Le récent référendum irlandais à propos de l’avortement a ranimé chez nous un débat sur la gravité d’un mal sur lequel le concile Vatican II, dans la constitution Gaudium et spes, s’est prononcé avec la plus grande netteté : « Dieu, maître de la vie, a confié aux hommes le noble ministère de la vie, et l’homme doit s’en acquitter d’une manière digne de lui. La vie doit donc être sauvegardée avec un soin extrême dès la conception : l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables. » Dans la même constitution conciliaire, l’avortement est associé à l’euthanasie et au suicide délibéré, comme si Vatican II avait anticipé sur l’évolution morale du monde occidental. Il ne devrait donc y avoir aucune équivoque sur la doctrine de l’Église, rappelée par tous les papes depuis lors, de Jean-Paul II à François qui s’est référé, sur le sujet, explicitement à Gaudium et spes. Faut-il rappeler aussi que le Pape actuel a permis aux prêtres de donner l’absolution en cette matière, pour qu’aucun obstacle ne s’interpose « entre la demande de réconciliation et le pardon de Dieu ».
Il n’y avait de sa part nulle intention de banaliser une faute grave parce qu’elle met fin à une vie innocente, mais il y avait au contraire le désir de proposer la miséricorde divine pour permettre à tous d’intérioriser à la fois la conscience de la faute et la nécessité de se réconcilier avec Dieu. Se réconcilier aussi avec soi-même, en assumant l’absence de l’enfant disparu dont seule la charité d’un Dieu vivant permet d’être consolé. Il ne s’agit donc pas de jeter l’opprobre mais de tendre la main avec la sollicitude de cette grâce mystérieuse qui est confiée au ministère des prêtres. Indépendamment de ce recours sacramentel, les exhortations du concile pourraient paraître trop dures. Mais, parallèlement, l’oubli et le mépris de la gravité de la faute justifieraient un déni de la responsabilité humaine et nieraient l’abîme que constitue la transgression d’un commandement fondamental : tu ne tueras pas.
C’est pourquoi il n’est pas possible de traiter à la légère la polémique qui vient d’intervenir entre la direction de La Croix et le philosophe Thibaud Collin parce qu’elle laissera forcément des traces. Isabelle de Gaulmyn, en établissant une différence « entre une vie déjà là, celle de la mère et une vie en devenir » s’est exposée à une dévalorisation de l’enfant en gestation, lourde de conséquences. Ce n’est pas en supprimant le blog de Thibaud Collin que notre confrère mettra fin à une interpellation morale d’une telle importance. Ce n’est pas l’expression infamante de « vichysme mental » qui compte en l’espèce mais ce qu’elle désigne et qui concerne la conviction de l’Église. La Croix partage-t-elle vraiment cette conviction ou considère-t-elle que la suppression d’une vie en condition fœtale représente un moindre mal ? Un moindre mal qui expliquerait le respect du quotidien envers la transgression inscrite bientôt dans la loi en Irlande ?
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