Qui de nous n’a étourdiment souhaité de toute son âme être l’un de ces deux qui, marchant vers Emmaüs, dans le jour déclinant, rencontrèrent en route le Mystérieux Pèlerin : « – Et commençant par Moïse et les prophètes, il leur expliqua comment les Écritures avaient parlé de Lui » (Luc, 24, 27).
Nous autres, abreuvés de sciences
Comme nous aurions bu ses paroles ! Mais surtout, croyons-nous, combien nous aurions rassasié nos yeux de sa vue, nous autres hommes du XXe siècle abreuvés de sciences, de critique historique, de mythologie comparée, de psychanalyse, et que sais-je encore, plus bardés que Thomas de défenses contre les illusions des sens, de l’esprit, du cœur, dûment chapitrés surtout par force théologiens dont le nom me démange sur ce qu’autorisent ou non les lois naturelles !1
Car, mes chers frères, la Foi, c’est la Foi, c’est entendu, mais gardons-nous de penser bêtement que Jésus notre Maître nous ait donné à croire que sa Résurrection fût (si peu que ce soit) contraire à notre Raison. La Raison, mes chers frères, tout de même, c’est la raison, et Dieu ne s’amuse pas à violer nos lois inviolables de la nature. Lisez, étudiez mon livre (dont le titre me démange), et vous verrez clair comme le jour que, si l’on croit tout bêtement ce qu’il semble que les Évangiles nous racontent, à certains moments il faudrait qu’il y eût trois corps du Christ simultanément pour le moins.
– Mais, mon père, comment expliquez-vous que quand je lis attentivement les Évangiles non point comme M. Hercule Poirot, le fameux détective, mais à genoux et retenant mes larmes, il me semble que j’en comprends très bien les récits, même un peu différents entre eux2, tandis que quand j’étudie laborieusement les explications que vous m’en donnez, je (si vous permettez que l’on vous parle comme mon jeune fils) n’y entrave que dalle, sauf de temps à autre – mais, alors, pour me sentir soulevé par une rigolade (c’est toujours mon fils qui parle) fort peu évangélique.
Il paraîtrait que la Résurrection, oui, sans doute, saint Paul nous dit bien que si Jésus n’est pas ressuscité, alors notre foi est vaine3, mais il faudrait s’entendre sur le mot résurrection, car il y a ces fameuses Lois Naturelles.
S’entendre avec qui ?
Singulier « fantôme » : il leur ouvrit les yeux
Si quelqu’un a quelque chose à dire sur les Lois Naturelles, je serais porté à penser que ce sont les savants. Que beaucoup de savants soient enclins à ne croire rien, et surtout pas ce que disent leurs collègues, cela est sûr. Qu’il y ait des Lois Naturelles, c’est l’espoir de tous, puisqu’ils travaillent à les découvrir. Mais quant à en dire les limites, si l’un d’eux affirmait les connaître, il n’obtiendrait qu’un succès modéré, car cela reviendrait à annoncer :
– Messieurs, voilà, j’ai le triste devoir de vous mettre tous à la retraite, car je suis arrivé au dernier mot des choses et vous voudrez bien, je vous prie, vous recycler désormais dans la limonade ou l’artichaut4.
Mais revenons aux choses sérieuses, c’est-à-dire à la Résurrection.
« Il leur expliquait la loi et les prophètes » et comment il fallait que le Fils de l’Homme mourût, puis revînt d’entre les morts. Tous trois marchaient vers Emmaüs sous le soleil de Pâques, encore en plein jour, puisqu’à la fin de l’étape il est dit que le soir tombe et qu’Emmaüs est à quelque dix ou douze kilomètres de Jérusalem, selon les textes, et à une trentaine, selon les archéologues. Plus tard, quand Il aura disparu, ils se diront l’un à l’autre (Luc 24, 32) : « Notre cœur ne brûlait-il pas lorsqu’il nous parlait en chemin ? »
Voilà donc deux hommes qui marchent aux côtés de leur maître bien-aimé, qui l’écoutent, le regardent, l’interrogent, tout cela en plein jour, et ils ne le reconnaissent pas. « Leurs yeux », est-il dit dans le texte grec, « étaient impuissants à le reconnaître, ekratounto… me (empêchés, écrivent certaines traductions). Un peu plus loin (Luc 24, 36 et la suite), il apparaît parmi les autres, et les voilà épouvantés, ils croient voir un fantôme. Un fantôme ? Reprenons nos sens. Les patientes de Janet à la Salpêtrière5, les survivants des grandes catastrophes (c’est le cas des Apôtres), croient voir des fantômes : quelques mots magiques tels que traumatisme, choc psychologique, ou même, si l’on veut être plus moderne, hypoglycémie sanguine par suite de stress, etc…, suffisent à faire rentrer le mystère dans le catalogue des Lois Naturelles.
Mais le « Fantôme » les gronde doucement : « Qu’allez-vous chercher là ? Voyez mes mains et mes pieds, touchez-moi », etc. Et mieux encore : « Avez-vous quelque chose à manger ? », et surtout (V. 44/45) : « Il leur ouvrit les yeux »6.
Il fallait je ne sais quel surcroît du cœur
Il résulte bien de tout cela que l’on pouvait regarder le Ressuscité pendant des heures, manger avec lui, lui parler sans le reconnaître. Pour le reconnaître, il fallait qu’il le voulût. Il fallait je ne sais quel surcroît du cœur et de la pensée que même les Apôtres d’eux-mêmes n’avaient pas. Ah, la Résurrection, que voulez-vous, ce n’est pas un événement livré à la présomption du premier discutailleur venu, ni d’aucun discutailleur du tout. C’est un Mystère. Un Mystère, voilà tout.
« S’il n’est pas ressuscité, alors notre foi est vaine » : ultime secret de la foi, peut-être. L’Apôtre a-t-il voulu dire : « Si sa Résurrection n’est qu’une blague, alors, on nous a bien eus ». Je crois que non, pas du tout.
L’Histoire tourna sur son pivot de ténèbres
Ce n’est pas ce qui est écrit dans les Évangiles.
Mais il ne faut pas refuser de lire ce qui est écrit. Quand Jésus fut mort et enseveli, que croyaient les Apôtres ?
Ce qu’ils croyaient alors, ils le disent, et ce n’est pas le Christianisme (Luc 24, 20, 21) : « Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël. Et puis, voilà, il y a trois jours qu’on l’a crucifié et qu’il est mort ». L’enseignement de Tibériade, le Sermon sur la Montagne, l’ont-ils oublié ? Non ! Mais (verset 19) « Jésus était un prophète puissant en œuvres et en paroles », un prophète de plus, grand, certes, mais mort et vaincu comme les autres.
La foi chrétienne n’a été révélée et enseignée qu’après le Golgotha. Le christianisme n’aurait simplement pas existé sans la Résurrection7.
Sans la Résurrection, quelque chose en fût resté, ce n’eût été qu’une manière d’essénisme. Tout l’enseignement antérieur à la Résurrection ne prend son sens que par elle, n’aurait jamais envahi le cœur des hommes et fait le tour de la terre sans elle.
Si nous sommes là, vous et moi, hommes et femmes du XXe siècle, c’est que notre place est là. Si les cœurs simples et purs parmi lesquels Il choisit de se montrer ne comprirent pas ce qu’ils virent, alors nous !
Le moment où l’Histoire du monde tourna sur son pivot de ténèbres, où l’incompréhensible tragédie devient promesse pour tous les siècles à venir, ne dura que quelques secondes (Jean 20, 11, et la suite)8.
« Marie se tenait dehors, près du tombeau, et pleurait… Jésus lui dit : « Marie ! » Elle se retourna et lui dit en hébreu : « Rabbouni ! c’est-à-dire : Maître ! »9
C’est alors que tout prit un sens, à jamais.
Aimé MICHEL
Chronique n° 373 parue dans F.C.-E. – N° 1896 – 15 avril 1983. Pâques cette année-là était le 3 avril.
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Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 6 avril 2015
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 6 avril 2015
- De nombreux théologiens et exégètes contemporains se sont montré très embarrassés par les « miracles » relatés dans les Écritures. Il est arrivé à Aimé Michel de nommer certains d’entre eux qui ont excité sa verve, par exemple dans les chroniques n° 87, L’énigme du deuxième cadavre (10.05.2010) ou n° 239, Relectures groucho-marxistes (21.12.2012). L’un des plus célèbres de ces théologiens fut Rudolf Bultmann qui, comme on l’a vu, « liquida » la naissance virginale de Jésus, ses miracles, sa résurrection physique, sa descente aux enfers etc. ; qui n’étaient à ses yeux que de simples vestiges d’une conception mythologique du monde aujourd’hui caduque (chronique n° 233, Éloge de Lucky Luke – Il y a folie à vouloir tout expliquer dans le cadre du peu qu’on sait (15.12.2014).
- De nombreux ouvrages ont traités en tout ou partie de la Résurrection. Deux d’entre eux, entièrement consacrés à ce sujet, m’ont particulièrement intéressés. Tous deux ont le mérite de s’écarter résolument de l’exégèse majoritaire, laquelle, selon le cardinal jésuite Jean Daniélou, « ne voit dans les évangiles que le témoignage de la foi de la première communauté chrétienne et non le témoignage rendu à un évènement historique par ceux qui y ont été mêlés » (La Résurrection, Seuil, Paris, 1969). Les présupposés positifs (une foi communautaire tardive) et négatifs (l’exclusion du « miracle ») de cette exégèse majoritaire expliquent son caractère flou et « littéraire » (pour ne pas dire verbeux) en contraste avec la précision de l’exégèse prenant le témoignage des évangiles au sérieux. Le livre du linguiste Maurice Pergnier : La résurrection de Jésus de Nazareth : énigme, mystère et désinformation, Éditions du Rocher, Monaco, 2006 (sur l’auteur, voir http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=6645), est une étude factuelle des récits de la Résurrection dans le Nouveau Testament, leurs contradictions, leur valeur historique et leurs explications possibles. Celui de l’ingénieur et prêtre Thomas Kowalski (1933-2003), Les témoins de la résurrection de Jésus du tombeau vide à l’Ascension (Parole et Silence, 2002) est un examen minutieux des textes qui se signale par son érudition, sa rigueur, sa clarté et sa concision. C’est le second, et seul publié, des trois tomes que devaient comprendre cet ouvrage. (On aimerait savoir ce que sont devenus les deux autres manuscrits et s’ils seront un jour publiés). Dans une homélie prononcée le 18 mars 2003 lors des obsèques du père Kowalski, Jean-Marie Lustiger a donné d’utiles précisions sur la vie et les méthodes de ce dernier. « Je me souviens, raconte-t-il, d’un premier congé qu’il m’avait demandé dans les années 63 ou 65, pour un séjour prolongé au bord du lac de Tibériade. Pourquoi? “Je veux, m’avait-il dit, essayer de comprendre ce que disent les synoptiques sur la traversée du lac lors de la multiplication des pains.”. C’était typique de la manière dont Thomas posait les questions. Au retour, il ne nous a rien dit de ses conclusions. Mais j’ai saisis qu’il avait alors entrepris de mettre toutes ses forces dans une recherche rigoureuse, alors négligée, voire abandonnée par les travaux exégétiques dominants. Il prenait pour hypothèse de départ (au sens du raisonnement scientifique) qu’il ne fallait pas soupçonner a priori l’Évangile de n’être qu’une affabulation de la communauté croyante. Et ce, alors même qu’il pouvait manier – et il le faisait admirablement – tout l‘arsenal de l’analyse des textes; Thomas partait de l’hypothèse que l’Évangile attestait en vérité le mystère du Christ. Il a pris les choses avec son esprit scientifique, il vérifiait jusqu’au bout ce qui était vérifiable : lieux, chronologie, etc. Mais, poussé par cette quête spirituelle, il a débordé de toutes parts ce que la plupart des exégètes étaient capables de faire : par exemple, pour vérifier des indications climatiques données par la Bible (sécheresse, etc.) il a systématiquement exploité des carottages géologiques des recherches pétrolières; et combien d’autres domaines encore ! » (http://www.institutlustiger.fr/documents/OC/JML_2003_03_18_Homelie_St_Christophe_de_Javel_obseques_Pere_Kowalski.pdf)
- Saint Paul s’est exprimé sans ambiguïté à ce sujet dans sa première lettre à l’église de Corinthe, église qu’il fonda lors d’un séjour de dix-huit mois dans cette ville vers 50-52 : « Or, si l’on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Mais si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vide, vide aussi votre foi. (…) Si c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. (…) Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons. » (Cor. 1, chap. 15, v. 12-14, 19 et 32). On remarquera que la difficulté d’admettre la résurrection ne date pas de l’avènement de la pensée scientifique. Déjà quand Paul en parle aux philosophes athéniens « les uns se moquent, les autres disent : nous t’entendrons une autre fois » (Actes, chap. 17 , v. 32). Ici, la contestation monte de chrétiens de Corinthe. Les choses n’ont guère changé de nos jours où tant la résurrection du Christ que l’existence d’une vie au-delà de la mort sont tenus pour des mythes. « C’est pourquoi, note Jean Daniélou, la réfutation que saint Paul donne dans la première Épître aux Corinthiens de ceux qui contestent la résurrection des morts garde aujourd’hui toute sa valeur. » (op. cit., p. 82).
- Aimé Michel a présenté plusieurs fois cet argument de l’inachèvement des sciences. Outre la chronique n° 233 (ci-dessus), il est développé dans les chronique n° 160, La science et le mystère – Rousseau, Gödel et saint Vincent de Paul (18.07.2011) et n° 340, Il faut tourner sept fois sa langue avant de dire que c’est absurde – L’insuffisance du raisonnement purement verbal et la nécessité de la vérification (12.05.2014).
- Pierre Janet, concurrent malheureux de Freud, a fait l’objet de la chronique n° 148, Janet et la découverte de la conscience – Ou comment des découvertes importantes peuvent sombrer dans l’oubli (22.07.2013).
- Les compagnons d’Emmaüs font l’objet du chapitre 3 du livre de Thomas Kowalski (op. cit.). On y apprend que Cléopas, le seul des compagnons nommés par Luc, est probablement le Clôpas de Jean 19, 25, époux d’une des Maries qui se tenaient au pied de la croix. Ce Cléopas serait le frère de Marie, la mère de Jésus, et le père de Jacques et Joseph, les fameux « frères de Jésus ». Il aurait quitté Jérusalem avec son épouse le dimanche de Pâques vers 9 heures du matin pour rejoindre sans attendre le domicile conjugal en Galilée (ce qui expliquerait l’apparition « en chemin » à deux Maries notée par Matthieu 28, 8-9) si bien que les disciples d’Emmaüs auraient été trois en réalité. Ils auraient parcouru à pied les 30 km (160 stades) les séparant du village arabe d’Amouâs (= Emmaüs), rasé lors de la Guerre des Six Jours en 1967, où ils seraient arrivés vers 15 heures. Après avoir reconnu le Christ, ils auraient loué des montures pour revenir plus rapidement à Jérusalem où ils seraient arrivés vers 19 heures pour avertir les Onze et leurs compagnons rassemblés au Cénacle.
- La naissance du christianisme demeure une énigme historique majeure. En effet, si l’on repousse le témoignage des évangiles et que l’on reste dans le cadre des faits scientifiques connus et acceptés, on peine à répondre à deux questions : Comment un prophète crucifié et des apôtres découragés ont-ils pu donner naissance à une religion nouvelle ? Comment un homme, Jésus, a-t-il pu être divinisé en milieu juif ? Comme l’écrit Jean-Christian Petitfils (Jésus, Fayard, Paris, 2011, pp. 476-478), « l’histoire des religions est emplie de personnages élevés au rang de dieux pendant leur vie ou après leur mort : rois, empereurs, mages ou gourous. L’étonnement tient au fait que c’est du peuple juif, au sein de la religion la plus monothéiste qui soit, qu’un homme crucifié comme un esclave a été porté sur les autels. (…) Un fait demeure, inexplicable rationnellement, outrepassant les frontières de l’improbable. Tout aurait dû s’arrêter à la pierre roulée au tombeau de Joseph d’Arimathie, creusé près d’un jardin, aux portes de Jérusalem. Abattus après l’arrestation de leur maître et la tragédie du Golgotha, les disciples étaient anéantis par sa mort ignominieuse sur une poutre. Or étrangement tout a commencé là. » Jean Guitton y insiste : « l’idée de la divinité d’un homme avait contre elle toute la tradition antérieure des penseurs religieux juifs. » Pour eux Dieu était unique et irreprésentable, si bien qu’il ne pouvait exister qu’une distance infranchissable entre Lui et le Messie que certains attendaient. « Un Dieu sous forme d’homme était donc deux fois impensable, deux fois abominable. (…) La divinité de Jésus n’était point dans l’horizon des Juifs. Or, (…) voici que, tout d’un coup, par une mutation brusque, en Asie et en Europe, aussitôt après la mort de Jésus (…) on voit paraître ce culte du Christ-Dieu. (…) Il n’y a pas d’intervalle, ni de progrès, ni de transition, ni de passage. Cela n’était pas. Cela a été (…) » (Jésus, Le livre de poche Grasset, 1956).
- Sur « l’incompréhensible tragédie » qu’est la vie dans l’univers voir par exemple la chronique n° 257, Le Dieu des savants – Les horreurs de la nature et la loi morale dans un univers animé par une pensée (25.02.2013).
- Ce passage revêt une importance particulière. Les dernières lectures d’Aimé Michel étaient les évangiles. La veille de sa mort, il dit à sa fille « J’ai trouvé la grande paix » en se référant à un passage de l’évangile de saint Jean (chapitre 20, versets 15 et 16). Rappelons ici le passage entier : 11 Cependant Marie se tenait dehors près du tombeau et pleurait. Tout en pleurant, elle se penche vers le tombeau 12 et voit deux anges vêtus de blanc, assis là où reposait le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds. 13 Ceux-ci lui disent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « C’est qu’on a enlevé mon seigneur et je ne sais où on l’a mis. » 14 Sur ces mots, elle se retourne et voit Jésus qui se tenait là ; mais elle ne savait pas que c’était Jésus. 15 « Femme, lui dit Jésus, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Elle, croyant que c’était le jardinier, lui répond : « Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. » 16 Jésus lui dit : « Marie ! » Se retournant, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! » (c’est-à-dire « Maître ! ») – 17 « Ne me retiens pas ainsi, lui dit Jésus, car je ne suis pas encore monté vers le Père ; mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » (traduction d’E. Osty). Remarquons au passage que, comme les deux hommes en marche vers Emmaüs, Marie ne reconnaît pas Jésus tout de suite. Cette Marie la Magdaléenne (ce qui a donné Madeleine en français), venue de la petite ville de Magdala sur la côte orientale du lac de Galilée, ne doit pas être confondue avec la pécheresse qui avait oint les pieds de Jésus d’un parfum précieux (Luc, 3-9) dont Jean (12, 1-8) nous apprend qu’il s’agit de Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare. Marie de Magdala, elle, avait été guérie par Jésus d’une grave possession (Marc, 16, 9 ; Luc, 8, 2) que l’on peut interpréter comme un trouble mental. Or, elle est la première personne à laquelle le Christ ressuscité s’est manifesté. Cette priorité qui lui est accordée a fait difficulté pour les disciples. En effet, quand elle vient rapporter la rencontre près du tombeau vide, le groupe rassemblé au Cénacle ne la croit pas (« Mais eux (…) restèrent incrédules », Marc, 16, 11). Ils ont trois raisons de ne pas la croire : c’est une femme, son équilibre psychique est encore sujet à caution, et la révélation dont elle a bénéficié aurait dû leur être réservée d’abord à eux, les Apôtres, que le Christ a choisi pour être ses témoins ! « Le scénario primitif de la Résurrection soulignait donc que le Christ avait choisi parmi la foule des possédés la femme démoniaque la plus indigne d’un tel privilège. » (Kowalski, op. cit., p. 13). Mais c’était un choix bien conforme à l’esprit des évangiles.