Notre dernier éditorial tentait d’anticiper sur une prise de position officielle de l’Église de France à propos de la crise grave que traverse en ce moment notre pays. Mais, sans doute, fallait-il un temps de réflexion pour que nos évêques mesurent exactement les causes de la crise et les effets de son développement. Depuis une semaine, la plupart d’entre eux ont réagi, parfois collectivement comme les évêques de Normandie, le plus souvent personnellement. On note bien sûr la déclaration de Mgr Georges Pontier, en tant que président de la Conférence des évêques de France, qui donne le ton général correspondant à la sensibilité de notre épiscopat. L’archevêque de Marseille met l’accent sur « un déficit d’écoute et de dialogue dans notre pays, des ruptures et des incompréhensions que vivent beaucoup de nos concitoyens, une méfiance croissante dans toute institution et la perte de confiance dans les corps intermédiaires ». On n’est pas étonné d’une insistance particulière sur la recherche du bien commun, qui ne va pas sans dialogues courageux et constructifs.
Précisément, cette recherche du bien commun implique la prise en compte de toutes les données de la situation de crise, sans oublier le face-à-face des citoyens et de l’État, avec ce qu’il comporte de distance critique. L’intervention de Mgr Michel Aupetit, archevêque de la capitale, met particulièrement en évidence cette dimension : « Comme archevêque de Paris, je comprends la peine de ceux qui manifestent pacifiquement et luttent pour conserver une vie digne. Je dénonce la violence scandaleuse de ceux qui en profitent pour saccager notre ville, je salue le courage des services de police et de gendarmerie et je m’unis au souci de nos gouvernants qui cherchent des réponses à la crise. » Ainsi, personne n’est oublié, avec le contraste des responsabilités qui reviennent aux uns et aux autres. La reconnaissance du bien-fondé des revendications ne saurait aller sans respect pour l’autorité qui assume la redoutable charge de résoudre la crise. Ce n’est qu’en adoptant un point de vue supérieur de bienveillance que l’Église peut apporter son éclairage propre dans un moment crucial de la vie nationale.
Les interventions des évêques ne peuvent que se distinguer également par le recours à ce que la parole de Dieu apporte à la compréhension des relations humaines : « Pour être frères, affirme encore Mgr Aupetit, encore faut-il une paternité commune. La conscience de Dieu le Père qui nous apprend à “nous aimer les uns les autres” a façonné la face de la France. L’oubli de Dieu nous laisse déboussolés et enfermés dans l’individualisme et le chacun pour soi. » Ce rappel de la source de la fraternité humaine a pu indisposer quelques-uns. Il n’empêche qu’il est essentiel à l’approfondissement du mystère de notre condition et de notre appartenance à une même humanité, dans son unité et ses complémentarités.