Pieper, Guardini, Lewis : pourquoi remettre à l’honneur ces auteurs « exigeants » ?
Tristan de Carné, directeur : Ils ne sont pas si exigeants : ils sont rigoureux. Ils creusent les sujets, pour comprendre le monde, mais le font sans jargon, avec l’envie d’être compris. D’ailleurs, Lewis était suivi par des milliers de personnes sur les ondes de la BBC. Ce sont des penseurs d’une logique hors pair, et avec eux le réel s’éclaire.
C’est pourquoi il fallait les éditer (ou rééditer) en France : nos contemporains ont plus que jamais besoin de leur réalisme, au moment où certains démiurges voudraient nous faire croire à une augmentation de l’homme par la science – prétention largement ridiculisée par l’expérience d’impuissance face au covid-19, soit dit en passant. Au moment aussi où tant d’entre eux perdent pied dans un monde devenu inhumain à force de courir après l’argent et ses mirages ; au moment où les politiques crient à l’impuissance…
Qu’est-ce qui les unit ?
T. C. Ils se rattachent à la philosophia perennis, cette grande tradition philosophique qui insiste sur l’existence d’un Bien objectif, rationnellement explicable, qui seul permet de donner un fondement à la conduite de la vie et de l’activité intellectuelle. En ce sens, on peut aussi les qualifier de « résistants ».
Nous les réunissons dans la collection « Chercheurs de vérité », parce qu’ils ont cette démarche commune de se mettre au service du réel plutôt que de prétendre construire un système clos.
Prenons Guardini : en quoi son analyse de la fin des temps modernes est-elle pertinente pour aujourd’hui ?
Vincent Mériaud, éditeur : Guardini dénonce dans son texte la détérioration des relations entre l’humanité et la nature, qu’il estime caractéristique de l’époque moderne. La crise écologique actuelle nous rappelle en effet que l’anthropocentrisme moderne a mis l’idée et la technique au-dessus de la réalité, inversant en cela la transcendance. Ce n’est donc pas un hasard si le pape François a aussi souvent cité (six fois !) La fin des temps modernes dans Laudato si’, puisque Guardini nous invite à repenser l’intégrité de l’homme pour lutter contre la crise éthique, culturelle et spirituelle de la modernité.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.
Aux éditions Pierre Téqui : Romano Guardini, La fin des temps modernes (suivi de La puissance), 245 p., 19 €; Michael D. Aeschliman, La restauration de l’homme. C. S. Lewis contre le scientisme, 292 p., 19 € ; Josef Pieper, Le Quadrige. Prudence, justice, force, tempérance, 263 p., 19,90 € ; C. S. Lewis, Les quatre amours, 176 p., 18 €.