9 - ET LA RÉVOLUTION NATIONALE ? - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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9 – ET LA RÉVOLUTION NATIONALE ?

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ET LA RÉVOLUTION NATIONALE ?

A ce point de la recherche des effets et retombées de la FNC, une question « chaude » s’impose : la Fédération Nationale Catholique n’a-t-elle pas anticipé l’idéologie de la Révolution nationale ? Davantage ! N’en a-t-elle pas été un des fourriers ?

Réponse en trois temps :

– Nou pour éluder la réponse mais parce que ce rappel est méthodoliquement nécessaire ; rappelons le diagnostic de Robert O Pasxton : « Vichy n’est pas d’un bloc. Des auteurs ont voulu n’y voir qu’un nazisme d’importation, le triomphe de Maurras ou même du personnalisme des années 30. Mais… Vichy est aussi complexe que les divers groupes qui, sortis des coulisses, occupent le devant de la scène laissée libre par la « médiocrité » de la IIIe République… Il est utile de grouper les tendances de Vichy autour de plusieurs pôles : ordre moral catholique ou ordre moral nationaliste et païen de certains chefs pro-fascistes ; Etat fédéral ou centralisé ; économie communautaire ou capitaliste ; moyen de persuasion ou de coercition » (in La France de Vichy, éd. Seuil, 1972, ch. 2).

De son côté, Daniel Lindenberg a montré que la « Révolution nationale » n’était que l’aboutissement d’une longue crise intellectuelle multidimentionnelle et d’une sorte d’exténuation de la culture républicaine. (cf. Les années souterraines, 1937-1947, éd. La Découverte, 1990).

Indéniablement, des noms de leaders de la FNC se sont trouvés occuper à Vichy des postes non négligeables ou davantage. En particulier Xavier Vallat, fondateur de la Légion Française des Anciens Combattants, une des structures-clés du régime ; puis du 21 mars 1941 au 6 mai 1942, commissaire aux Questions juives (où, ayant exaspéré les Allemands, il fut remplacé par Louis Darquier de Pellepoix). Autre nom tonitruant : Philippe Henriot. Egalement, plus discrètement – au moins dans l’opinion : Jean Le Cour Grandmaison, conseiller national et conférencier dans les centres de formation de la Légion. Sans compter son patronage de l’hebdomadaire « Demain ».

Assurément, il n’y a aucune raison pour que nombre d’adhérents n’aient pas suivi le même itinéraire. Deux séries de circonstances les y poussaient comme irrésistiblement. L’une de fait : la condition d’Ancien Combattant. Comme beaucoup d’hommes avaient acclamé le général de Castelnau, vainqueur du Grand Couronné, lors des rassemblement de la FNC, beaucoup allèrent à la « Légion » pour soutenir ou au moins acclamer le vainqueur de Verdun.

Les autres considérations sont de nature idéologique. Evidemment, « l’antimaçonniste » et l’anticommunisme trouvèrent sous le régime de Vichy leur aboutissement. Enfin, il y eut le facteur religieux. D’une part, les satisfactions accordées à la religion : mesures autorisant les religieux à enseigner, restitution des sanctuaires de Lourdes, etc. D’autre part et surtout, la tendance au « corporatisme » qui paraît inspirée de La Tour du Pin.

« Pendant quatre siècle, malgré les imperfections, les défaillances qu’il ne faut pas nier ni dissimuler, le régime corporatif avait en somme assuré l’ordre économique et la paix sociale…
« Une seule doctrine a pu faire échapper l’humanité à ces alternances d’anarchie et d’oppression que le Maréchal dénonçait… celle de la France d’autrefois. La solution ternaire – et pour lui donner son nom : la solution chrétienne rompt ce cercle et délivre la personne non l’individu – c’est à cette dernière conception que la Révolution nationale doit ramener l’esprit français » (J. Le Cour Grandmaison. Critique des idéologies de l’époque révolutionnaire. Août 1943.)

D’aucuns, à Vichy, surent jouer de La Tour du Pin aussi bien que de Péguy ! « Jouer » ? Parfois en toute sincérité !

AU SOMMET, UN « CONTRE, UN « POUR »

A vrai dire, erplié à Toulouse, la FNC fut désorganisée du fait de la division du territoire et, surtout, elle se trouva divisée. On vient de le remarquer, quelques-uns de ses dirigeants étaient devenus des notables du régime. D’autres le célébraient. Cependant, de son côté, l’antigermanisme et l’antipétainisme du général de Castelnau le gardaient de la tentation vychiste.

Dans ces circonstzances, il y avait de la cacophonie dans l’air. D’une part, on criait : Hurrah ! à la Révolution nationale. Ainsi dans le numéro 41 de Demain, l’hebdomadaire de Jean de Fabrègues et de Le Cour Grandmaison (sur lequel on reviendra), Jean Lecerf s’enthousiasmait :
« Fière de son passé, la FNC continue à lutter pour les idées chrétiennes… La FNC (a été) le précurseur de la Révolution nationale… Tous les catholiques de France restent unis… Ils ont adopté d’enthousiasme le programme de la Révolution nationale… »

Dans le numéro suivant (n°42, 15/11/1942), il proclamait « notre devoir de collaborer au renouveau national… (car) quoiqu’en aient dit certains, nous avons obtenu du gouvernement du Maréchal un grand nombre de mesures heureuses, conformes à l’esprit du christianisme, largement inspirées des évangiles… »

Ces appels étaient publiés à l’occasion des journées de Lyon, tenue sous la direction de Jean Le Cour Grandmaison et en présence du cardinal Gerlier. Ils auraient pu être lancés à l’occasion de l’assemblée de Marseille, qui a fait écrire à Jacques Duquesne (in Les catholiques français sous l’occupation, éd. Grasset, 1986) :
« Dans les réunions de la FNC, il arrive que l’on acclame le nom de Pétain. Ainsi, l’assemblée générale de Marseille, qui réunit huit mille personnes en mars 1942, en présence de l’évêque et des autorités civiles et militaires, adresse-t-elle un télégramme au Maréchal pour lui exprimer « la vénération des catholiques » et la « respectueuse affection qu’ils lui portent. Mais le présent de la Fédération, le générl de Castelnau, qui s’est retiré dans un village du Sud-Ouest et qui n’éprouve pas pour le Maréchal une sympathie excessive ne fera jamais acte d’allégeance à Vichy car il désapprouve la politique de collaboration » (p. 72).

De son côté, le marquis Charles d’Aragon, résistant puis député MRP confirme :

« Plus vieux que Pétain, le vainqueur du Grand-Couronné l’emportait sur son cadet par sa verdeur, l’intransigeance et la lucidité. Il n’acceptait ni la défaite ni les humiliations savourées. De là des articles vengeurs destinés à La France catholique et qui n’étaient jamais publiés, tout au moins dans leur état primitif. Mais leur auteur pesait d’un tel poids que ses écrit ne pouvaient être mis au rebut qu’en vertu d’une haute décision. Cette prose véhémente prenait donc régulièrement le chemin de Vichy et tombait sous d’illustres regards. Ainsi, du fond de son castel de Montastruc, le vieux chevalier du Rouergue prenait un utile plaisir en frappant avec éclat sur le métal de son antique armure.
On n’en finirait pas de citer les propos frondeur du général de Castelnau… Ces propos égayaient le silence de la province. Kotchnisky, réfugié dans le voisinage immédiat du général, les colportait allègrement. André Pironneau, qui dirigeait à Toulouse La France catholique, les diffusait sur d’autres longueurs d’ondes.
« Pironneau avait, avant la guerre, dirigé L’Echo de Paris. C’est ainsi qu’il avait été l’un des premiers à connaître la personne et la pensée du général de Gaulle. Il était, depuis lors, resté fidèle à une grande amitié. Il pensait que le chef de la France libre avait raison et qu’il réussirait dans sa tâche… C’était être gaulliste avec mesure mais, à Toulouse, et pour un journaliste, c’était pousser l’audace jusquà la provocation » (in La Résistance sans héroïsme, éd. Seuil, 1977, p. 24).

Castelnau contre et Le Cour Grandmaison pour ? Le Président aux bords de la Résistance et le Vice-Président (de la FNC), notable du régime ? Il y a de cela. Encore que si Castelnau fut exempté de l’adhésion à Vichy par son antigermanisme ininterrompu, Jean Le Cour Grandmaison fut « sauvé » de l’inconditionnalité dans laquelle son catholicisme social risquait de l’enfoncer par un sentiment de fierté nationale et par la défense de l’Eglise.

Le 11 juillet 1940, dans un article remarqué du Figaro – quotidien dans lequel il était devenu chroniqueur en 1937 – on lisait :

« …Nous cherchons à comprendre… Les explications ne manquent pas. Le maréchal Pétain les a résumé dans sa formule : l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice… Ainsi, la catastrophe revêt l’éaspect d’un châtiment… Ces explications ne me satisfont pas…
« Que la Frnce ait péché contre la sagesse humaine et contre la loi divine, c’est un malheur certain… Mais s’arrêter là c’est fermer les yeux sur la lumière.
« On parle de châtiment ? La France de 1914 a été victorieuse. Etait-elle moins coupable que la France de 1939, où se manifestaient tant de signes de renaissance ? Et s’il faut juger sur le mérite au succès, notre vainqueur est-il sans reproche, aux yeux des hommes, aux yeux de Dieu ?
« Notre foi chrétienne rejoint notre patriotisme pour affirmer, avec une certitude certaine : elle (la France) ressuscigtera ».

Dans le climat de culpabilisation intense de ces mois, l’article fit impression. Il renforça la crédibilité de l’homme.

Par ailleurs, quand l’Eglise était mise en cause, Le Cour Grandmaison montait au créneau. Exemple :

« Déat s’était permis d’écrire sur l’Eglise des articles auxquels Le Cour Grandmaison a répondu dans La France Catholique. Nous (dans La Croix) reprenons cette réponse dans la « Revue de presse », mais Marcel P… (le censeur) l’ampute :
FRANCE CATHOLIQUE 1/2/1943) : « Inassimilable et indestructible, ce double caractère qui la distingue de toutes les autres institutions apparente l’Eglise au seul judaïsme dont elle se fit l’héritère et dont la paradoxale survivance pose, elle aussi, un problème qui doit faire réflécir le philosophe et l’homme d’Etat. Il est, en tout cas, imprudent d’annoncer la ruine prochaine de ce qui dure depuis si longtemps ». (in Pierre Limage, Ephémérides 31/1/1943, t.2 p. 1016).

Ces distanciations à des instants décisifs conservèrent à Le Cour Grandmaison son prestige. A telle enseigne qu’après s’être scandalisé de la publication de l’hebdomadaire « Demain », l’hebdomadaire de la Cité Française », le 1er février 1942, portant les signatures, notamment de Jean de Fabrègue, de Gustave Thibon et de Jean Le Cour Grandmaison, le même Pierre Limage notait (Ephémérides tI, p. 409) « D’ailleurs le vice-président de la FNC ne doit pas être l’âme de cette machination… » (Lundi 9 février 1942).

En définitive, les deux figures emblématiques de la FNC traversèrent la Révolution nationale en suivant leur logique personnelle et en sachant raison et dignité garder.