Flannery O’Connor n’était pas raciste - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Flannery O’Connor n’était pas raciste

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Flannery O'Connor

Flannery O'Connor

© Charles Cameron Macauley / CC by-sa

Flannery O’Connor est la dernière figure « culturelle » à être censurée. Le titre même du récent article de Paul Elie dans The New Yorker : How racist was Flannery O’ Connor” [“Quel était le racisme de Flannery O’Connor ?”] confirme sa culpabilité. Prenant le train en marche, le père jésuite président de l’Université Loyola du Maryland a annoncé que son nom serait retiré d’une résidence universitaire.

Mais Flannery O’Connor est la femme qui a écrit une histoire révélant de façon poignante les souffrances des noirs du Sud. C’est la femme qui avait pour directeur spirituel le père jésuite, James McCrown, connu pour être un militant convaincu de l’intégration. Et c’est aussi la femme qui a dit, après une triste expérience impliquant la cruelle remarque d’un conducteur de bus à des passagers noirs : « Je suis devenue intégrationniste. »

C’est vrai, O’Connor utilisa parfois le mot commençant par la lettre « n » dans ses lettres et ses histoires, aussi bien que celui de racaille blanche”, mais ce n’était pas choquant pour quelqu’un né en Géorgie en 1925.

En réalité, quelques-unes des meilleures nouvelles d’O’Connor révèlent la face cachée et la laideur du racisme chez les blancs du Sud tout en montrant aussi comment la grâce divine convertit les cœurs. Dans Révélation, une pauvre femme blanche assise dans la salle d’attente d’un médecin parle à haute voix de renvoyer les noirs en Afrique. Mrs Turpin, qui se flatte d’être elle-même une propriétaire terrienne plutôt qu’une “racaille blanche”, fait part de ses propres pensées racistes jusqu’ à ce qu’une étudiante, bouillant peu à peu, finisse par à lui jeter un livre à la tête en soufflant, “Retourne en enfer d’où tu viens, vieux phacochère.”

C’est le moment de grâce pour Mrs Turpin qui plus tard a la vision de gens en procession pour entrer au ciel, les noirs étant les premiers et les propriétaires blancs les derniers.

Paul Elie a cité un incident qui date de 1959 où, lors d’un voyage de l’écrivain noir James Baldwin en Georgie, un ami de New York suggéra à O’Connor de le rencontrer. O’Connor mit les choses au clair sur les habitudes du Sud profond : « À New-York ce serait bien de le rencontrer, ici non. » « Une telle rencontre, ajouta-t-elle, causerait dans une ville du Sud de l’agitation, de l’incompréhension et des divisions. »

Elie déclare que ce refus prouve le racisme de Flannery O’Connor : « Les admirateurs d’O’Connor ont depuis toujours minimisé l’importance de ces propos. Mais ce ne sont pas des propos de micro ou des mots inconsidérés. Ils furent écrits à la table où O’Connor écrivait sa fiction et sont de la même veine de ce qui a été à l’origine de sa réputation. »

Mais William Sessions, un ami de toute sa vie, dit que Flannery O’Connor exprimait « une angoisse considérable » pour le fait d’être incapable de recevoir Baldwin chez elle, et que, quand, dans ses années d’université en Iowa, O’Connor est devenue proche amie d’une femme noire, sa mère Régina fit remarquer que les contacts interraciaux étaient dangereux.

La jeune O’Connor a tenu bon, disant que « ses amitiés ne devaient pas être entravées par des considérations raciales. » O’Connor à trente-deux ans souffrait d’un lupus et était extrêmement dépendante de sa mère – et avait donc davantage tendance à suivre ses règles.

La nouvelle d’O’Connor de 1955 « Le nègre factice » a été à l’origine d’une grande controverse et continue à l’être aujourd’hui, mais elle révèle sa sympathie pour les souffrances des noirs du Sud, peut-être mieux que tout ce qu’elle a écrit par ailleurs. Mr Head de Backckwoods veut emmener Nelson, son petit-fils de 10 ans, visiter Atlanta, ainsi le garçon pourra témoigner de la tristesse de la grande ville et être content de rester chez lui dans leur petite ville.

Nelson n’a jamais vu un noir et Mr Head l’assure qu’il n’aimera pas Atlanta parce que c’est plein de n*****s. Ils se perdent et le grand-père décide de montrer l’importance qu’il représente pour le garçon en le laissant derrière lui. Nelson est si terrifié qu’il plonge dans une foule, renversant une vieille femme. La police intervient et veut que Mr Head assume la responsabilité du comportement du garçon, mais le vieil homme fait l’impensable en déniant que l’enfant soit son petit-fils.

Cet affreux moment de trahison passé, ils tombent sur l’effigie en plâtre d’un noir. La statue est branlante, fendue, craquelée et elle tient une pastèque brune. Ils ne peuvent dire l’âge de l’homme factice, tant il a l’air « misérable », il peut être jeune ou vieux.

Comme ils sont là à le regarder, ils le voient comme « le monument de la Victoire d’un autre » et le sentent « dissolvant leurs différences comme un acte de miséricorde ». La statue décomposée éveille en Mr. Head les premiers sentiments de sympathie pour ce que les noirs ont enduré dans le Sud. O’Connor n’a rien dit plus tard qui résumât mieux la tragédie du Sud que cette histoire de statue.

Dans une lettre, O’Connor a décrit une expérience qui l’a mise en face des souffrances endurées par les noirs dans la vie réelle. Une révélation personnelle a eu lieu dans un bus. Le conducteur a dit aux occupants du fond du bus, des noirs : « Bon, vous autres, les tuyaux de poêle, restez au fond où vous êtes. » Réaction d’O’Connor ? : « Je suis devenue intégrationniste. »

O’Connor était pour des changements sociaux lents plutôt que dramatiques, en grande partie à cause de son inquiétude devant les réactions brutales du KKK. Dans la petite Milledgeville, Georgie, ils brûlaient des croix et menaçaient les vies chaque fois qu’il y avait des sit-in et effrayaient les noirs pour leur faire quitter la ville.

En 1963, O‘Connor raconta que quelques noirs de Milledgeville avaient déposé une pétition auprès du conseil municipal pour réclamer l’intégration dans les écoles, les restaurants et la bibliothèque. Ils ne savaient pas que la bibliothèque avait été intégrée tout tranquillement l’année précédente. Pour O’Connor, cela donnait l’exemple d’un changement qui se faisait tranquillement, sans publicité ni désordre.

Elle pensait que les problèmes du Sud ne seraient pas entièrement résolus par le vote de lois : ils demandaient au contraire un changement dans le comportement et la culture. Le Sud devait développer « un mode de vie où les deux races pourraient vivre ensemble en tolérance mutuelle ». Cela demanderait une « grâce considérable » et un code de manières reposant sur la charité mutuelle.

Elle aurait sans aucun doute été d’accord pour que nous puissions légiférer sur les moyens pour les gens de recevoir l’éducation, les lieux où ils pouvaient aller, et les choses qu’ils étaient autorisés à faire. Mais nous ne pouvons voter des lois exigeant des gens de différentes races de se regarder autrement que comme des voisins. Nous ne pouvons exiger qu’ils s’aiment les uns les autres comme le Christ les aime. Ce changement des cœurs, sur toute autre chose, demande l’intervention puissante de Dieu dans le cœur des hommes.

Comme O’Connor le remarquait, le Sud « croit encore que l’homme est tombé et qu’il n’est perfectible que par la grâce de Dieu et non par ses seuls efforts ». Bref, il y a des gens qui ont besoin de recevoir un livre sur la tête comme Mrs Turpin avant de voir la lumière de la vérité.