5 - Le prêtre et la messe - France Catholique
Edit Template
Funérailles catholiques : un temps de conversion
Edit Template

5 – Le prêtre et la messe

Copier le lien

On pourrait être surpris par ce titre. Il est tellement évident que le prêtre est celui qui dit la messe, que peut-on ajouter d’autre ? Pourtant, il est important de savoir comment ceux que le Christ a envoyé annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations sont devenus les hommes de l’Eucharistie. Une petite enquête patristique va nous montrer comment la célébration de la messe a pris petit à petit une place privilégiée dans la vie du prêtre, en même temps qu’elle nous amènera à nuancer et à enrichir son rôle dans cette célébration. Elle nous permettra de mieux percevoir les dispositions intérieures demandées au prêtre.

I – Les premiers siècles

Entre 148 et 161, le philosophe Justin, originaire de Naplouse, en Palestine, récemment converti, s’installe à Rome et envoie à l’Empereur Antonin le Pieux un texte où il prend la défense des chrétiens, accusés à tort de différents maux. C’est la Première Apologie . La partie qui nous intéresse, à partir du § 61, parle du culte chrétien. En effet, différents bruits circulaient sur ces assemblées, encore un peu secrètes. Il prend soin d’en détailler le déroulement, non sans redites, pour montrer qu’il ne s’y faisait rien de répréhensible. Il détaille d’abord les cérémonies du baptême puis en vient à l’eucharistie.
Quant à nous, après avoir lavé celui qui croit (désignation du baptême) et s’est adjoint à nous, nous le conduisons dans le lieu où sont assemblés ceux que nous appelons nos frères. Nous faisons avec ferveur des prières communes pour nous, pour l’illuminé (c’est-à-dire le nouveau baptisé), pour tous les autres en quelque lieu qu’ils soient, afin d’obtenir, avec la connaissance de la vérité, la grâce de pratiquer la vertu et de garder les commandements, et de mériter ainsi le salut éternel. Quand les prières sont terminées, nous nous donnons le baiser de paix.
Ensuite, on apporte à celui qui préside l’assemblée des frères du pain et une coupe d’eau et de vin trempé. Il les prend et loue et glorifie le Père de l’univers par le nom du Fils et du Saint Esprit, puis il fait une longue eucharistie pour tous les biens que nous avons reçus de lui. Quand il a terminé les prières et l’eucharistie, tout le peuple présent pousse l’acclamation : Amen. Amen est un mot hébreu qui signifie : Ainsi soit-il.
Lorsque celui qui préside a fait l’eucharistie, les ministres que nous appelons diacres distribuent à tous les assistants le pain, le vin et l’eau consacrés, et ils en portent aux absents. (§ 65)
Le § suivant souligne la nécessité de croire pour participer à l’eucharistie, et redit que cela vient de la dernière cène du Christ. Après un coup de patte au culte de Mithra, Justin reprend le déroulement de la célébration, en précisant qu’elle a lieu le dimanche.
Le jour qu’on appelle le jour du soleil, tous, qu’ils habitent les villes et les campagnes, se réunissent dans un même lieu. On lit les mémoires des Apôtres et les écrits des prophètes autant que le temps le permet. La lecture finie, celui qui préside prend la parole pour avertir et exhorter à imiter ces beaux enseignements. Ensuite nous nous levons tous et nous prions ensemble à haute voix. Puis comme nous l’avons déjà dit, on apporte du pain avec du vin et de l’eau. Celui qui préside fait monter au ciel les prières et les actions de grâces autant qu’il a de la force, et tout le peuple répond par l’acclamation Amen. (§ 67)
Puis, Justin parle de la distribution des biens à ceux qui en ont besoin. Il explique la raison du rassemblement du dimanche, jour de la résurrection, et conclut par un appel à la clémence : « Ne condamnez pas à mort, comme des ennemis, des hommes innocents. »
De ce précieux témoignage du culte chrétien au 2° siècle nous pouvons tirer les enseignements suivants concernant celui qui préside. Justin ne lui donne pas d’autre titre pour ne pas à avoir à l’expliquer à l’Empereur, il ne parle donc ni d’ancien, ni de sacerdoce. Mais nous voyons bien le rôle particulier qui lui est dévolu : dire l’eucharistie, qui est une autre prière que les prières multiples des frères assemblés et qui est faite sur le pain et le vin, avec une constante mention de l’eau, sans doute parce que le vin proposé devait être un peu trop fort et qu’il convenait de le couper. Cette présence de l’eau sera l’objet de multiples commentaires dans les sermons des Pères de l’Église. Dans la deuxième mention de cette prière eucharistique par celui qui préside, l’expression autant qu’il en a la force peut intriguer. Cela veut-il dire que la prière de celui qui préside était livrée à sa seule guise ? Il semblerait que ce soit plutôt une improvisation sur un schéma connu. On trouve encore cela dans certaines liturgies orientales. Petit à petit, les formulaires eucharistiques vont se fixer. Mais dans un § que nous n’avons pas recopié, il y a l’allusion aux paroles du Christ, au soir du Jeudi saint, qui sont données aux Apôtres : « et à eux seuls.» Souci de ce que nous appellerions la succession apostolique. L’autre action, incluse dans le rôle de présidence, est ce que nous nommerions l’homélie, actualisation de la Parole qui vient d’être proclamée.

Nous avons déjà rencontré Hippolyte. Dans La Tradition Apostolique, il donne un schéma de prière à dire par le célébrant. Est-ce à dire qu’il n’y avait plus d’improvisation du président ? Peur-être pas. Hippolyte semble animé d’un double souci : venir en aide à ceux qui ont un peu de mal à improviser, mais surtout de donner un modèle de prière d’une orthodoxie sûre. La prière consécratoire s’adresse au Père, elle s’étend moins sur les bienfaits de la création, ou sur les étapes de l’histoire du salut, pour se concentrer sur les mystères du Christ, plus spécialement la mort et la résurrection du Christ, le mystère pascal, que la célébration actualise. On y trouve les quatre éléments : la préface et son dialogue, le récit de l’institution, l’anamnèse (faire mémoire) et l’épiclèse ou invocation de l’Esprit Saint. C’est de ce texte que la réforme liturgique demandée par Vatican ll s’est inspirée pour composer la prière eucharistique n° 2. Il est en outre précisé que l’évêque concélèbre avec les prêtres, qu’il reçoit les dons des fidèles, les uns utiles (huile, fromage..) d’autres symboliques, comme le lait et le miel que l’on donne aux néophytes, évoquant le douceur du Christ, en même temps que la Terre promise,.

II- Époque patristique

Au 4° siècle, les sermons sur la messe sont abondants et décrivent souvent le déroulement de la liturgie, spécialement pour donner la valeur symbolique des rites pratiqués. Mais nous manquons parfois de détails sur le rôle précis du prêtre. Néanmoins on peut glaner ici et là quelques indications précieuses.
Saint Jean Chrysostome, dans l’homélie 82 sur saint Matthieu, donne des conseils aux prêtres pour qu’il ne donnent pas la communion à ceux qui en sont indignes :
C’est à vous autres qui en êtes les dispensateurs (du corps et du sang du Seigneur), que je m’adresse. Il importe de vous demander de distribuer ces dons avec beaucoup de soin…….Chassons donc les indignes, sans distinction de personnes…
Mais avec un souci de la miséricorde :
Ne nous bornons pas à repousser des gens, à les retrancher, mais essayons de les ramener à la table, après les avoir corrigés, et d’en prendre un soin particulier.
C’est donc bien le ministre ordonné qui distribue le corps et le sang du Seigneur.

Saint Basile répond à une dame de Césarée qui semblait avoir des problèmes pour communier chaque jour faute de prêtre.
Communier chaque jour et prendre sa part du corps et du sang du Christ est aussi beau qu’utile. Lui-même le dit clairement : Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. Qui peut mettre en doute que participer sans cesse à la vie revient à multiplier la vie en soi ? Notre usage toutefois est de communier quatre fois par semaine, les dimanches, mercredis, vendredis, samedis et en outre les autres jours où l’on célèbre la mémoire d’un saint.
D’autre part, que la contrainte où l’on peut se trouver au cours d’une persécution de communier de sa main en l’absence d’un prêtre ou d’un diacre ne soit pas une grave difficulté, il est superflu de le démontrer : un long usage nous en donne l’assurance par les faits.
Basile donne alors l’exemple des ermites, au désert, qui faisaient, en quelque sorte provision d’eucharistie, à chaque passage d’un prêtre.

Saint Augustin, dans un sermon sur le sacrement de l’autel adressé aux néophytes, commence en disant :
Le devoir de prêcher et notre charge, qui vous ont enfantés, afin que le Christ soit formé en vous, nous obligent à enseigner, à vous qui venez de renaître de l’eau et de l’Esprit, que vous devez apprendre à considérer le pain et le vin sur la table du Seigneur avec des yeux nouveaux.
Outre l’affirmation de la conversion du pain et du vin dans le corps et le sang du Christ, ce texte nous redit bien que celui qui présente ces dons est celui qui enseigne.
Dans une présentation de la messe, adressée aussi à des néophytes, nous trouvons les explications détaillées de ce que nous nommons maintenant le dialogue de la préface, mais surtout l’affirmation que l’action de grâce du célébrant, qu’il nomme la prière sacrée, est celle qui transforme le pain et le vin.
Sans cette parole, nous avons du pain, du vin. Ajoute la parole, et déjà ils sont autres. Que sont-ils devenus ? Le corps du Christ, le sang du Christ. Retire la parole, c’est du pain et du vin, ajoute la parole, et voilà le sacrement.
D’autre textes laissent entendre que, à son époque, les prières sacrées sont presque fixées. On trouve aussi ça et là quelques précisions sur le rôle du président, obligatoirement prêtre, qui salue l’assemblée, qui la congédie……
Indirectement, un sermon pour le jour de Pâques donne une très brève indication sur ce qu’on pourrait nommer la géographie de la célébration. En effet, saint Augustin introduit une distinction entre la parole Le Seigneur soit avec vous, salutation du début qu’il a lancée de l’abside, et cette même phrase qu’il prononce à la table du Seigneur, visiblement, il parle de l’autel.

Ceci nous introduit à un vaste débat, d’origine archéologique, mais qui a une grande actualité : la place de l’autel, celle du célébrant, celle des fidèles.

Il semble que la disposition des églises soit redevable à deux sources indépendantes : la synagogue, ce qui est surtout vrai des églises orientales, ce qu’on nomme la Syrie (beaucoup plus vaste que l’actuel pays de ce nom), et la basilique romaine.
Pour celle-ci, le processus est relativement clair : quand il a fallu abriter des assemblées importantes, le culte chrétien étant celui du peuple de Dieu assemblé et non d’une foule devant un temple, maison du dieu, les lieux où se traitaient les affaires publiques, d’où le nom de basilique (basileus = roi ou empereur), s’est trouvé approprié : grand espace séparé par deux ou quatre colonnades. On y a ajouté une abside pour mettre le presbytérium, autour de la cathèdre de l’évêque. Certains textes laissent entendre qu’on apportait un autel au moment de la prière eucharistique. Le cancel, qui séparait les officiers impériaux des autres participants (d’où le nom de chancelier, celui qui avait la clé du cancel) fut conservé, soit pour séparer le chœur et la nef, les fidèles du clergé, soit pour mettre d’un côté les hommes de l’autre les femmes (cf. st Jean Chrysostome). Quand il a fallu bâtir de tels édifices, on s’est soucié de les orienter, c’est à dire de les tourner vers l’Orient, le Christ étant le Soleil levant (Luc 1,78). À vrai dire ce ne fut pas toujours le cas, mais quelle que soit la disposition de l’édifice, les rituels précisaient que l’on priait tourné vers l’Orient. Par exemple, à Saint-Pierre-de-Rome, cela suppose que tout le monde se retournait, tournant le dos au célébrant. Puis l’autel est devenu unique et inamovible.
En Syrie, les premières églises sont héritières de la synagogue : le meuble central en étant la Béma, lieu de la proclamation de la Parole. C’était, et c’est toujours dans les synagogues actuelles, une table surélevée, sur laquelle est ouvert le livre de la Torah. Le lecteur est tourné vers l’armoire à Torah, qui, dans le mur, indique la direction de Jérusalem. La position de la béma dans la synagogue varie : près de l’armoire à Torah, au centre ou au fond, mais il est à remarquer que la proclamation de la parole se fait, non pas en direction des assistants, mais en direction de l’armoire à Torah et de Jérusalem. Lorsque les chrétiens vont utiliser ces synagogues, il vont d’abord en changer l’orientation, en Syrie, Jérusalem n’est plus à l’Orient. Archéologiquement, c’est souvent comme cela qu’on peut distinguer les ruines d’une église de celles d’une synagogue. Puis, la béma va progressivement céder la place à l’autel, qui devient le lieu du sacrifice eucharistique, et on proclamera la parole d’un autre lieu, l’ambon.
Dans l’un et l’autre cas, le président, l’évêque le plus souvent, va prêcher assis, position traditionnelle, dans l’Antiquité, (Matthieu 5,1) du maître qui enseigne. Il le fait de sa place, la cathèdre, qui devient ainsi le signe de son rôle d’enseignant, docteur de la foi. D’où le nom de cathédrale pour l’église de l’évêque.

C’est vers la fin de l’époque patristique que l’autel est perçu comme un lieu sacré et redoutable où un feu bien plus brûlant que celui d’Élie va descendre. En conséquence, seul l’évêque ou le prêtre peuvent y accéder. Le prêtre devient alors l’homme de l’autel. Il multiplie alors les déclarations d’humilité et les demandes de pardon, récitées secrètement, parfois avec les ministres les plus proches. Ce n’est qu’avec la réforme liturgique consécutive à Vatican ll (missel de 1969) que cette demande de pardon sera étendue à toute l’assemblée, sous le nom de préparation pénitentielle.
On peut remarquer que la litanie Kyrie eleison a une origine différente, même si elle est actuellement souvent intégrée dans la préparation pénitentielle.

On est en droit de se demander à quelle époque on est passé à la messe quotidienne. Le texte de saint Basile cité plus haut fait état de quatre jours de la semaine. Peut-on dater le moment où cette célébration est devenue quotidienne ? Il semble que l’usage en fut introduit par saint Grégoire le Grand (début du 7° siècle), sans doute en raison de son expérience monastique.
À cette époque, on peut signaler, grâce à certaines représentations, qu’il y avait quelques concélébrations. La date exacte de sa disparition est difficile à fixer.

III – Le Moyen-Âge

Deux choses vont apparaître et influer sur les célébrations de la messe.
En plus de la messe du dimanche, on voit paraître des messes dites à telle ou telle intention, accompagnées d’une offrande. Et elles vont se multiplier. Ajoutez à cela une intention spéciale pour tel ou tel défunt, et l’idée de leur appliquer le fruit du sacrifice, et vous aurez la raison de la multiplication des messes, à tel point que l’architecture va en être influencée : les chapelles rayonnantes, chacune avec un autel. On est loin de l’unique autel de l’Antiquité, aussi bien que de l’unique messe par édifice (Ce qui explique des églises juxtaposées dans certains sites archéologiques).
Ces multiples messes ne sont donc plus célébrées avec tout le peuple, ni avec tout le déploiement ancien. Au 14° siècle, ce sera la généralisation de la messe basse, sans chant ni faste, mais avec piété et dignité. Seule la messe dominicale, gardera l’ampleur antique. C’est l’époque où le chœur est clos par le Jubé. On développe alors l’idée que le mystère doit être entouré de silence.
Mais, vers la même époque, après les controverses sur la présence réelle, le désir de visibilité revient en force. Les fidèles, faute d’entendre quelque chose, veulent au moins voir l’hostie, d’où l’élévation d’abord du Corps, puis ensuite du calice.
Nous avons signalé, dans la communication précédente, que les ordres mendiants, qui furent de vigoureux prédicateurs, ont modifié l’architecture des églises pour favoriser la prédication.

IV – Époque moderne

Luther va prendre violemment parti contre les messes privées, et même contre la messe tout court, en affirmant que la messe ne peut se surajouter au sacrifice du Christ. Il va accentuer le dépouillement des églises, et Calvin aussi après lui. L’un comme l’autre refusent le sacerdoce, le ministre du culte est essentiellement un prédicateur et non plus l’homme du sacrifice.
La Réforme Catholique, à la suite du Concile de Trente, va accentuer deux aspects : la réalité du sacrifice, la nécessité de la prédication, en même temps elle se démarquera de l’austérité des édifices réformés, par une surabondance de décoration. Cela aboutira à l’exubérance du Baroque.

La formation des prêtres à cette époque-là (École Française) va centrer la vie du prêtre sur la messe. En conséquence, on fera grand cas de la première messe du nouvel ordonné, à tel point que, dans un grand souci de respect, certains différeront cette première messe, parfois d’un temps considérable (Condren, près de six mois).
Comme exemple de place centrale de la messe dans la vie du prêtre, on citera saint Philippe Néri, dont les extases au cours de la messe étaient connues de tout Rome. C’est l’époque où le rêve de tout prêtre était de mourir en célébrant la messe, ce qui fut accordé au Cardinal de Bérulle. Saint Philippe Néri, grand dévot au Saint-Sacrement, lui, est mort dans la nuit de cette fête.

V – Pistes de réflexion

* Le rituel d’ordination des prêtres comporte une longue exhortation qui rappelle le rôle et les obligations du prêtre.
(en s’adressant d’abord à l’assemblée )Configuré au Christ, prête souverain et éternel, associé au sacerdoce des évêques, (celui va être ordonné) sera consacré prêtre de la Nouvelle alliance, pour annoncer l’Évangile, pour être le pasteur du peuple de Dieu et pour célébrer la liturgie, surtout en offrant le sacrifice du Seigneur. (Rappel des trois munera étudiés dans la troisième communication)
Quant à vous, qui allez entrer dans l’ordre des prêtres, vous aurez à remplir, pour la part qui vous revient, la charge d’enseigner….(Suivent des recommandations sur la manière d’enseigner)
Vous aurez aussi à remplir, par la puissance du Christ, une tâche de sanctification. Par votre ministère s’accomplira le sacrifice spirituel des fidèles, uni au sacrifice du Christ, qui s’offrira sacramentellement par vos mains à la messe. Ayez conscience de ce que vous faites ; conformez votre vie à ce que vous accomplissez : en célébrant le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, prenez soin de faire mourir en vous tout penchant mauvais, et d’avancer sur le chemin de la vie nouvelle.
Le prêtre est donc invité à vivre la célébration de la messe dans une unification de sa vie autour du sacrifice du Christ, plus encore que les fidèles. Ceci va avoir deux conséquences. Dans la célébration, le prêtre devra être intensément uni au Christ dont il prononce les paroles et actualise l’offrande au Père. Le rôle de président de l’assemblée ne doit pas l’emporter sur cette disposition intérieure. (On a signalé que cette perspective avait été à l’origine des multiples prières qui soulignaient l’indignité du ministre et sa demande de pardon). Conséquence pratique : il importe que le célébrant puisse avoir des moments de recueillement, qu’il y ait la place pour des prières qui lui soient propres, dites à voix basse (On est passé du tout silencieux au tout à haute voix !). Dans la vie du prêtre, ce rappel de la configuration au Christ dans son sacrifice est un des fondements de la chasteté sacerdotale, vécue comme une union privilégiée au Christ, y compris dans sa dimension sacrificielle.

* La prière eucharistique, que le prêtre prononce seul, est extraordinairement complexe. En tant qu’eucharistie, elle est l’héritière des bénédictions qui sont la structure fondamentale de la prière dans l’Ancienne Alliance. Dire du bien de Dieu (bene dicere), le bénir, c’est rappeler tous ses bienfaits, depuis la création jusqu’à aujourd’hui, sans oublier, pour l’AT, le bienfait majeur de la sortie d’Égypte, et pour le NT, le bienfait encore plus grand de la venue du Christ, de son enseignement, de sa mort et de sa résurrection. Mais il va se produire un double virage : lorsque le prêtre rend grâce pour le sacrifice du Christ, il en fait mémoire, au sens du mémorial hébreu qui rend présent l’action de Dieu. Cette présence va se concrétiser par le fait que le prêtre prononce efficacement les paroles du Christ au soir du Jeudi saint, ce sont les paroles de la consécration, où le prêtre s’identifie au Christ : « Ceci est mon corps .» Si le mouvement général de cette prière est de faire monter l’action de grâce vers le Père, elle devient tout-à-coup la présence même du Christ qui s’offre. Dans les prières eucharistiques actuelles, cela prend place dans les prières dites d’anamnèse, juste après la consécration, où se trouvent les deux mots clés : faisant mémoire et nous t’offrons. Dans cette prière, il y a la volonté de se glisser dans l’attitude même du Christ, non seulement en redisant ses paroles mais en coïncidant à sa remise totale au Père qui est sous-jacente à la prière de bénédiction, d’eucharistie. Le Christ a souffert sa passion sans accuser le Père, mais au contraire en proclamant que ce qu’il lui imposait était juste. La prière eucharistique est donc imprégnée de cette identification au Christ dans son accord total avec le Père, même au moment de sa mort.
L’autre virage se produit ensuite, au moment des prières dites d’intercession. Le prêtre au nom de l’assemblée, présente à Dieu toutes sortes de demandes. Cette séquence est vraie pour les PE actuelles ll,lll, lV, mais pas dans le canon romain, PE n°l, où les intercessions sont partagées entre avant et après la consécration.

* Ce double virage va nous introduire dans le rôle complexe du prêtre à la messe. Il est à la fois celui qui rassemble le peuple pour l’enseignement et la prière, celui qui lui parle au nom du Christ, celui qui lui apporte le don de sa présence et de son corps. C’est le rôle de présidence in persona Christi. Le Concile Vatican ll a pu ainsi parler de la présence du Christ dans la personne du ministre (Sur la Liturgie § 7 ). Mais il est aussi celui qui prie le Père au nom de ce peuple rassemblé, et surtout celui qui offre le sacrifice. Ces deux aspects sont inséparables, présents parfois même dans le même instant.
C’est l’explicitation de ces deux aspects qui peut jeter une lumière sur le point controversé de la position du prêtre à l’autel.
L’ancienne disposition, où tout se passait à l’autel, était l’héritière de la messe basse. Pourtant, dans de la messe paroissiale, la grand-messe, le célébrant allait souvent s’asseoir à son siège. On sait aussi qu’à la messe pontificale le prélat ne montait à l’autel qu’au moment nommé improprement l’offertoire. (Je dis nommé improprement car nous n’offrons ni le pain ni le vin ni quoique ce soit d’autre, sauf peut-être les quelques biens symbolisés par la quête, mais c’est le Christ qui s’offre à son Père par le ministère du prêtre.) Certains textes liturgiques pontificaux anciens stipulaient même que le pape retournait à son trône pour le Notre Père. La position du prêtre tout le temps à l’autel, dos aux fidèles, est devenue insupportable lorsqu’on a voulu que les fidèles entendent les lectures. D’où la nouveauté de la messe face au peuple (à peu près après la 2° guerre mondiale). Il est à remarquer que les prescriptions du missel actuel se gardent bien de préciser ce point. Il est seulement précisé que certaines phrases sont dites tourné vers le peuple, sans préciser si le célébrant doit se retourner ou non. Le double rôle du prêtre exposé plus haut, justifie son attitude. Quand il invite le peuple à la prière, qu’il lui délivre le message de grâce qui découle des lectures, il est normal qu’à ce moment-là il lui fasse face. Mais comme il est aussi celui qui guide le peuple pour supplier Dieu et offrir le sacrifice eucharistique, on conçoit que, à ce moment-là, il puisse se situer dos au peuple, comme en tête de celui-ci, au moment où il fait monter les prières en son nom. Le problème est encore trop chaud actuellement en France pour que l’on puisse faire entrer cette distinction dans les mœurs : la disposition face au peuple est une sorte d’étendard qui allume les passions, ce qui n’est pas vrai dans d’autres pays où cette « géographie » est moins brûlante.

Conclusion

Ce n’est pas parce que la célébration de la messe est un sommet de la vie sacerdotale, qu’il nous faut oublier les autres aspects : parole, évangélisation, gouvernance de la communauté, soin des plus délaissés. De plus, la messe ne recouvre pas la totalité de l’action de sanctification qui lui est impartie. C’est pourquoi nous consacrerons la communication suivante au ministère de la réconciliation.

Prière à Notre-Dame du Sacerdoce

Vierge marie, Mère du Christ-Prête, Mère des prêtres du monde entier, vous aimez particulièrement les prêtres parce qu’ils sont les images vivantes de votre Fils Unique.
Vous avez aidé Jésus par toute votre vie terrestre et vous l’aidez encore dans le ciel.
Nous vous en supplions, priez pour lez prêtres ! « Priez le Père des cieux pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson. » Priez pour que nous ayons toujours des prêtres qui nous donnent les sacrements, nous expliquent l’Évangile du Christ et nous enseignent à devenir de vrais enfants de Dieu.
Vierge Marie, demandez vous-même à Dieu le Père les prêtres dont nous avons tant besoin ; et puisque votre cœur a pouvoir sur lui, obtenez-nous, ô Marie, des prêtres qui soient des saints.
P. Thévenin