Impossible de ne pas penser encore à Jean Vanier. Il a tant marqué son temps, il nous a tant marqués lorsque nous avons eu, les uns et les autres, la chance de le rencontrer. Il y avait en lui une telle force intérieure, lui qui était pourtant à genoux devant la faiblesse humaine, qu’il constituait une sorte de prototype du chrétien, comme avait pu l’être avant lui un saint François d’Assise ou une sainte Thérèse de Lisieux. C’est bien pourquoi les messages de reconnaissance jaillissent de partout. Cet homme était inclassable, n’appartenant qu’à la seule classe des disciples du Seigneur. J’ai souri de le voir qualifié de « catholique de gauche » par un confrère. Pourquoi pas ? Par d’autres traits, on aurait pu le situer à droite. Mais cela n’a aucune espèce d’importance. Il était simplement lui-même. J’ai un seul souvenir de lui à propos de la gauche et de la droite. C’était il y a quelques années à un rassemblement de jeunes en Belgique, il m’avait confié son souci que ne se créé pas un fossé entre chrétiens de droite et de gauche.
Ce n’est sûrement pas sur ce terrain qu’on l’attendait. À ce propos, j’ai beaucoup apprécié la remarque d’Henrik Lindell. En substance, disait-il, les catholiques devraient être attentifs à ce que Jean Vanier représentait pour des chrétiens non catholiques, des évangéliques par exemple. C’était précisément l’homme du témoignage intégralement évangélique, bien au-delà des querelles qui accaparent les clans catholiques entre eux, avec leurs disputes incessantes. Je ne discute pas du bien-fondé de ces disputes qui parfois touchent des points essentiels. Mais il y a quelque chose qui les dépasse, et c’est la charité. Pour Jean Vanier, il n’y avait que la charité qui comptait. Il l’a déclinée sur tous les modes et d’abord celui de la présence aimante auprès des plus fragiles.
On a beaucoup cité, et à juste titre, la formule de Paul VI sur « la civilisation de l’amour ». Mais de là à la mettre vraiment en œuvre ! En ce sens, Jean Vanier aura été le pionnier absolu. Il ne voulait pas être un héros, ni un saint d’ailleurs. C’est bien le signe qu’il l’était, lui qui possédait le secret : « L’amour, ce n’est pas de faire des choses extraordinaires mais de faire des choses ordinaires avec tendresse. »