M. André de Cayeux, professeur à l’Université Laval (Québec)1, me reproche amicalement de n’avoir pas cité dans mes articles sur Darwin les précurseurs qui n’ont jamais accepté le dogme néo-darwinien.
C’est vrai. Et M. de Cayeux souligne justement que ces rebelles furent toujours un petit nombre. Il est toujours plus facile et moins dangereux d’être de l’avis du grand nombre. Dès 1937 (et peut-être avant), Pierre-Paul Grassé, maintenant président de l’Académie des Sciences, montrait les difficultés insurmontables d’une explication strictement néo-darwinienne de l’évolution (a). Cuénot aussi, un peu plus tard, dans un livre toujours passionnant (b), et Paul Wintrebert, et Dechambre, et l’Écossais Waddington, et notre ami Rémy Chauvin, et André de Cayeux lui-même2, dans un livre que je suis d’autant plus inexcusable d’avoir apparemment oublié que je l’avais préfacé (c) !3
De Cayeux avait même mis exactement le doigt (p. 297) sur ce que précisément l’Américain Temin a découvert en 1970, à savoir que le germen (on dit maintenant l’ADN) peut subir certaine influence directrice extérieure.
Évolution et darwinisme
Mes précédents articles sur Darwin4, citant les travaux récents qui décrivent des cas avérés et expérimentalement démontrés d’une modification de l’ADN programmée de l’extérieur, m’ont d’ailleurs valu un courrier abondant et où, je dois le dire, j’ai très souvent retrouvé l’éternelle confusion entre darwinisme et évolution.
– Comment pouvez-vous parler de la « fin du darwinisme », me demande M. C…, de Lyon, alors que vous-même avez consacré récemment plusieurs articles aux ancêtres préhominiens de l’homme ?5
Cher Monsieur, l’évolution est un fait évident. J’en donnerai tout à l’heure quelques étonnants exemples encore récemment découverts. Mais Darwin, ce n’est pas l’évolution ! L’hypothèse (maintenant démontrée) de l’évolution se trouve déjà dans la Philosophie zoologique de Lamarck (1809), chez plusieurs auteurs du XVIIIe siècle (Diderot, Demaillet, La Mettrie, pour ne citer que des Français) ; et même, en cherchant un peu, sûrement chez les Grecs de l’Antiquité, qui avaient pensé à tout.
Darwin, ou plutôt le néo-darwinisme de Weismann et G. G. Simpson, devenu une sorte de bible des esprits forts, c’est la théorie expliquant l’évolution par (et seulement par) les mutations aléatoires, au hasard, et la sélection. Le darwinisme de Darwin n’affirmait au fond que peu de choses : que les espèces se transforment peu à peu, et qu’elles le font sous l’effet de la « lutte pour la vie ». Darwin n’a jamais précisé par quel mécanisme l’enfant pouvait présenter des caractères ne se trouvant ni dans la lignée paternelle ni dans la lignée maternelle. Il n’excluait même pas absolument l’hypothèse lamarckienne jamais démontrée d’après laquelle les caractères acquis par les parents au cours de leur vie pourraient éventuellement se transmettre à leur descendance.
Si bien que le darwinisme originel peut être conservé dans la mesure où il n’est qu’une description, non une explication. Le néo-darwinisme, en revanche, c’est l’exclusion absolue de tout mécanisme autre que celui du pur hasard dans l’apparition de nouveaux êtres. C’est ce darwinisme-là qui donne son fondement au matérialisme philosophique et religieux. C’est lui que les expériences de Temin ont abattu en montrant que certaines mutations cellulaires sont programmées de l’extérieur, qu’elles ne se produisent pas au hasard. Elles résultent d’une action rétrograde de l’ARN sur l’ADN en fonction d’un but, un but qui est la propagation du virus parasite.
Si cette action rétrograde se produit dans certains cas, c’est donc qu’elle est possible. La philosophie néo-darwinienne exigeait l’impossibilité de cette rétroaction comme le soulignait Monod. Elle est réfutée dans une foule de cas particuliers. Donc, nous ne savons pas si l’évolution de la vie n’est pas dirigée de l’extérieur par un facteur inconnu. Le néo-darwinisme prétendait exclure cette éventualité. C’est cette prétention qui ne peut plus être soutenue.
Cela dit, l’évolution n’en est pas moins un fait qui crève les yeux. Plus la biologie progresse, et plus se multiplient les faits qui démontrent la filiation des êtres et leur parenté universelle, quoique plus ou moins lointaine. Que j’aie un ancêtre commun avec la salade ne fait aucun doute et ne me gêne d’ailleurs nullement. Cette parenté remonte très loin, certes, avant la séparation des règnes animal et végétal. Mais pour distinguer une cellule salade d’une cellule de mon cerveau pensant, il faut être biologiste. Elles se ressemblent extraordinairement. Elles sont « conçues » sur le même plan, et ce plan est si compliqué que leur ressemblance ne peut être due au hasard. Elle prouve l’unité de conception de la nature. Elle prouve un immense dessein, un dessein qui aboutit à l’homme.
Ma parenté avec la salade me rassurerait, s’il était nécessaire, sur ma parenté avec mon cousin (très éloigné aussi), le singe. Et après ? Saint François d’Assise, qui n’était qu’un saint et qui se moquait de la biologie, allait bien plus loin que cette science. Comme disait à peu près Thomas Huxley, j’aime mieux être cousin du singe que de certains à qui je pense.
Et s’il en est qui ne sont pas de mon avis, qu’ils veuillent bien méditer les quelques faits suivants, récemment découverts par des savants allemands.
Hans Hass et Irenaüs Eibl-Eibesfeldt ont commencé, voici quelques années, à collecter toutes les mimiques communes à l’ensemble de l’espèce humaine. Pour ce faire, ils ont inventé une caméra cinématographique d’une diabolique perfidie qui leur permet de filmer n’importe quelle scène sous le nez de l’intéressé sans que celui-ci se doute qu’il est dans l’objectif (d). De leurs recherches, il résulte que ces mimiques universelles sont très nombreuses. Certaines sont connues (le rire, les larmes, la colère, etc.), d’autres sont plus subtiles à mettre en évidence. L’intéressant est que beaucoup d’entre elles nous sont communes avec les singes, et surtout avec les babouins !
On sera peut-être tenté d’objecter que ces mimiques découlent de l’anatomie, et qu’elles empruntent donc leur ressemblance à notre ressemblance avec le singe. Pas du tout ! Par exemple, nous savons tous que beaucoup de mammifères, quand ils sont furieux, hérissent leurs poils pour paraître plus gros et impressionner l’adversaire. Le chat le fait. Le singe aussi. Ce qu’on ne savait pas jusqu’ici, c’est que l’homme le fait également6.
La station debout
À quoi rime chez l’homme ce hérissement d’une fourrure inexistante ? L’explication est évidente : elle témoigne d’une époque où l’ancêtre de l’homme était aussi velu qu’un gorille. Les poils ont disparu, mais pas les muscles des poils, ni le réflexe psychologique correspondant.
Voilà pour la ressemblance avec le singe. La différence n’est pas moins intéressante.
Un autre Allemand, P. Leyhausen (e), a eu, en effet, la patience de rétablir l’orientation de nos poils inexistants en étudiant la déformation de la peau provoquée par l’horripilation réflexe. Il a découvert que, contrairement à ce que l’on observe chez les singes, nos poils fantômes sont dirigés vers le haut sur les épaules et sur les bras. Vers le haut, qu’est-ce à dire ? Tout simplement que, quand nous avions encore l’avantage d’une toison aussi épaisse que celle du gorille, nous étions déjà des êtres verticaux. L’animal d’où descend l’homme ou plutôt d’où il monte, était déjà un être au visage prédestiné tourné vers les étoiles. Au lecteur qui, comme moi, trouve ces découvertes passionnantes, je ne saurais trop recommander la première traduction de Eibl Eibesfeldt en français (f). Ce savant dont j’ai eu l’occasion de parler maintes fois ici7 est enfin révélé à notre public. On y découvrira, pour la première fois aussi, l’éthologie humaine, qui est une source inépuisable de méditation.
Aimé MICHEL
(a) P.-P. Grassé : Comment apparaissent les variations (Encyclopédie française, tome V, 1937).
(b) Lucien Cuénot : L’Évolution biologique (surtout les derniers chapitres).
(c) A. de Cayeux : 30 millions de siècles de vie (Paris, 1958).
(d) I. Eibl Eibesfeldt : Ethology (Londres, 1970, p. 413, fig. 260).
(e) Cf. la communication de ce biologiste au Congrès d’éthologie de Rennes (2-10 septembre 1969).
(f) Eibl Eibesfeldt : Contre l’agression (Stock éditeur).
(*) Chronique n° 131 – F.C.-E – N° 1366 – 16 février 1973 reproduite dans La clarté au cœur du labyrinthe (Aldane, Cointrin, 2008, www.aldane.com), chap. 4 « Evolution biologique, pp. 131-134.
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 25 juin 2012
- André Cailleux (1907-1986), qu’Aimé Michel mentionne régulièrement (voir notamment la chronique n° 236, Teilhard de Chardin et les temps déchiffrés, Une discussion des trois idées-forces de Teilhard de Chardin, parue ici le 12.12.2011), fut une personnalité éminente par la curiosité d’esprit, la force de travail, le sens de l’humain et l’œuvre scientifique. Ses multiples talents étaient apparents dès ses années d’étudiant comme l’attestent ses trois licences, en sciences physiques (1931), en sciences naturelles (1932) et en lettres (1933). Il fut l’auteur d’environ 600 publications et d’une vingtaine de livres sur les sciences de la Terre, les sciences géographiques et la planétologie. Ses ouvrages de vulgarisation (dont plusieurs Que Sais-Je ?) ont eu un grand succès en raison de leur précision, de leur concision et de leur clarté.
« André de Cayeux de Senarpont (dit Cailleux dans les publications scientifiques pour ne pas être confondu avec un de ses maîtres de la Sorbonne, Lucien Cayeux) était un collègue célèbre parmi les spécialistes des Sciences de la Terre, pour avoir mené de front une famille de 12 enfants, tout en parcourant de nombreux pays et en publiant plusieurs centaines d’ouvrages et d’articles » écrit André Journaux dans un hommage publié en janvier 1988 dans le Bulletin n° 34 du Centre de Géomorphologie de Caen, CNRS, quelques mois après sa mort. Il poursuit : « Esprit curieux, sans cesse en alerte, toujours souriant, entretenant une correspondance prodigieuse avec des centaines de scientifiques du monde entier, il se constitua, grâce aux échanges, une bibliothèque de tirés à part et d’ouvrages, fort bien classés, qui envahissaient sa grande maison. Brusquement disparu, il laissera pour de nombreuses générations le souvenir d’un maître éminent, d’un collègue attentif et, dans la plupart des cas, d’un ami sur lequel on pouvait compter. »
Son collaborateur et ami Jean Tricart le confirme : « Cet homme hors du commun, qui, lors de la dernière visite que je lui ai faite, une quinzaine avant son décès, faisait encore des projets d’avenir, a su rester jeune intellectuellement toute sa vie. Gros travailleur, il a multiplié les expériences, ayant été titulaire de postes d’enseignement en Pologne, à la Sorbonne, au Québec. Il parlait ou lisait couramment une dizaine de langues germaniques et slaves et … rédigeait parfaitement le français ! C’est lui qui m’a appris, alors que j’étais licencié ès lettres et agrégé d’histoire et de géographie, à rédiger un article scientifique, avec une précision et une concision digne des grands prosateurs contemporains que sont de Gaulle et Mitterrand. Ni la vie ni l’âge n’avaient émoussé sa curiosité, aucune expérience ne chassait l’autre : elles s’accumulaient et se renforçaient par un effet de synergie. (…) Comme tous ceux qui sont conscients de leur valeur, A. Cailleux était fier : il n’était pas orgueilleux. Il respectait les humbles, qui en étaient conscients et qui souvent, ont consacré une partie de leur temps à faire des recherches sous sa direction ou avec lui, puisqu’il n’a jamais bénéficié d’un collaborateur technique du CNRS. » (Bulletin de l’Association française pour l’étude du Quaternaire, 1987-2, pp. 67-68).
On trouvera plusieurs autres témoignages de ses collègues et élèves sur la vie et l’œuvre de ce savant attachant sur le site http://acds.hautefort.com. Mentionnons encore l’un d’entre eux, François Ellenberger, qui cite deux extraits significatifs d’un Que Sais-Je ? d’A. Cailleux : « consacrons beaucoup de temps à un petit nombre de choses, et peu de temps à un grand nombre » et « S’évader du conformisme, critiquer, ne pas accepter telles quelles les idées reçues, n’en retenir que l’énoncé minimum, seul solide. Inversement résister à la séduction de l’exceptionnel, du paradoxal… Garder son bon sens, tenir compte des fréquences » (Histoire de la géologie, 1961, pp. 123-126). Ellenberger commente : « Il importe de ne pas juger avec les mêmes critères, dans son œuvre, ces deux sortes de travaux, les recherches monographiques très poussées, et les “coups de sonde” qui pour être parfois éphémères ou hâtifs, peuvent, pourront, nous suggérer d’intéressantes pistes à exploiter nous-mêmes. Cet homme était un infatigable semeur d’idées. Elles ont pu parfois déconcerter, comme tout ce qui rompt avec le conformisme des engouements collectifs majoritaires, volontiers réducteurs et à œillères. La stratégie de la science “officielle” n’aime pas du tout les francs-tireurs, les individualistes, les passionnés de liberté comme l’était André Cailleux (mais il n’en avait cure). Elle entend programmer, orienter, encadrer, concentrer les moyens entre quelques mains, quelques équipes. Ce faisant, ne se prive-t-elle pas des indispensables et dérangeants novateurs sans lesquelles elle finira par piétiner lourdement ? » (Comité français d’Histoire de la Géologie, 3e série, tome 1, n° 12, 1987).
Cette dernière citation permet de mieux comprendre la solide amitié qui liait André Cailleux et Aimé Michel et leur longue correspondance qui s’étendit de 1955 à 1986. Tous deux étaient des passionnés de science que leur curiosité universelle et leur indépendance d’esprit conduisaient à se défier des opinions majoritaires. Ils avaient conçu le projet d’écrire ensemble avec Lucien Romani un livre de synthèse qui se serait intitulé Trois regards sur la vie, mais il ne fut jamais achevé…
- Cette liste est bien entendu fort incomplète. Dans son livre La Raison malmenée. De l’origine des idées reçues en biologie moderne (CNRS éditions, Paris, 2002) le biologiste Gérard Nissim Amzallag l’étend et expose les racines historiques des idées réductionnistes et darwinistes actuellement dominantes en biologie. Il soutient que des voies de recherche potentiellement intéressantes ont été abandonnées ou négligées. Il montre comment certaines études ont été découragées par le ridicule et l’intimidation. Il dénonce les errements, voire les détournements de la méthode scientifique. (On notera au passage les nombreux parallèles avec l’histoire du somnambulisme, voir note en marge de la chronique n° 23, La psychanalyse : connaissance ou chimère ?, parue ici le 07.12.2009 : aucune discipline ne serait donc épargnée). Même si on ne le suit pas dans toutes ses critiques, ce livre courageux conforte la conception d’Aimé Michel selon laquelle la science contemporaine verra ses résultats repris selon d’autres perspectives, comme l’ont été ceux de la science des Anciens, de la Renaissance ou des Classiques ; et que la vision du monde inspirée par cette même science sera profondément révisée, car les grandes constructions sont plus fragiles que les faits élémentaires sur lesquelles elles reposent. Cette conception présente certes des dangers, mais, à tout prendre, moindres que le conformisme, insidieusement encouragé, et de multiples façons, par l’organisation actuelle de la recherche.
- Ce livre d’André de Cayeux, Trente millions de siècles de vie, fut publié initialement en 1959 dans une collection dirigée par Aimé Michel intitulée « Les deux infinis », puis une version remaniée avec une nouvelle préface d’Aimé Michel parue sous le titre Trois milliards d’années de vie dans l’Encyclopédie Planète, en 1964. Il traite de l’évolution de la vie sous un angle original : quantitatif et temporel. Lors d’une tentative de réédition en 1981, Cailleux en faisait la présentation suivante :
« A l’époque, bien qu’étant géologue d’origine, j’avais mission d’enseigner la biologie. L’histoire de la vie, quel sujet est plus passionnant ? Et justement, j’ai voulu l’envisager d’une façon nouvelle, en faisant état de travaux quantitatifs et statistiques, comme ceux de Gerald Gaylor [sic, en fait George Gaylord] Simpson aux Etats-Unis, de Small en Irlande, de mes amis et de moi-même en France. Ainsi, par exemple, le nombre des espèces différentes d’animaux ou de plantes a été en augmentant au cours des temps géologiques, en progression sensiblement géométrique. » Au cours du temps « la plupart des espèces d’animaux et de plantes sont devenues plus complexes, et elles n’ont pu coexister qu’en se spécialisant ». Les échelons successifs des aptitudes psychologiques des animaux ont été franchis en des temps de plus en plus courts (j’ai choisi ce graphique de Cailleux pour illustrer mon article du hors-série intitulé « Extraterrestres : où sont-ils ? » de Ciel & Espace à paraître en juillet 2012 ). « Et une accélération semblable s’est poursuivie ensuite dans le genre humain, sur le plan des techniques. »
Dans ce texte, Cailleux mentionnait au passage la contribution d’Aimé Michel : « Pourquoi ai-je écrit trois milliards d’années de vie ? Très franchement, parce que mon ami Aimé Michel, auteur bien connu de plusieurs intéressants ouvrages, me l’a conseillé. (…) Le titre de mon livre ? Il a été trouvé non par moi, je le confesse, mais par Aimé Michel. Or plus je vais, plus je me convainc qu’il exprime, mieux encore que je ne l’aurais cru, d’abord, l’essentiel, je veux dire : l’importance du temps. »
Quant à la première préface, celle de 1958, intitulée Lettre à François Mauriac sur le mal fossile, c’est une méditation sur le mal et sur la mort avant l’apparition de l’homme sur laquelle nous reviendrons une autre fois. Dans le dernier courrier qu’il adresse à Aimé Michel, daté du 9 janvier 1986, André de Cayeux écrit : « L’exemplaire de 30 Millions de siècles de vie que j’avais donné à ma mère est tombé entre mes mains, et ainsi j’ai retrouvé, avec 25 ans de recul, votre préface ! Quelle pensée ! Quelle écriture ! Quelle œuvre ! ces trente pages ! N’auriez-vous écrit que cela, vous devriez être en paix. Rassuré. Vous avez donné un message d’amour, quoique vous en disiez. ».
- Quelques semaines auparavant, dans Les infortunes du hasard (chronique n° 123, parue ici le 07.03.2012), Aimé Michel relate l’importante découverte deux ans plus tôt par H. M. Temin (1934-1994) d’une enzyme virale, la transcriptase inverse, qui permet d’obtenir de l’ADN à partir de l’ARN : « dans le sarcome des poules, l’acide ribonucléique (ARN) du virus responsable est capable d’inscrire son information dans l’acide désoxyribonucléique (ADN) de la cellule qu’il parasite ». C’est contraire au « dogme central » de la biologie moléculaire, si bien que la semaine suivante (29 décembre) Aimé Michel croit pouvoir annoncer La fin du darwinisme. En 1975 Temin obtiendra le prix Nobel pour sa découverte.
- La fin du darwinisme est le titre (fort prématuré) de la chronique n° 124, parue ici le 14.05.2012. Sur la regrettable confusion entre le fait de l’évolution et les théories qui l’explique, voir notamment les chroniques n° 100, La bicyclette de Darwin (L’évolution s’observe, s’expérimente et se mesure), parue ici le 28.11.2011.
- La pilo-érection (ou horripilation) est appelée plus communément « chair de poule » car cette réaction réflexe est provoquée également par le froid. Dans ce cas, le redressement des poils a pour effet, au moins chez les mammifères au pelage abondant, d’augmenter la couche d’air immobilisée entre les poils. L’air étant un bon isolant thermique, cette couche protège l’organisme de l’air froid extérieur. Chaque poil est munis d’un petit muscle (dit arecteur). Quand ce muscle se contracte le poil se redresse en provoquant les petits grains caractéristiques de la « chair de poule ». La contraction du muscle est déclenchée par la noradrénaline que libère un neurone appartenant au système sympathique. Dans le cas de la réaction au froid, ce neurone est commandé par l’hypothalamus, une zone du cerveau qui reçoit les informations en provenance des 200 000 thermorécepteurs présents dans la peau et qui, en permanence, mesurent la température de celle-ci. Dans le cas de la peur, les mécanismes cérébraux sont plus complexes, mais font également intervenir l’hypothalamus.
La pilo-érection est décrite plus longuement dans la chronique n° 349, [Paléontologie du sublime, dans La clarté au cœur du labyrinthe, op. cit. p. 218.
- Sur ce livre classique d’Irenäus Eibl-Eibesfeldt, voir les chroniques n° 32, Ces dames du Manifeste (20.12.2009) et aussi, en note, les n° 79, L’importance des premières années (Empreinte et éducation précoce, 20.06.2011) et n° 84, La poule et l’âge de raison (L’importance des premières années, suite et fin, 04.07.2011).