme rencontre un lion dans le désert. Il s’agenouille et dit : “Seigneur, faites un miracle, inspirez à ce fauve des sentiments chrétiens !” Et le miracle se produit. Le lion se prosterne, joint les pattes et dit : “Seigneur, bénissez ce repas !” ». Et, bien entendu, de nombreuses autres dans Blumroch l’admirable (Folio n° 1062, Gallimard) où Louis Pauwels narre une journée passée avec Bergier (voir la n° 318, Adieu à Bergier).
  4. Aimé Michel ne fait ici que rappeler des évidences élémentaires que, d’un côté, personne n’ignore, mais dont, d’un autre, nul ne parle sans un soupçon de culpabilité dans un pays aussi passionné d’égalité que la France. La notion de mérite est volontiers contestée chez nous parce qu’on y voit la concrétisation de l’inégalité entre les hommes qui fait que certains, par une bonne fortune à laquelle ils ne doivent pas grand-chose, sont plus travailleurs ou plus compétents que d’autres. Ce n’est pas faux car chacun de nous peut s’interroger sur la part des « mérites » qui lui reviennent en propre : bonne santé, famille attentive, éducation de qualité, naissance dans un pays riche et en paix, sommes-nous pour quelque chose dans tout cela ? Cependant ce point de vue, tout justifié qu’il soit, a le tort d’ignorer les réalités concrètes, à savoir que de fait à l’instant présent telle femme (ou homme) est plus travailleuse ou plus compétente que tel(le) autre et qu’en outre, tout travail ou compétence nécessitant un effort, les humains sont ainsi faits qu’ils tiennent pour une profonde injustice que leurs efforts ne soient pas récompensés. La bonne marche de la société est à chaque époque un compromis entre ces attentes contraires. La notion de rendement est également sujette à débat parce qu’elle peut entrainer des abus : travailler plus sans gagner plus et sous la menace de perdre son emploi. Mais ces dérives ne doivent pas faire oublier que notre richesse actuelle et nos lois sociales protectrices sont, en dernier ressort, le résultat d’un accroissement séculaire du rendement de la plupart des secteurs économique. Ces progrès ne sont pas dus, comme on l’affirme abusivement, aux seules luttes sociales qui les auraient arrachés aux possédants, mais de manière prépondérante à une utilisation systématique de nouvelles techniques (industrielles, managériales, administratives…). Ces changements se font souvent dans la douleur car des entreprises inadaptées doivent fermer, des métiers surannés (bourreliers, forgerons…) disparaître, des zones géographiques se dépeupler, non par quelque lubie d’hommes au pouvoir mais par la pression collective résultant du choix de chaque individu lorsqu’il va faire ses courses et décide ainsi, sans le savoir et sans le vouloir, du succès ou de la ruine de telle entreprise, métier ou région. Cette adaptation constante, qui s’effectue par le jeu de la concurrence, est le prix à payer pour le maintien de nos conditions d’existence et a fortiori son amélioration. Ceci admis, d’autres problèmes se posent. J’ai sous les yeux le tableau des rémunérations en 2016 des dirigeants des 40 sociétés qui composent le CAC 40, principal indice de la bourse de Paris, tel que fourni par le journaliste économique Thierry Gadault en annexe de son livre Le vrai salaire des patrons (l’Archipel, Paris, 2017). Ces rémunérations s’étagent de 1 447 482 euros (120 623 €/mois) pour Jean-Marc Jestin, patron de Klépierre (aujourd’hui Atos, une entreprise de services informatiques employant 100 000 personnes dans 73 pays) à 9 734 576 euros (811 215 €/mois) pour George Plassat, patron de Carrefour (384 000 employés dans 10 pays). À titre de comparaison le revenu médian des Français (50% gagnent moins, 50% gagnent plus) était de 20 520 € en 2016 (1 710 €/mois). Également révélateur est le rapport d’équité, c’est-à-dire le rapport de la rémunération du patron au coût salarial moyen de l’entreprise : il va de 14 pour Jean-Marc Jestin d’Atos et 21 pour Philippe Brassac du Crédit Agricole (entreprises à majorité de cadres) à 454 pour George Plassat de Carrefour (à majorité d’emplois peu qualifiés). Quinze patrons du CAC40 ont un rapport d’équité supérieur à 100. Même si la notion de juste revenu est évidemment difficile à définir, de tels rapports paraissent excessifs et socialement contre-productifs, d’autant que ces revenus sont le plus souvent déconnectés du résultat des entreprises et qu’il n’y a pas d’indication claire que le niveau de rémunération des patrons résulte d’une quelconque concurrence. Les pouvoirs publics en sont conscients qui tendent à exercer des pressions pour contrecarrer la tendance mondiale à l’augmentation du revenu des dirigeants (https://www.agefi.fr/gouvernance/actualites/quotidien/20180910/ratio-d-equite-remunerations-pourrait-bientot-etre-255539). À l’autre extrême, il y a le problème des pauvres et des malheureux qui sont au cœur des revendications des « Gilets jaunes » et pas seulement. Quand on demande aux Français s’ils portent un jugement favorable sur l’État providence, seulement 34 % d’entre eux répondent oui (Eurobaromètre, ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/ResultDoc/download/…/83137, document ST89_Annexes_fr.pdf, p. 56, printemps 2018), contre 57% des Britanniques et des Italiens, 74% des Polonais, 82% des Bulgares, 84% des Espagnols, 86% des Danois et 89% des Allemands ! Cela signifie-t-il que dans notre pays l’État est particulièrement défaillant ? Eh bien, pas du tout, la comparaison des 27 pays de l’Union Européenne montre au contraire qu’en matière d’inégalité salariale, de santé, d’espérance de vie, de prestations sociales, de délinquance, de retraites, etc., la France se trouve fort bien placée. Il y a clairement une dissociation entre les performances réelles du pays et l’idée que les Français s’en font, dissociation qui n’est pas nouvelle mais que la crise des Gilets jaunes met particulièrement en relief. Cette anomalie vient d’être analysée par le démographe Hervé Le Bras dans un livre, Se sentir mal dans une France qui va bien. La société paradoxale (Éditions de l’Aube). Il montre en particulier que les problèmes les plus aigus ne sont pas ceux qu’on croit. Les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (60% du revenu médian) ne sont pas d’abord de vieux retraités : 2,9 % des plus de 75 ans sont pauvres contre 12,5 % des jeunes de 18 à 29 ans ! Il est exact que l’ascenseur social s’est arrêté depuis une vingtaine d’années, mais le plus grave est qu’il se bloque dès l’école : les enquêtes internationales PISA sont particulièrement préoccupantes de ce point de vue car la France se classe très mal en termes de réussite scolaire des milieux les moins favorisés (quel paradoxe pour un pays qui se veut si égalitaire !), sans compter la régression constante du niveau de connaissances des écoliers et lycéens français par rapport à leurs homologues étrangers, ce qui ne présage rien de bon (voir la note 5 de la chronique n° 292). La boucle est bouclée, nous sommes partis avec Aimé Michel de l’état d’esprit « déconnecté » de l’Éducation nationale et nous y voilà revenus par le détour de l’actualité. Je n’en tire pas de conclusion facile ni de solution « y a qu’à » mais j’en retiens tout de même deux choses. La première est la difficulté, en France, à porter un regard objectif sur les faits de société : on donne un poids excessif à des impressions non représentatives en ignorant superbement les chiffres clés qui permettent seuls d’obtenir une vue réaliste dans l’espace (en comparaison avec nos voisins) et le temps (en comparaison avec la situation de la France il y a 25 ans ou plus, qui était bien moins bonne qu’on le croit sur la plupart des points). La seconde est que les hommes politiques français sont, plus qu’ailleurs, mis en demeure par des minorités agissantes de résoudre des problèmes mal posés et mal hiérarchisés.
  5. Cette évocation des pays de l’Est correspond bien à ce que j’ai pu observer à Prague peu après la Révolution de velours. Les Praguois des milieux cultivés avaient un niveau de vie très inférieur au nôtre (encore que bien supérieur à celui des soviétiques) mais l’absence de concurrence et de pression au travail leur procurait un temps libre appréciable. En conséquence la vie intellectuelle était intense, on lisait beaucoup et on discutait jusque tard dans les tavernes. Tout cela a disparu avec le passage à l’économie de marché. Malgré tout, il paraît que le marché de l’édition reprend un peu de vigueur depuis quelque temps (http://www.czech.cz/fr/%D0%91%D0%B8%D0%B7%D0%BD%D0%B5%D1%81/Le-marche-du-livre-en-Republique-tcheque-est-en-ha). Huit Tchèques sur dix affirment lire plus d’un livre par an contre 84 % en France d’après une enquête du Centre National du Livre (https://fr.calameo.com/read/00182871576d4704a0a58).
  6. Ce retour au stalinisme a failli arriver quatre ans plus tard lorsque les tenants de la « ligne dure » du Parti communiste ont tenté de prendre le pouvoir le 19 août 1991 en déposant Gorbatchev qui était en vacance en Crimée. Ce coup d’État échoua en raison du manque de soutien du KGB et de l’armée aux putschistes mais il affaiblit le rôle de Gorbatchev, accrut celui de Eltsine et accéléra la décomposition de l’URSS.
  7. Steven Jones était un physicien de l’université Brigham Young, également dans l’Utah. Avec son équipe, il travaillait lui aussi sur la fusion froide avec une pile électrolytique à électrode de palladium. En 1988, il pensait avoir obtenu la preuve d’une production de neutrons à l’aide d’un détecteur très sensible qu’il avait mis au point. Ses recherches étaient totalement indépendantes de celles de Fleischmann et Pons, et il n’apprit les travaux de ces derniers qu’en septembre 1988. Au début les deux équipes avaient prévu de collaborer, mais elles se brouillèrent car Jones prit très mal la conférence de presse de Fleischmann et Pons… Dans leur étude sur cette affaire, les sociologues Harry Collins et Trevor Pinch notent : « Eu égard à sa réputation solidement établie dans ce domaine, aux conséquences théoriques minimes qu’entraînaient ses résultats et à la modestie avec laquelle il les présentait, rares étaient ceux qui doutaient que, si l’intervention de Pons et Fleischmann n’était venue contrarier ses projets, Steven Jones serait sans doute parvenu sans encombre à établir un fait naturel intéressant – la fusion de petites quantités de deutérium dans le palladium. » (Tout ce que vous devriez savoir sur la science, trad. fr. T. Piellat, coll. Points S142, Seuil, 1994, p. 93). Cette dernière remarque n’est pas sans intérêt car elle montre que le verdict très défavorable à la fusion froide n’est pas si assuré que cela. Certes, cette « petite fusion » n’annonce nullement « la fin du pétrole, des barrages, des centrales nucléaires, le bouleversement complet de l’économie mondiale » mais, après tout, il pourrait quand même « se passer quelque chose dans cette fichue pile » qui ne soit pas complètement sans intérêt scientifique. Nous y reviendrons.