Hier, j’évoquais la crise politique d’un État en proie aux problèmes très délicats de la sécurité publique. Mais je lis, ici ou là, que ce même État serait dans une logique de concentration extrême des pouvoirs et donc en péril de tentation étatique et autoritaire. Nous serions en régime d’exception, en situation d’urgence permanente. Ce genre d’analyse trouve en moi quelque écho, tant je suis rebuté souvent par l’atteinte aux libertés fondamentales. J’avoue que l’affaire de la restriction à trente personnes pour la messe m’a plus qu’indisposé. L’atteinte à la liberté concerne ici la part la plus personnelle, la plus intime de l’être, et le fait qu’on puisse ainsi porter atteinte à la liturgie ne m’est pas supportable.
Est-ce affaire de régulation politique ? C’est possible, mais il en va pour moi d’abord des personnes. La liberté, ce n’est pas un mot inscrit sur des bâtiments publics. C’est l’affirmation de ce qu’il y a de plus essentiel en nous et qu’on ne saurait abdiquer devant aucune coercition extérieure. Est-ce de l’anarchisme ? Peut-être un peu, mais un anarchisme qui n’est pas sans boussole, qui est au contraire préoccupé du nord magnétique nécessaire à sa conduite. C’est le grand George Orwell qui se définissait comme anarchiste conservateur. Il se fait que je relis en ce moment son fameux roman 1984, qui, par-delà sa description fantasmatique du totalitarisme, met en valeur la force morale de celui qui résiste de tout son cœur.
C’est cette résistance morale qui compte d’abord, c’est elle qui fait que l’on réclame le droit à la messe, dont l’État ne saurait être le gérant ou l’organisateur. Le droit à la messe, c’est au-delà du droit lui-même, l’expression de l’âme qui défie toute tyrannie.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 1er décembre 2020.