3169-L'Europe paradoxale - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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3169-L’Europe paradoxale

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L’abstention considérable qui a marqué, une fois de plus, les élections au Parlement européen, provoque étonnement et indignation, sans qu’on cherche vraiment à en identifier les causes. Pour quoi une telle distance de la plupart des peuples, alors qu’on leur offre le projet européen comme la solution à leurs difficultés ? À tout le moins il faut constater un défaut d’adhésion et de confiance. Mais n’est-ce pas l’Europe en elle-même, qui continue à faire difficulté ? Ne demeure-t-elle pas un objet politique mal identifié ? On le conçoit au seul bref rappel historique de ce qui s’est passé depuis la seconde guerre mondiale. Au début, il s’agissait pour les pères fondateurs de mettre fin à la « guerre civile européenne » et les peuples pouvaient admettre le bien-fondé d’une réconciliation entre les anciens adversaires. Mais la petite Europe se comprenait essentiellement comme le lieu de l’entente franco-allemande. Au fur et à mesure de son élargissement, à partir de l’admission de la Grande-Bretagne, le projet s’est fondamentalement transformé en ambition d’organisation de l’ensemble du continent européen. Ce qui changeait tout. Avec l’accueil des peuples libérés de la tutelle soviétique, on est passé à une dimension supérieure qui a encore plus modifié l’équilibre général.

Pour ne s’en tenir qu’à un aspect déterminant, on soulignera la difficulté d’identification. On a souvent l’impression que l’Union européenne s’inscrit dans l’idée d’Emmanuel Kant de réalisation d’une paix perpétuelle entre les nations. Mais en ce cas, c’est le monde entier qui est concerné et on n’imagine pas de frontières à l’Europe qui se confond avec des idéaux universels. Il est d’ailleurs certain que cela correspond à une part d’elle-même, celle dont parlait le grand économiste François Perroux, avec son Europe sans rivages. Mais comment ne pas convenir alors que cet œcuménisme est largement lié à notre histoire chrétienne et au message évangélique ? Ce simple rappel est insupportable à beaucoup qui entendent substituer l’esprit des Lumières à la chrétienté « médiévale ». On a souvent l’impression que tout ce qui concerne notre rapport au christianisme se trouve dévalorisé, nié ou péjorisé, ne serait-ce qu’au travers de l’expression honnie de « club chrétien ». Ce qui constitue d’ailleurs un contresens, le christianisme refusant par essence tout repli sur une particularité géographique ou ethnique.

N’empêche que l’Europe, pour peu qu’elle doive correspondre à une volonté politique, est contraire à des choix impératifs. Or, il n’y a pas de politique sans définition claire des limites dans l’espace, sans défense concertée qui réclame des efforts budgétaires importants, sans accord sur des mesures économiques pour garantir l’ activité et l’emploi. Sur tous ces sujets il y a de profondes divergences que ne peuvent pas ne pas ressentir les peuples, surtout au sein de la tourmente actuelle. C’est faute de les avoir convaincus quant à l’identité et aux contours politiques de l’Europe, que plus de la moitié des électeurs européens sont restés chez eux dimanche dernier.