VI
1924-1944
ESQUISSE (DIFFICILE) D’UN BILAN POLITIQUE
Au bout de ce foisonnement d’initiatives, de déclarations, au bout de cette fougue combattante, quels résultats obtint la FNC ?
Le fiasco ou le triomphe ? Ni l’un ni l’autre et c’est pourquoi l’évaluation est difficile. Aussi bien, l’idée de bilan dans le domaine de l’action politico-culturelle est séduisante mais trompeuse. Les effets, les retombées sont, le plus souvent inextricables car mêlés à d’innombrables autres facteurs.
Pourtant, comment éviter d’avoir envie de repérer sinon tous les effets du moins quelques-uns parmi ceux qui sont saisissables ? Bref, qu’apporta la Fédération Nationale Catholique dans la vie politique française ?
FIERTE DONNEE ET MENACE PERSISTANTE
Pour commencer par le commence, on relèvera l’un des résultats les plus immédiats de son action : le rétablissement de l’ambassade de France au Vatican. Il aurait eu lieu, inévitablement ? Vite dit !
En tous cas, il est impossible de nier qu’il fut provoqué par l’agitation que la FNC organisa. Aussi bien, on gagerait que, malgré toutes les contrariétés que le Vatican endura – on y reviendra – de la part du général de Castelnau, il lui sut toujours gré de ce service rendu. Il est vrai, aussi, que le Général était difficilement détrônable !
Plus fondamentalement, la FNC contribua à donner au « mouvement catholique » de l’assurance et à la majorité des catholiques une fierté. Certes, elle ne fut pas le seul auteur de cette prise de conscience. N’empêche, à bien considérer, on n’est nullement certain que le style ACJF et les pratiques « centristes » des démocrates populaires eussent redonné confiance aux cartholiques. La combattivité de la FNC, même si elle ne lui a pas en fin de compte bénéficié, a permis la percée des « catholicismes de mouvement ».
Sans compter que, sans la férule de Castelnau, ceux-ci eurent-ils pu être, sinon disciplinés, du moins coordonnés ? Pas sûr ! « S’il nous est possible, à cette heure, de coordonner nos œuvres, si, selon la pensée et la formule du Pape, nous pouvons obtenir « la collaboration du laïcat à l’apostolat hiérarchique », nous le devons en partie à la Fédération Nationale Catholique », reconnaissait le cardinal Verdier (30/12/1931) qui n’avait pas un pencaht fou pour le Général. Entre Rouergats, on peut ne pas s’aimer !
Corrélativement, le surgissement de la FNC, les manifs, les rassemblements des années 1924 et suivantes en « imposèrent » aux politiciens. On n’y reprit pas Herriot ! Et Blum, en 1936, ne fut pas l’erreur du Cartel. Sur le combisme, motus et action nulle. Ou presque. Neutralisée la « question religieuse ».
Bien sûr, Léon Blum avait compris que les catholiques changeaient. « Sept », l’hebdo des Dominicains du Saulchoir, le grand rival de La France Catholique qui y était attaqué implicitement à chaque numéro, interviewait le nouveau président du Conseil Front Populaire. Mais ce ne sont pas ces sourires qui influencèrent Léon Blum. Au moins, n’auraient-ils pas suffi sans la menace d’un nouveau 24 !
La FNC, sous la Troisème République des années 1920 et 30, agit comme une force de dissuasion, acculant les « laïques » à neutraliser, à geler la politique religieuse d’inspiration combiste. Quand on tente d’évaluer l’action de la FNC, il faut tenir grand compte de ce rôle d’obstruction aux effets invisibles.
PRESSIONS ET RELAIS POLITICIENS
En revanche, assurément, la FNC et son fondateur ne parvinrent pas à constituer ce « bloc catholique » dont ils rêvaient. Même sur les questions chaudes pour la vie institutionnelle du catholicisme. Même si, même quand la nécessité d’un « ordre catholique » minimum était affirmé par d’autres qu’eux. On pense, plus précisément, à la série d’articles d’Etienne Gilson dans l’hebdomadaire « Sept », en 1934-35. Evidemment, la question scolaire fut déterminante dans ce consensus impossible !
Est-ce à dire que la FNC ne joua aucun rôle dans la vie politique ? Outre sa fonction de « groupre de pression », déjà notée, n’influença-t-elle pas les élections ? L’absence de marée catho-conservatrice aussi bien en 1928 qu’en 1932 et, évidemment, en 1936, manifeste-t-il une impuissance ?
En fait, sur ce point, pour diagnostiquer, il serait nécessaire de mener une recherche circonscription par circonscription ou presque. Il est vrai qu’en 1925, au plus fort de sa montée, le soutien de l’union dicocésaine de la FNC ne réussit pas à faire élire Léon Daudet, au scrutin sénatorial du Maine-et-Loire. Mais l’embrouille qui avait permis ce soutien, les circonstances locales, les maladresses et la personnalités controversée du candidat ne rendent pas ce cas significatif.
D’ailleurs, dans bien des cas, la FNC, conformément à sa « vocation » n’intervient pas. Exemple : à Limerzel en Bretagne, lors du scrutin de 1928, le général de Castelnau, saisi du conflit entre deux candidats se contenta de constater que « sont en présence deux candidats qui, sur le terrain de nos revendications, nous donnent les satisfactions demandées » et l’Union Catholique du Morbihan confirma d’autant plus la liberté de vote qu’ « il n’y a pas de risque de voir la dispersion des vois profiter à un adversaire » (in Yves Lambert, Dieu change en Bretagne, Ed. Cerf, p. 182).
Une recherche serait bien utile pour préciser la force d’intervention de la FNC sur les candidatures et sur les votes.
En tout état de cause, la FNC ne fut pas sans influence au Parlement. Avant même qu’elle existe. Clemenceau dut, en partie, à Castelnau et à Le Cour Grandmaison son échec à la présidence de la République. Par la suite, en plus de l’influence de Le Cour Grandmaison, député de 1919 à 1940, l’un des relais de la FNC, par les liens de Castelnau, fut la Fédération Républicaine. « Cette composante à la fois la plus considérable et la plus mal connue au sein des droite » (J.-M. Mayeur in La vie politique sous la Troisième République, Ed. Seuil, p. 299). Castelnau était un habitué des déjeuner au restaurant « L’Epatant » où se retrouvaient François de Wendel, Louis Marin, François Marsal et Henry Simond (le patron de L’Echo de Paris). On y décida, en particulier, le 16 mai 1925, de soutenir l’action de Caillaux au ministère des Finances (in J.-N. Jeanneney, François de Wendel en République (1914-1940). Ed. Seuil, 1966, p. 30 et 249).
En définitive, la FNC, plus proche, malgré ses traits d’organisation de masse, du « grope de pression » que du parti politique, souffre des servitudes de ce type d’action : les effets sont plus souterrains et diffus que spectaculaires. Et ce, en l’occurence, malgré la tonitruance de certaines prises de position. Cas de figure politicologiquement intéressant.