4 - En finir avec l'humiliation - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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4 – En finir avec l’humiliation

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Joffre ne marque pas de dépit. Ce fut avec Pétain et surtout avec Foch que Castelnau ne s’entendit jamais.

Peut-être doit-on en inférer que, dans la société militaire, Castelnau était libéral. C’est ce que prétend Arthur Conte (dans son livre sur Verdun) qui remarque qu’en 1915, le général de Castelnau est réputé pour « ne se soucier ni de la confession ni des opinions politiques des officiers appelés auprès de lui ». Et, de préciser : « Il est impossible de ne pas noter dans son entourage immédiat, que son chef de cabinet, le commandant Camus, a des attaches avec les francs-maçons, tandis que le capitaine de Barry, un pur huguenot, y fait excellent attelage avec le révérend père de Castelnau, jésuite et secrétaire de son oncle, et comme on dit non sans une pointe d’ironie, son ‘chapelain’ » (p. 127)

UN « ENGAGÉ » À HABIT MYTHIQUE

À sa sortie de la Grande Guerre, le Général de Castelnau, se reconvertit en combattant civil. Le 16 novembre’1919, il fut élu député de Saint-Affrique à. la « Chambre Bleues Horizon ». Il y fut président de la commission de l’armée. Il prit aussi la plume dans L’Echo de Paris. À la Chambre comme dans ses articles, il se fit le champion d’une politique de fermeté envers l’Allemagne. Face à « l’âme belliqueuse » de l’Allemagne », il préconisait la sécurité par la force. La moindre concession, lui paraissait lourde de dangers. « Oignez vilain, il vous poindra » titrait-il (Echo de Paris 1er avril 1924). Sur cette lancée, il devint Président de la Ligue des Patriotes, succédant à Déroulède (23 novembre 1924).

Du coup, aux élections de 1924, il fut une cible privilégiée. Au point que sa défaite électorale fut présentée comme un symbole de la victoire de la politique étrangère du Cartel, fondée sur « l’arbitrage » :
« Comment nous avons battu le général de Castelnau. Si nous avons réussi à empêcher l’élection du général de Castelnau, c’est parce que nous avons fait porter l’effort principal de notre campagne électorale sur la politique extérieure.

Certains nous avaient dit : la Société des Nations n’intéresse pas les paysans… (nous avons dit) le premier article de notre programme c’est de faire la paix… Si l’Aveyron élit le général de Castelnau, cette élection caractérisera les élections françaises aux yeux de tous ceux qui auront intérêt à nuire à la France en la présentant comme impérialiste et songeant à la guerre.

« On pourra lire des articles de Castelnau député et l’on cherchera à exciter le monde contre la France dont on dira qu’elle veut la guerre puisqu’elle élit des généraux (Or) à travers le monde… la France qu’ils admirent, c’est la France du XVIIIe siècle et de la Révolution… »

Et Émile Borel, professeur au Collège de France, de conclure ce bulletin de victoire (in Le Quotidien 14 septembre 1924) par ces simples (!) mots : « Par ce scrutin, la France a véritablement déclaré la paix au monde. » Diable ! « Notre » Général était plus qu’un homme ! Un mythe !

Le mythe Castelnau ? Il exista en effet. On doit d’autant plus l’évoquer qu’il joua un grand rôle dans l’impact de l’action du Général dans les années 1920 et 1930 et dans les embarras des évêques français face à certaines initiatives ou prises de position de celui-ci. Car le mythe « noir » construit par Émile Borel ne fut que très marginal. Plutôt, courut dans l’opinion – et surtout dans l’opinion catholique, une sorte de légende dorée à trois composantes.

Castelneau ? Ce fut, en première ligne, le vainqueur du Grand Couronné, cette bataille de septembre 1914 qui empêcha les Allemandes de conquérir Nancy. En ceci, le mythe correspond-il à la réalité ?

À travers les diverses versions des relations sur cette « bataille des frontières », il semble que tout le monde ait été pris de panique en découvrant l’imprévu : la puissance de feu de l’armée allemande. Il semble, aussi, qu’il y eut une querelle Foch/de Castelnau – Foch n’ayant pas suivi ou reçu les ordres de Castelnau. II est certain que Joffre s’opposait à ce « (qu’on accrédite officiellement la fable que de Castelnau a sauvé Nancy » (Joffre. Journal de marche p. 126).

Querelles de chefs dans lesquelles il est difficile de voir clair. L’important fut que pour l’opinion de Castelnau avait sauvé Nancy.

Castelnau ? Ce fut, aussi et peut-être surtout, le général qui a « donné trois de ses fils à la France. Puisque, effectivernent, trois des fils du Général furent tués au front. Voici un texte suggestif publié dans le tome 1er du gros ouvrage populaire La France héroïque et ses alliés (Larousse) : « Nous devons donc une infinie reconnaissance aux soldats et aux chefs oui sauvèrent le Grand Couronné ; au général de Castelnau surtout, qui eut à diriger cette défensive […]
« Quelques jours après, le général de Castelnau était nommé grand-officier de la Légion d’honneur et en même temps qu’à ses admirables services militaires, l’arrêté de promotion rendait hommage à la vaillance de l’homme, élevé par son patriotisme, par la conscience de ses devoirs, au-dessus même des plus affreuses douleurs de l’amour paternel : car ce commandant de notre deuxième armée avait eu deux fils tués à l’ennemi et un troisième blessé, et il n’en avait pas moins continué, sans faiblir un instant, à donner ses ordres.
« L’anecdote est connue, mais ce n’est pas une raison pour la négliger ici : on ne se fatigue pas du sublime authentique ! Le 8 septembre, le fils aîné du Général, le lieutenant Gérald de Castelnau, est transporté mourant auprès de son père, qui travaille avec son état-major. On s’empresse autour du jeune homme ; soins inutiles ; à peine a-t-il succombé, le général prononce, d’une voix un peu tremblante peut-être, mais cependant claire et assurée :
« Va, mon fils. Tu as la plus belle mort que l’on puisse souhaiter. Je te jure que nos armées te vengeront en vengeant toutes les familles françaises. »
« Puis, ayant pieusement couvert de son mouchoir la face sur laquelle il vient de poser le dernier baiser, il se remet au travail.
« - Messieurs continuons… » avait-il dit quelques jours plus tôt, devant son état-major, en apprenant que son fils Xavier venait d’être frappé mortellement.
« De pareils traits ne se commentent pas… »

Quel « grand chef a eu pareille scène dans sa renommée ? À partir de ces épreuves – et de re1ations mythiques de ce type – de Castelnau fut nimbé de l’aura du père héroïque mais souffrant.

Castelnau ? Ce fut enfin, troisième composante du mythe, un chuchotement : « On ne l’a pas fait maréchal de France, à cause de ses convictions catholiques sûrement ».

Castelnau ? Un mythe, assurément dans ces années dominées par l’imaginaire des Anciens Combattants. Au moins, en grande partie.

UNE SEULE FOI…
CAR DIEU ET LA FRANCE NE FONT QU’UN

Oui mais incontestablement, le mythe n’aurait pu « fonctionner » et rassembler les foules catholiques – les « braves gens » ne sont pas. idiots – si, au cœur, il n’y avait eu une âme. Enraciné d’ancienne souche.

Soldat, éditorialiste pugnace, le général de Castelnau était un croyant. C’est une certaine foi sans faille qui le dévorait. Foi catholique, cela va de soi. Mais une foi dont le style est difficilement compréhensible pour celles et ceux qui n’ont pas connu des Français des générations de Castelnau ou de ses premiers compagnons. D’autant que ce type de foi a, à quelques rares spécimens près, disparu. De Castelnau croyait à Dieu, se voulait fils de l’Église et même du Pape. Mais, non moins, il croyait à la France. En son âme et conscience et dans son action, Dieu et la France, çà ne faisait qu’un. La Révolution française était un « bloc » pour Clemenceau. Le catholicisme et la France étaient un « bloc » pour de Castelnau. Pour beaucoup d’autres, aussi. « Catholiques et Français toujours » chantait-on dans les processions. À vrai dire, cette conjonction est trop faible’, insuffisamment fusionnante pour étreindre les deux termes. Dans cet esprit, si le catholicisme ne pouvait pas être que Français, la France ne pouvait être que catholique.

Ah ! que c’est loin ? Oui. Ah ! que c’est étrange ? Vu d’aujourd’hui davantage que vu dans l’autrefois. Castelnau appartient à ces générations qui découvrirent la France. Qui, à partir de 1870 se convertirent à la France. Le Sacré-Cœur de Montmartre fut le temple de ce culte de la patrie. Mais partout l’on chanta « Pitié mon Dieu, c’est pour notre patrie/que nous prions autour de cet autel/Les bras liés et la face meurtrie… ». Et, ô paradoxe, plus la République se fit hostile voire persécutrice, plus la masse catholique agrégea la France à son culte.

Certes, ce mouvement correspond à l’air du temps. L’Europe, à cette heure se faisait nations. Il n’empêche, il y a un phénomène étonnant dans cet appel d’une France actuelle à, une France plus profonde. Dans le fait que « l’internationale » ecclésiastique ne put que s’y rallier.

Jules Michelet, indirectement, dut y contribuer en érigeant la France en patrie de l’universel. Cependant, le Kayser, surtout, y fut pour beaucoup. Il était comme Bismark, protestant. D’ailleurs, c’est ainsi que d’aucuns voyaient les choses, outre-Rhin :
« Nous savons dès maintenant que la guerre qui viendra sera, en fin de compte la lutte spirituelle du protestantisme allemand contre la religion catholique slave et romaine, peut-être aussi contre la semi-religion anglo-saxonne » (conférence en Silésie, le 26 juillet 1914, citée par Georges Goyau in Le catholicisme allemand et l’empire évangélique. 19I6)

Les fondateurs, les premières vagues des lecteurs de La France Catholique ne purent que chanter au caté, au patro, à la messe, au « salut » (du Saint sacrement) et à d’autres occasions, ces hymnes adressés à Dieu pour la France :

« En vain, l’enfer conspire et gronde
La France ne périra pas
L’Église est nécessaire au monde
Et de l’Église, elle est le bras… »

Ou cet autre, entonné comme « adieu au monde » lors d’une profession
de vœux religieux, d’entrée en clôture :

« Et toi Patrie ô France chérie
Servir ton Dieu, c’est encore te servir ;
Ici, pour toi on s’immole et, l’on prie
Et s’il fallait, on saurait mourir
Oui. nous t’aimons… »

Surprenante cette quasi-divinisation de la patrie ! À côté, moins déconcertant, ce cantique pour jeunes recrues :

« Te souviens-tu, enfant de France
Jeune soldat, gardien de son drapeau…
Tous les héros que la France révère »
Sans rien trahir ont toujours combattu
« La France et Dieu », c’était leur cri de guerre
Dis-moi, soldat, dis-moi, t’en souviens-tu ? »

Dieu et la France ! même combat ! D’autant plus français que catholique ! À la limite : catholique parce que Français ? Patriotisme religieux ? Religion patriotique.

Liaison en tout cas renforcée chez Castelnau par l’expérience de la guerre. Discourant, le 14 juin 1920, rue d’Assas sur « L’Institut catholique de Paris et la formation de l’élite intellectuelle et sociale », le Général affirmait : « Notre triomphe nous le devons, grandement, à ces hosties de la foi patriotique et catholique… Ce sont les plus hautes énergies spirituelles de la France qui ont triomphé de la puissance matérielle et des doctrines matérialistes de la cruelle et barbare Germanie »

« La foi patriotique et catholique » ? Une seule foi englobant Dieu et la France. Telle est la foi de cet homme. Ce qui le caractérise.

Pour qualifier la démarche politico-religieuse de Castelnau, J.-C. Delbril (in Les catholiques fraçais et le rapprochement franco-allemand -1920-I933. Éd Université de Metz, 1982) après avoir, avec scrupule, honnêteté et sérénité – ce qui est rare - « tenté de mettre au clair les mille et une nuances qui différenciaient les ‘nationalistes’ des ‘nationaux’, baptise le Général de « nationalo-catholique. Même s’il vaudrait mieux dire « patriote-catholique » – car Castelnau pensait davantage « patrie » que « nation », l’appellation est adéquate.

UN HOMME DE BONNE VOLONTÉ, ENFIN

In fine, ne doit-on pas ajouter qu’il 1 avait en ce Général, sous les ! foucades et les préjugés de son âge et de son état, une immense bonne volonté.

P. Droulers (in Le Père Desbuqois et l’Action Populaire, 1919-1946. Éd Ouvrières, 1981), a évoqué « le plus illustre visiteur (de la rue Saint-Didier à Reims, premier siège de l’Action Populaire) qui n’hésitait pas, à faire « fort fréquemment stopper devant la maison son auto à fanion tricolore ».

Surtout, il nous a rapporté qu’au moment de l’installation de l’Action Populaire à Vanves, alors que pour permettre le financement, de l’opération, il avait fallu constituer une société civile propriétaire, le Général accepta de devenir le président du conseil d’administration et « avec une belle loyauté il le restera jusqu’à la fin et même lorsqu’il dira à la cantonade que 1’Action Populaire était devenue si néfaste « qu’on devrait f… le feu à cette boutique » (op. ci t.p.4 7) Même le siège de la société demeura à son domicile, 42 avenue de la Bourdonnais.

Mais, laissons-là le « chef » ! Passons à l’action !

III

POUR METTRE LES CATHOLIQUES DEBOUT…
LE GÉNÉRAL SE MIT A « BATTRE » LA FRANCE

Et si Édouard Herriot n’eut pas existé ? Eut-on eu, quand même, la Fédération nationale catholique (FNC) et sa « Correspondance hebdomadaire  : La France Catholique » ? Ce n’est Pas certain. Mais ce n’est pas exclu non plus. Car l’idée était dans l’air du temps.

UNE IDÉE DOUBLEMENT DANS L’AIR

Doublement dans l’air, même.

Elle l’était ecclésiastiquement. Au tout début de 1924, le R P Albert Bessière en préconisait la réalisation, dans une brochure « POUR L’UNITE DES FORCES CATHOLIQUES : L’UNION CATHOLIQUE » (Ed de Gigord), préfacée par Mgr Gibier, évêque de Versailles et Mgr Giray, évêque de Cahors ;
« Les adversaires de la religion et de l’ordre social ont donné partout à leur action une base nationale et internationale. Cela est vrai de la Franc-Maçonnerie, du socialisme, du communisme. C’est sur ce terrain-là qu’il faut nous organiser à notre tour…

Et de préconiser « l’Union Catholique dans les cadres naturels de la hiérarchie catholique : paroisse, canton, diocèse » et de définir les conditions de « l’action civique de l’Union Catholique ».

L’idée flottait aussi, politiquement. À en croire Xavier Vallat (in Le nez de Cléopâtre. Souvenirs d’un homme de droite. Éd Les 4 Fils Aymon, 1957), En l’été 1923, du Plessis de Grenedan, commandant du Dixmude, avait suggéré une telle formation à Jacques Bainville.

Ce texte est révélateur. On le doit citer ;

« La victoire, due au génie de nos chefs de guerre et à l’héroïsme de nos soldats, ne sera qu’une apparence si, dans la paix retrouvée, les vertus qui font les foyers nombreux, les hommes travailleurs, les consciences probes, les dirigeants honnêtes ne sont pas maintenues et développées.

« Ces vertus étant fondées essentiellement sur le renoncement et le sacrifice, ne peuvent prospérer que dans un milieu profondément imprégné de morale chrétienne. Or, sous l’influence des lois de laïcité, depuis un demi-siècle, la France se déchristianise. Chaque génération se révèle un peu plus matérialiste que la précédente. Au nom de quel idéal, capable de l’emporter dans le for intérieur de chacun sur les appétits et les intérêts, peut-on espérer convaincre de l’utilité de ces sacrifices et de ces renoncements des citoyens à qui l’on enseigne officiellement que le Ciel est vide et qu’il est ridiculement vain de compter trouver dans l’au-delà, auprès d’un Juge Suprême, une juste compensation des efforts et des peines d’ici-bas ? Un enseignement d’État laïque – se parant d’une neutralité impossible à observer – et dont les maîtres d’école, façonnés par les « séminaires rouges » (de Monzie dixit) que sont les Ecoles Normales d’instituteurs, glissent tout naturellement de l’anticléricalisme radical au matérialisme marxiste, – stérilise peu à peu le sol de toutes nos provinces des semences de générosité qu’y ont déposées quinze siècles de catholicisme.

« La tâche capitale, aussi importante que l’abolition d’institutions politiques mauvaises, et aussi urgente, c’est la rechristianisation de la France. Pour cela, il convient de permettre à l’enseignement libre de s’épanouir. Pour cela, il faut d’abord abroger les lois de 1901 et de 1905 qui interdisent l’enseignement aux religieux congréganistes. Pour cela enfin, il faut, par une campagne de presse et de réunions, faire reconnaître le droit du père de famille à choisir lui-même les éducateurs de ses enfants sans que ce droit en coûte davantage aux uns qu’aux autres : il faut donc réclamer en France l’égalité scolaire réalisée avant-guerre en Angleterre, en Belgique, en Hollande, et imposée par une clause spéciale des traités de paix à toutes les nations que nous avons ressuscitées, libérées ou agrandies. »

Voici, enfin, indiqué l’instrument d’action : « Les catholiques, pratiquants et jaloux de leurs libertés religieuses, constituaient encore une masse importante. Les appeler à se constituer en parti politique serait une erreur grave qui accuserait les divergences au lieu de faire l’unité, puisque, depuis le Ralliement, les catholiques sont divisés sur le terrain constitutionnel. On pouvait par contre envisager la création d’un vaste mouvement, laissant de côté la question de régime, mais conviant tous les catholiques à une action commune en faveur d’un programme minimum sur lequel ils ne pouvaient pas ne pas être d’accord. Ce mouvement ne présenterait pas lui-même de candidats aux élections. Mais il soumettrait son programme à tous les concurrents en lice, sans se préoccuper de leur étiquette, les prévenant que, seuls, auraient son appui ceux qui auraient accepté ses revendications. Les débats sur l’amendement Baudry d’Asson, deux ans auparavant, avaient prouvé que, si des engagements de ce genre eussent été exigés des élus du Bloc National, la liberté complète de l’enseignement eût été obtenue en 1921. Pourquoi ne pas réparer en 1924 la négligence de 1919 ? »

C’est clair, c’est précis. L’inspiration relève d’un christianisme de chrétienté, en tout cas d’un catholicisme « institutionnel » mais au nom de Quoi le condamner forcément ?

Est-ce à dire : que sans Herriot, il se serait, quand même organisé une : « force catholique ». Pas sûr, la poussée populaire a été décisive. Que le 5 octobre 1924, on ait compté 1 800 manifestants à La Roche-sur-Yon, 8 000 à Pau, 21 000 à Bayonne obligea politiques, leaders et évêques à l’action.

Quant au Général de Castelnau connut-il les réflexions du commandant Plessis de Grenedan – que d’officiers, que de particules dans cette révolte ! - ? Peu important. Plus intéressant serait de discerner s’il se porta à la tête de la riposte au Cartel de sa propre initiative ou si, plus précisément, cela lui fut suggéré par la Hiérarchie ecclésiastique ? Aucune mention d’une existence de cette invitation ne figure quelque part. Le fait que le 10 janvier 1932, fêtant ses quatre-vingts ans (France Catho 16 janvier 1952) le Général ait parlé de « réquisition » ne paraît pas suffisant pour le croire. Il y a beaucoup d’implicite dans ces moments. Normal, on est en plein univers ecclésiastique. Cet univers d’onction et de clins d’yeux que la rudesse, militaire ne peut dissiper. D’autant que celle-ci aussi sait manier le non-dit !

Quoi qu’il en soit, à Rodez, le 27 octobre 1924, devant les 3 000 catholiques réunis par La Ligue des catholiques du Rouergue, le général de Castelnau sonna le réveil !

AVEC OU SANS MANDAT,
LE GÉNÉRAL PARTIT EN MISSION

Le vendredi suivant, dans le quotidien parisien – donc national – L’Écho de Paris, il appelait plus explicitement à la constitution d’une Fédération des groupements « d’inspiration chrétienne » :

« L’HEURE EST VENU DE S’UNIR ET DE S’ORGANISER.

« Les paroles impies prononcées par le Président du Conseil, dans sa déclaration ministérielle du 17 juin dernier, sont actuellement suivies de mesures préparatoires à l’exécution des victimes désignées par la Franc-Maçonnerie Internationale.

« Des enquêtes sont entreprises dans la plupart des départements… Le plan d’action dressé par la secte maçonnique est scrupuleusement poursuivi par le gouvernement…

« Et demain ?
« Demain, les partis de désordre imposeront à la faiblesse d’un gouvernement qui n’est fort que contre les faibles, tous les dangers d’une faillite nationale, accompagnée des horreurs qu’engendre le régime soviétique si la politique actuelle se poursuit.
« Voyons ! Allons-nous nous borner à psalmodier les prophéties de
Jérémie ?
« Au lieu de nous lamenter, agissons.
« Serait-ce que la force catholique n’existe pas en France ?

« - Cet ennemi nous le connaissons : c’est la secte maçonnique.
« Son but ? La déchristianisation de la France, le rempart le plus vivant et le plus actif de la civilisation chrétienne…

« Le coude à coude, la cohésion, l’unité (sont nécessaires) dans l’intérêt d’une défense religieuse, sociale et nationale… (dont le programme est ) « restaurer l’ordre social chrétien »

« Il est indispensable de créer une Fédération Nationale de tous les groupements d’inspiration chrétienne… Mais, dira-t-on peut-être n’est-ce pas là le programme d’un parti catholique ?
« Non ! Mille fois non !..
« Il s’agit de créer un groupement cohérent qui fera de la politique religieuse comme d’autres veulent faire et font de la politique familiale, agricole, vinicole…
« Braves gens de France… Venez à nous !

Le ton était donné ! C’était parti !

Sitôt dit, sitôt fait - ! Le Général ne ménagea pas sa peine. Il se mit à battre la France ! Si, le 22 février 1925, ce fut le père Doncœur qui mobilisa 10 000 manifestants à Saint-Étienne, si le 23, 6 000 défilèrent à Évreux, Castelnau fit un tabac à Nantes, le 3 mars : 100 000 manifestants.

On ne va pas égrener la litanie de ces « manifs ». À en croire, la FNC, entre janvier 125 et septembre 1926, ces assemblées réunirent 1 832 000 hommes. Peu d’historiens y ont prêté attention jusqu’ici !

« Il s’est fait ministre de Dieu, parcourant la province française », déclara le cardinal Verdier, à Montmartre, ce matin du 10 janvier 1932 où l’on fêtait le Général. Compliment ou malice ? Comment savoir quand l’auteur en est, à la fois, cardinal et auvergnat et l’intéresse général et auvergnat, lui-même l (ou plus exactement aveyronnais…)

Le récit du premier congrès de l’Union des Catholiques de la Côte-d’Or, à Dijon, le 21 juin 1925 donne une bonne idée du climat et du cérémonial de ces assemblées :
« Il est 2 heures exactement. Une sonnerie de clairons : Aux Champs suivie de La Marseillaise. Des haut-parleurs annoncent l’arrivée de Mgr l’Évêque et du général de Castelnau… (Après le discours de Mgr Landrieux, le colonel Picard prend la parole : « Mon Général, j’ai l’honneur de vous présenter le contingent du diocèse de Dijon dans l’armée catholique dont vous êtes le chef respecté autant qu’aimé.
« Infatigable dans vos tournées triomphales d’inspection à travers la France…
(Après le discours de l’abbé Desgranges, voici le Général de Castelnau) : « Eh bien ! à l’exemple de votre clergé, pour votre Dieu, pour votre foi chrétienne qui est le ferment de la civilisation française, pour votre patrie bien aimée, faites-moi le plaisir, tonnerre de Brest ! de tomber votre veste et de mouiller votre chemise…

En conclusion, on vote cette déclaration-ci : « 12 000 catholiques, réunis à Dijon, le 21 juin 1925, autour de leur Évêque et du général de Castelnau, président de la FNC, s’élèvent avec énergie contre la reprise des luttes religieuses qui nous divisent et font le jeu de nos ennemis. Sans la moindre arrière-pensée politique… ».

C’est très patro ! c’est très Ancien Combattant. ! C’est très années 20 (hors Bœuf sur le toit, Chanel et Surréalisme bien sûr !) – Ah ! Que mon oncle Joseph y dut chanter, jusqu’aux limites de la congestion, successivement et avec la même foi : Nous voulons Dieu, puis La Marseillaise !

Folklorique en somme ? Sous un biais ! Mais à travers le folklore patrioto-ecclésiastique, il se passa quelque chose de fondamental pour le catholicisme français. Dont, les démo-chrétiens et les mouvements cathos les plus opposés à la FNC profitèrent. Il le détermina justement.

Sénateur François Saint-Maur, Vice-Président de la FNC. : « Mon Général, ces catholiques que vous avez groupés, organisés, disciplinés, instruits, dirigés vous doivent d’avoir recouvrés le sens de leur fierté religieuse et le goût de leurs libertés » (Ftance Catho 16/1/32). Le sens de la » fierté religieuse » ! Effectivement, voilà, vraisemblablement le grand apport au catholicisme français de « l’opération » de Castelnau, en particulier, des « catholicismes d’ordre », en général – n’en déplaise au mea-culpisme guileminesque.

Inévitablement, cette montée au créneau spectaculaire du « peuple catholicisme finit par agacer les militants du Cartel. À Marseille, on s’exaspéra. « Le 9 février devait avoir lieu au théâtre des Nations, rue du Paradis, une réunion organisée par la Ligue de défense religieuse et d’action catholique, sous la présidence du Général de Castelnau.
Son annonce avait suscité une effervescence suffisante pour que le sénateur-maire, M. Flaissières, ait jugé opportun d’inviter par voie d’affïches la population au calme, tout en prenant assez vivement a parti la Ligue catholique. Mais cet appel ne fut pas entendu. On eut même la surprise de voir le conseil municipal et des adjoints au maire se mettre à la tête de la contre-manifestation.

Des prêtres, que leur soutane désignait, furent sauvagement assaillis. « (L’Illustration 1925). Bilan : deux morts et une centaine de blessés.

Le « guet-apens » de Marseille-pour reprendre L’Echo de Paris n’arrêta pas le mouvement. Le 16 février suivant, 40 000 catholiques d’Ile-et Vilaine défilaient pacifiquement à Rennes. Le 3 mars cent mille à Nantes…

Tout en allant et venant à travers la France, le général mettait en place la Fédération Nationale Catholique (des Ligues de défense religieuse). Celle-ci tint ses « Etats-Généraux ». (Echo de Paris I8/2), sa première assemblée, le 18 février 1925. Quatre-vingt diocèses étaient représentés.

EN FINIR AVEC L’HUMILIATION, VOILA L’ESSENTIEL

A priori, pas simple à Réaliser cette organisation. Le projet abondait en paradoxes voire en contradiction. D’une part, on voulait « coordonner », « fédérer » des : « ligues locales et même des groupements catholiques préexistants. « Union et Discipline » ne cessait de proclamer le général qui avait une idée assurée de·s conditions d’un combat : « On ne peut escompter la victoire en se basant simplement sur l’héroïsme des troupes, il faut de la méthode, de l’organisation, un commandement unique : » (lettre 25/3/1930) d’un collaborateur de Castelnau). D’autre part, il s’agissait de construire une structure qui interviendrait dans la politique ou plutôt sur la politique sans faire de la politique. L’exercice est assez aisément praticable en « faisant : les couloirs et les antichambres ! ‘Il est moins aisé à sons de trompes et de meetings !

Mais Castelnau savait mener les hommes et puis il y avait de la colère. De la colère venant de l’humiliation : « Nous n’acceptons plus d’être, chez nous, des citoyens dominés ».

Cette petite phrase figurant dans la motion de l’assemblée constitutive de la FNC est profondément explicative. Un vent de retour d’exil soufflait sur ces catholiques.